Des unités militaires établies dans les écoles publiques du Royaume-Uni

Le secrétaire à la Défense britannique Michael Fallon a annoncé que de nouvelles unités de cadets de l’armée seront alloués à 150 écoles publiques. L’annonce, faite la semaine dernière lors de la conférence du Parti conservateur au pouvoir, est adaptée à un programme d’intensification du militarisme, de la guerre et de l’austérité. Fallon a déclaré que le projet donnerait aux jeunes cadets « les compétences et la confiance dont ils ont besoin pour réussir ». 

La première des 25 unités initiales fut lancé le 4 octobre à Rockwood Academy à l’est de Birmingham. Rockwood Academy, anciennement Park View School, a été au centre de l’enquête très douteuse « Cheval de Troie » sur les allégations d’une prise de contrôle islamiste des écoles Academy dans la deuxième ville de l’Angleterre, Birmingham. À l’époque, l’Ofsted, l’inspectorat officiel, a réduit la note de Park View d’excellente à inadéquate, en disant qu’elle ne parvenait pas à protéger les élèves de l’influence des extrémistes. 

Les écoles Academy sont financées par l’État et sont gérées indépendamment des collectivités territoriales en tant qu’organismes sans but lucrative et peuvent être financées par des contributions privées de particuliers et d’entreprises. Elles ne sont pas obligées de suivre les programmes de l’éducation nationale et représentent environ 50 % des écoles secondaires publiques anglaises. 

Rockwood, a dit Fallon, est « un phénix émergé de ses cendres d’école de Cheval de Troie qui inculque maintenant des valeurs britanniques, au lieu de promouvoir la ségrégation religieuse ». 

Selon son site Web, Rockwood Academy, dirigée par CORE Education Trust, est l’une des dernières écoles à intégrer le Programme d’expansion des cadets (CEP). Gary Newbrook, un Commandant du contingent qui est basé en permanence à Rockwood Academy, a déclaré : « La Force des cadets combinée est conçue pour inculquer des valeurs chez les jeunes qui les aideront à tirer le meilleur parti de leur vie, et à contribuer à leurs communautés et leur pays ». 

Ofsted (l’inspectorat) a amélioré la note de Rockwood à « bon » et a loué l’école dans son dernier rapport pour la façon dont « les valeurs britanniques fondamentales sont promues de manière très efficace ».

Les tentatives précédentes d’intégrer de tels projets dans les écoles ont eu peu de succès. Le projet Troops to Teachers (des troupes aux enseignants), mis en place en juin 2013 par les conservateurs, a été peu suivi avec seulement 28 établissements qualifiés sur un objectif de 2000. À l’heure actuelle, il y a environ 300 unités de cadets scolaires au Royaume-Uni, mais moins de 100 dans le secteur public et plus de deux tiers dans les écoles privées. 

Selon le site Rockwood, le gouvernement reste sur la bonne voie pour atteindre l’objectif de son manifeste de créer 500 unités de cadets dans les écoles pour mars 2020. Fallon a soutenu cet objectif, déclarant que « les forces armées offrent le plus d’apprentissages […] Je suis en train d’établir l’objectif de fournir 50 000 apprentissages durant cette période parlementaire ». 

Une façon de promouvoir l’armée dans les écoles est au moyen de journées de vocations, où on monte un spectacle attrayant conçu pour plaire à tous les niveaux de capacités scolaires, mais en particulier à ceux en difficulté. 

Des candidatures d’élèves pour s’engager à l’armée sont acceptées à l’âge de quinze ans et demi, et la formation militaire peut commencer à seize ans, soit à Harrogate Army College Foundation dans le Yorkshire, ou à l’Army Defence sixth-form College à Loughborough. Le Royaume-Uni est le seul pays de l’Union européenne qui permette que des jeunes de 16 ans s’engagent dans l’armée et commencent la formation militaire. Selon l’organisation des droits de l’Homme Child Soldiers International ((CSI – L’Internationale des enfants soldats), seuls 17 autres pays, dont la Zambie et El Salvador, le permettent. En juin, le Comité des Nations Unies des droits de l’enfant a demandé au gouvernement de « reconsidérer sa politique active de recrutement d’enfants dans les forces armées et de veiller à ce que les pratiques de recrutement ne ciblent pas activement les personnes âgées de moins de 18 ans et veiller à ce que l’accès aux écoles des recruteurs militaires soit strictement limité ». 

Des événements annuels tels que la commémoration de l’Armistice de la fin de la Première Guerre mondiale en novembre, sont utilisés dans les écoles pour promouvoir l’armée plutôt que la réflexion traditionnelle sur la perte énorme de vies dans les conflits qui ont eu lieu depuis la guerre de 1914-18. 

La militarisation de l’éducation complète « la Stratégie PREVENT » du gouvernement et le programme « Channel ». Depuis juillet 2015, les enseignants sont légalement tenus de signaler tout comportement « extrémiste » suspect à la police. Cela a transformé les enseignants en une agence d’espionnage pour les autorités, et même des enfants de quatre ans ont été signalés à la police. 

ForcesWatch, une organisation à but non lucratif fondée en 2010, examine l’éthique des pratiques de recrutement des forces armées et remet en cause les efforts pour intégrer les valeurs militaristes dans la société civile. La Coordinatrice Emma Sangster a déclaré au Guardian, « Le recrutement est un processus, ce n’est pas un événement ponctuel ». Au cours des visites à l’école, des recruteurs des forces armées, « infusent goutte à goutte des choses d’intérêt pour les enfants d’âge scolaire. Ils édulcorent ce que le conflit implique, et ils le rendent attractif. Ils mettent l’accent sur l’aventure, ce que les jeunes gens désirent désespérément ». 

Rachel Taylor, gestionnaire de programme de la CSI, dit que les risques auxquels les enfants sont exposés dans les forces militaires peuvent être plus importants que s’ils s’enrôlaient plus tard. Une étude menée par la CSI et ForcesWatch a montré que ceux qui s’engagent à 16 ans étaient deux fois plus susceptibles d’être tués en Afghanistan que ceux qui s’engagent à 18 ans ou plus. Taylor explique : « C’est parce qu’ils sont canalisés dans les rôles les plus dangereux quand ils sont recrutés […] Ainsi, bien que le ministère de la Défense dise toujours « ce n’est pas dangereux de s’engager à 16 ans parce que vous n’êtes pas déployé avant 18 ans », notre réponse est que « c’est l’âge lorsque vous vous enrôlez qui détermine le degré de risque que vous rencontrez sur toute votre carrière ». 

Le Parti travailliste n’est pas opposé en principe à l’enrôlement des enfants dans les forces armées. Dans sa réponse à l’annonce de Fallon, Clive Lewis, jusqu’à la semaine dernière secrétaire à la Défense du cabinet fantôme, n’a fait aucune mention du sort des milliers de jeunes gens qui sont embrigadés dans la machine de guerre. Au lieu de cela, Lewis a attaqué le discours de la conférence de Fallon depuis la droite, sur la base que de la réduction du budget de défense par le gouvernement, « affaiblit et démoralise nos forces armées, en les laissant mal équipées, débordées, sous-payées et vivant trop souvent dans des conditions sordides ». Lewis a fulminé contre la décision de ne pas utiliser de l’acier britannique pour fabriquer des armements. 

(Article paru en anglais le 13 octobre 2016)

 

 

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