La police française lance la démolition du camp de réfugiés de la “Jungle” à Calais

Lundi, 1250 policiers antiémeute soutenus par plus de 2000 autres forces de sécurité ont encerclé le camp de réfugiés la “Jungle” à Calais, en France et ont commencé à expulser par la force ses habitants et à détruire le campement.

L’opération avait commencé la veille. La police portant armure et armée de boucliers et de matraques a encerclé et investi le campement, qui abrite 7000 réfugiés fuyant les pays appauvris, déchirés par la guerre d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient qui tentent d’atteindre la Grande-Bretagne.

Au petit matin, la police a tiré des gaz lacrymogènes pour réprimer les protestations qui ont éclaté, avec des dizaines de réfugiés allumant des feux et essayant de repousser les forces de sécurité, en jetant des pierres et des bouteilles. Des milliers de réfugiés ont ensuite été rassemblés dans les zones de traitement administratif, beaucoup n’ayant que des vestes légères ou des sandales à porter malgré le froid, pour être embarqués dans des bus et transférés dans ce qu’on appelle des centres d’orientation et d’accueil (CAO) à travers la France.

À la fin de la journée, selon le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, la police avait évacué 1918 réfugiés du camp, embarqués sur 45 bus.

Ce n’est que le prélude à un assaut en règle pour écraser la résistance de ces réfugiés, y compris des femmes et des enfants, qui ont l’intention de rester dans le camp jusqu’au bout et de continuer à essayer d’atteindre la Grande-Bretagne. Le Monde a écrit : « Quand, jeudi ou vendredi, tous les migrants volontaires auront pris le bus, seuls les récalcitrants resteront. « Là, on en aura fini de l’opération humanitaire », a déclaré un responsable. « L’opération de police va commencer'' ».

Avec un cynisme sans pareil, le gouvernement français du Parti socialiste (PS) a salué l’assaut de la police sur la “Jungle” et l’expulsion forcée des réfugiés vers des CAO comme une opération « humanitaire ». En fait, c’est une attaque radicale contre le droit démocratique fondamental à l’asile qui a été longtemps réclamée par le Front national néo-fasciste (FN). 

L’opération, a dit Cazeneuve allait « procéder à la mise à l’abri de ceux qui relèvent du statut de réfugié en France et qui n’ont pas vocation à être dans la précarité, dans la vulnérabilité à Calais, entre les mains des passeurs qui sont des véritables acteurs de la traite des êtres humains ».

Les autorités ont fait venir des centaines de journalistes pour obtenir une couverture en continu de l’opération de police, qui a porté sur le transport en bus, tout en gardant le silence sur les agressions de la police et pour répéter les affirmations du PS selon lesquelles c’est une action « humanitaire ».

Le communiqué de presse de la préfecture de police du Pas-de-Calais a déclaré : « Plus de 700 journalistes sont accrédités à cette heure. Ils peuvent compter sur les services de la préfecture du Pas-de-Calais qui s’efforce de concilier au mieux la pleine possibilité pour eux de rendre compte de cette opération et le bon déroulement de l’opération elle-même, dans l’intérêt des migrants ».

L’affirmation du PS selon laquelle l’assaut sur la “Jungle” vise à protéger les réfugiés est un mensonge politique odieux. En collaboration avec le gouvernement britannique, qui refuse d’admettre la plupart des réfugiés, il mène une attaque radicale contre les droits démocratiques. L’opération anti-réfugiés vise à diviser les travailleurs avec les haines anti-immigrés que la classe dirigeante attise à travers l’Europe, et à faire appel à la seule base sociale que le PS conserve après avoir été discrédité par ses politiques d’austérité et de guerre, à savoir, la police.

Malgré les conditions déplorables qui régnaient dans la “Jungle”, où les réfugiés ont été contraints de vivre dans des tentes et avec un minimum de ressources, ils devront faire face à des conditions encore plus difficiles et incertaines une fois qu’ils seront dispersés à travers des centaines de centres dans les villes et villages à travers la France.

