Le nouveau Premier ministre français Cazeneuve prolonge l’état d’urgence

Le nouveau Premier ministre français Bernard Cazeneuve a pris la parole devant l’Assemblée nationale et a envoyé des commentaires au Sénat cette semaine pour exposer la politique de son gouvernement.

Après le discours du Premier ministre, l’Assemblée nationale a voté mercredi matin pour approuver une cinquième extension de l’état d’urgence en France annoncée plus tôt par Cazeneuve, ce qui signifie que les droits démocratiques fondamentaux continueront d’être suspendus en France jusqu’au 15 juillet 2017.

Le gouvernement de Cazeneuve ne durera que cinq mois, jusqu’à l’élection présidentielle de mai 2017, et sera le plus court de la Cinquième République, la structure constitutionnelle créé en France en 1958. Cazeneuve remplace Manuel Valls, qui a démissionné la semaine dernière afin de se présenter à l’élection primaire du Parti socialiste (PS) après le retrait de sa candidature par le président François Hollande à l’élection présidentielle de 2017 en raison de son impopularité profonde. On s’attendait à ce qu’une nouvelle candidature de Hollande, dont le taux d’approbation se situe autour de 4 %, entraîne la désintégration du PS.

Étant donné que la droite est favorite pour gagner l’élection, et qu’elle va continuer à prolonger l’état d’urgence, l’extension par le PS de l’état d’urgence sous Cazeneuve souligne que toute l’élite dirigeante a l’intention de faire de l’état d’urgence un phénomène en réalité permanent.

Cazeneuve, qui, en tant que ministre de l’Intérieur, était chargé de faire respecter l’état d’urgence, est maintenant aux manettes du gouvernement jusqu’en mai, dans une période d’incertitude sans précédent, avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine le mois prochain.

Dans son discours à l’Assemblée nationale mardi, Cazeneuve a présenté un programme agressif. Tandis que le futur gouvernement Trump projette d’augmenter les dépenses en faveur des forces d’opposition syriennes, Cazeneuve dénonce les unités de l’armée syrienne qui combattent les milices islamistes soutenues par l’OTAN à Alep et s’engage à mettre en œuvre scrupuleusement les réductions de dépenses sociales de Hollande.

Il a dit : « Je dénonce l’horreur de ces massacres et j’affirme que ceux qui les ont perpétrés auront à rendre compte, devant la communauté internationale des crimes dont ils sont les auteurs. » Le premier ministre a affirmé que « d’innombrables atrocités » et « massacres » commis par le régime syrien contre des civils à Alep peuvent constituer des « crimes de guerre voire des crimes contre l’humanité. »

Dans la présence de François Fillon à l’Assemblée nationale, le candidat présidentiel des Républicains, Cazeneuve a également implicitement critiqué les plans de Fillon visant à réduire la couverture maladie dans le cadre de la sécurité sociale et à éliminer 500 000 postes dans la fonction publique.

« On peut réformer sans abîmer et on peut moderniser sans détruire » a déclaré Cazeneuve, ajoutant que « Proposer de supprimer des centaines de milliers de postes de fonctionnaires en quelques mois, c’est remettre tout simplement en cause la capacité de l’État à assumer ses missions les plus élémentaires. »

En fait, des masses de travailleurs ont vu que les centaines de milliards d’euros coupés des dépenses publiques sous Hollande et les gouvernements conservateurs précédents ont fragilisé les hôpitaux, les écoles et d’autres services publics tout en stimulant énormément l’inégalité sociale. Alors que les principaux multi-milliardaires français ont au moins doublé leur richesse sous le mandat de Hollande, la principale augmentation des dépenses publiques constatée par les travailleurs et les jeunes était celle du renforcement de l’armée et la police pendant l’état d’urgence.

Cazeneuve a salué la formation par le PS de la Garde nationale de 85 000 hommes, une exigence clé du Front national néo-fasciste (FN). Dans une tentative cynique de stimuler la campagne de Valls dans les élections en adoptant la pose d’être préoccupé par la condition des jeunes, Cazeneuve a également annoncé un petit programme de 80 millions d’euros pour distribuer 335 euros de prime d’année aux apprentis de l’industrie de moins de 21 ans.

La réponse des LR à Cazeneuve à l’Assemblée nationale était donnée par Christian Jacob, qui a donné voix à la cupidité sans borne et au sentiment antimusulman qui domine la classe dirigeante française. « Vous êtes également responsable du bilan désastreux de la débâcle de Hollande », a-t-il lancé à Cazeneuve, exigeant la fin d’une « fiscalisation absolument inique » et affirmant que la France est le produit d’une « civilisation judéo-chrétienne ». Il a prédit une défaite du PS dans les élections encore plus grande que lors des élections de 1993, quand il est tombé de 263 à 57 sièges à l’Assemblée.

André Chassaigne a pris la parole pour le Parti communiste français stalinien (PCF), allié depuis des décennies du PS qui est aujourd’hui la plus grande formation au sein du Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Il a faiblement critiqué le bilan du PS sous Hollande, tout en louant ailleurs Cazeneuve comme « quelqu’un de très respectueux des différentes sensibilités dans l’hémicycle ».

Le gouvernement de Cazeneuve a été approuvé par 305 députés contre 239 avec 10 abstentions à l’Assemblée, qui a enchaîné avec un vote de 288 pour et 32 contre mercredi matin pour étendre l’état d’urgence. L’état d’urgence devait également être approuvé en grande majorité par le Sénat dominé par les LR plus tard jeudi après-midi.

La cinquième prolongation de l’état d’urgence marque l’effondrement de la démocratie française. L’état d’urgence de 20 mois sera le plus long depuis que l’état d’urgence a été créé en 1955 lors des carnages provoqués par la répression française dans la guerre d’indépendance algérienne. Maintenant, le PS impose un état d’urgence sans fin sur la base de seulement quelques attentats terroristes par des réseaux islamistes mobilisés par les puissances de l’OTAN elles-mêmes en Syrie, et cet état d’urgence du PS va effectivement léguer ses pouvoirs d’État policier à un gouvernement des LR ou du Front national.

Plus tôt cette année, l’objectif principal de l’état d’urgence est apparu clairement lorsque le PS l’a utilisé pour organiser la répression violente de la police contre les jeunes et les manifestations ouvrières contre la Loi travail. En plus de mobiliser des dizaines de milliers d’agents des forces de sécurité au cours de ces manifestations, cela a également permis au PS de tenter quelque chose du jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le régime fasciste en France : l’interdiction d’une manifestation légale des travailleurs mobilisés sur la question de législation sur le code du travail.

Cependant, il y a beaucoup plus en jeu dans l’état d’urgence français que la Loi travail. Un autre objectif majeur de l’état d’urgence est d’essayer de terroriser la population et, au besoin, d’écraser l’opposition alors qu’une autre escalade militaire majeure est en cours de préparation.

Comme l’indique clairement l’élection de Trump et les dénonciations belliqueuses du PS à l’égard du régime syrien soutenu par la Russie, une escalade militaire majeure est en préparation. Alors que Cazeneuve menace de traduire des officiels syriens en justice, Trump menace d’escalader la guerre en Syrie et de renoncer à la politique d’une seule Chine qui sous-tend les relations actuelles entre la Chine d’un côté et les États-Unis et plus largement les puissances de l’OTAN de l’autre.

Lire également :

L’État d’urgence permanent en France

(Article paru en anglais le 15 décembre 2016)

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