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) a souligné que les quelques 1200 enfants dans la “Jungle” seront en risque suite à l’évacuation du camp. Le porte-parole du HCR Adrian Edwards a déclaré de l’aide aux personnes déplacées par l’opération était vitale, de sorte « que les enfants ne se déplacent pas vers d’autres destinations et risquent d’être exploités par des trafiquants ou de finir par vivre dans la rue sans aucun soutien ». Il a souligné la nécessité de réunir les enfants avec les parents vivant maintenant en Europe.

À la demande de la police française, les autorités britanniques ont bloqué même le filet d’admissions de réfugiés en Grande-Bretagne quand l’assaut de la “Jungle” commençait. Ces derniers jours, environ 200 enfants avaient été transportés en Grande-Bretagne, dont 60 filles.

« En raison de l’activité opérationnelle prévue à Calais, et à la demande des autorités françaises, nous avons accepté avec réticence que le processus de transfert soit temporairement interrompu », a déclaré un porte-parole du Home Office (ministère de l’intérieur) britannique.

La fermeture de la “Jungle” fait partie d’une politique réactionnaire de l’Union européenne (UE) de fermer ses frontières et de refuser l’asile aux dizaines de millions de personnes qui fuient les guerres impérialistes et les conflits ethniques en Irak, en Syrie, en Afghanistan, en Éthiopie, au Soudan et au-delà. Cela a conduit à des milliers de morts, à mesure que des réfugiés entassés dans des navires de fortune se sont noyés en Méditerranée, un résultat que les responsables de l’UE approuvent tacitement, dans la mesure où ils ont déclaré que la mort des réfugiés pourrait dissuader les autres de tenter le voyage.

L’importance de cette politique barbare va au-delà du nombre de réfugiés qui sont morts ou qui sont en cours d’être évacués de Calais. Comme les puissances impérialistes européennes intensifient leur participation à des guerres impopulaires menées par les États-Unis à travers le Moyen-Orient, elles augmentent massivement les pouvoirs de la police à l’intérieur. Cela n’est nulle part plus évident qu’en France, où le PS a imposé un état d’urgence après les attaques terroristes menées à Paris par des réseaux islamistes mobilisés dans la guerre de l’OTAN en Syrie.

Alors que les réfugiés, les immigrés et les musulmans sont actuellement la cible principale de la police en France, l’objectif central est la classe ouvrière. Déjà, des masses de jeunes et de travailleurs français ont été ciblés dans des assauts brutaux de la part de la police antiémeute quand ils ont protesté contre le droit du travail réactionnaire du PS ce printemps.

Un élément central de cette offensive politique est la promotion par le PS de l’héritage historique et du programme politique du néo-fascisme. Après avoir essayé d’inscrire dans la Constitution le principe de la déchéance de la nationalité, le prétexte juridique pour la déportation des Juifs de France sous l’occupation pendant la Seconde Guerre mondiale, longtemps uniquement défendu par l’extrême droite, le PS a récemment adopté une autre proposition du FN, pour créer une garde nationale. Son but inquiétant est d’aider l’armée dans ses opérations militaires sur le sol français.

Maintenant, le PS adopte une autre demande de longue date du FN : la fermeture des camps de réfugiés qui tentent de rejoindre la Grande-Bretagne dans le nord de la France. Hier, le FN a soutenu l’assaut contre la “Jungle”, mais a exigé que le PS expulse les réfugiés. « On ne fait que déplacer et amplifier le problème » a déclaré le responsable du FN Nicolas Bay, « Bien sûr, la place des clandestins, c’est pas dans des camps payés par les contribuables, c’est évidemment dans des charters. La solution, ça n’est pas la répartition, c’est l’expulsion ». « Il fallait surtout les empêcher d’entrer avant de vouloir les empêcher de sortir pour aller vers l’Angleterre », a-t-il ajouté. « Et puis il fallait surtout cesser d’organiser l’accueil de ces immigrés clandestins, massif, sur l’ensemble du territoire national ».

Il ne faudra pas longtemps avant que le PS ou son successeur lâche à nouveau l’appareil policier contre l’opposition dans la classe ouvrière à l’austérité sociale et à la guerre. Il espère sans doute que, en donnant le libre cours à la police pour un assaut réactionnaire sur les réfugiés sans défense à Calais, il la renforcera davantage pour leur prochaine attaque contre les réfugiés, ou contre les manifestations sociales des travailleurs et des jeunes en France.

(Article paru en anglais le 25 octobre 2016)

 

 

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