La police attaque des manifestants protestant la Loi El Khomri

Les forces de l'ordre ont violemment attaqué samedi les manifestants protestant la politique d’austérité du PS et la réforme du droit du travail du ministre du Travail Myriam El Khomri. La décision des syndicats et leurs alliés politiques de ne pas appeler les travailleurs à faire grève aux côtés des étudiants et des lycéens laisse le gouvernement PS libre d’attaquer et d’arrêter des manifestants à travers toute la France.

À Paris, des groupes de manifestants marchant de République à Nation via la Place de la Bastille se sont faits entourer par des détachements de gendarmes le long du parcours de la manifestation. L’atmosphère était tendue, et les avocats du Syndicat des avocats français (SAF) distribuaient des tracts qui conseillaient les manifestants sur comment réagir en cas d’arrestation.

Les manifestants scandaient, « De l'argent, il y en a, dans les comptes au Panama », se référant aux révélations ‘Panama Papiers’ de fraude financière par les élites financières ; et « P comme pourri, S comme salaud, à bas les socialos. »

Un hélicoptère survolait la manifestation, et les affrontements ont éclaté alors que les manifestants atteignaient la Place de la Nation. Les forces de l'ordre ont bloqué le cortège de la Confédération générale du travail (CGT) stalienne avant qu’il n'entre dans la place, pendant qu’elles tiraient des salves de gaz lacrymogène sur des étudiants qui étaient déjà sur la place. Des policiers en civil ont tenté d’arracher des manifestants de la foule et d’arrêter ceux qui avaient combattu la police.

Il y avait au moins neuf arrestations à Paris et 26 à travers la France. Plusieurs manifestants à Paris ont été blessés, dont une femme frappée dans l’œil.

À Rennes, où des milliers de manifestants ont défilé, les forces de l'ordre ont chargé le cortège et ont tiré de grandes quantités de gaz lacrymogène et de grenades incapacitantes. Les manifestants ont installé des barricades enflammées dans le quartier des Lices. Des pompiers auraient été caillassés jusqu’à ce que les forces de l'ordre vident le quartier. Selon 20 Minutes, 18 personnes ont été blessées à Rennes, dont cinq avec des blessures critiques telles que les fractures du crâne et des blessures aux yeux.

Des dizaines de milliers de personnes ont défilé à Marseille près du Vieux-Port, ainsi qu'à Toulouse, où des étudiants ont rejoint une manifestation d’acteurs au Théâtre National de Toulouse (TNT) avant d’occuper la place du Capitole.

Au total, plusieurs centaines de milliers de personnes ont défilé dans environ 200 villes contre la loi El Khomri et le programme d’austérité de l’Union européenne, défiant l’état d’urgence imposé par le PS après les attentats terroristes du 13 novembre à Paris.

Un hélicoptère de la police survole la manifestation du 9 avril à Paris<

La mobilisation, après une journée d'action le 5 avril violemment attaquée par la police, était sensiblement inférieure à celle du 31 mars.

La question politique centrale est l’absence d’une perspective claire sur laquelle s'opposer au PS. Malgré une large opposition à Hollande, le président le plus impopulaire de France depuis la Seconde Guerre mondiale, et une réelle combativité des jeunes et des travailleurs, les jeunes sont isolés dans des manifestations où ils sont attaqués par des hordes de CRS armés jusqu’aux dents.

C'est lié au fait que les organisations syndicales et leurs alliés de pseudo-gauche parmi les partis politiques en France ont tous appelé à voter Hollande à l’élection présidentielle de 2012, et tous cherchent à bloquer un mouvement qui pourrait le renverser.

En même temps, les forces politiques autour du PS, dont Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon, divers responsables Verts, et le Nouveau Parti Anti-capitaliste, mettent en avant les manifestations symboliques de #NuitDebout. L’occupation des places publiques, calquée sur les mouvements à Athènes et à Madrid en 2011 qui ont contribué à amener le gouvernement au pouvoir Syriza en Grèce et établir le parti Podemos en Espagne, n’offrent rien aux travailleurs. Le but est de détourner les jeunes de la tâche de mobiliser la classe ouvrière en lutte contre le PS et ses alliés.

Le mouvement #NuitDebout cherche à éviter une mobilisation plus large des travailleurs. Il fournit également un moyen aux divers agents politiques réactionnaires de gagner une influence sur ce mouvement plus large d’opposition au PS et sa « réforme » du code de travail.

Ainsi, lors de la manifestation à Paris samedi, un journaliste du WSWS a parlé à un employé d’hôtel qui a dit qu’il y avait une colère généralisée sur son lieu de travail contre la loi, qui, a-t-il ajouté, était largement discutée. Néanmoins, c'était le seul travailleur à l'hôtel venu manifester sa solidarité avec les jeunes. À quelques pas, un cadre politique auparavant membre du personnel de Mélenchon a évoqué son enthousiasme pour #NuitDebout, se vantant d’avoir été à des réunions où il avait vu le Premier ministre.

Dalil, un lycéen à la manifestation parisienne qui protestait la loi avec plusieurs amis, a parlé au WSWS. Sur la loi, il a dit, « Pour les lycéens, pour les générations futures, ça va faire qu’on serait encore plus précaire. C’est une des pires choses qui peuvent nous arriver, en fait. On vie déjà dans un monde en crise. C’est déjà compliqué. Il y a déjà enromement de chômage parmi les jeunes et ce n’est pas la peine à rajouter, quoi. Cette loi va en rajouter. »

Les forces de l'ordre préparent une souricière à la manifestation du 9 avril à Paris

Dalil a également dit qu’il est opposé aux forces de l'ordre en France et à guerre par procuration menée en Syrie par Paris et ses alliés de l’OTAN, y compris aux frappes effectuées après les attentats terroristes en France et en Belgique.

La guerre en Syrie, a-t-il dit, « continue d’alimenter des foyers de tension là-bas, c’est à dire, ces foyers ont été alimentés par les Occidentaux, et aujourd’hui ça a completement explosé dans la région. En fait, on continue à avoir des politiques qui ne fonctionnent plus et on sait qu’elles ne fonctionnent plus, parce que les bombardements à distance ça tue des civils. Je ne vois pas pourquoi on repondrait à des attentats qui ont tué 130 personnes ici en faisant 2.000 morts là-bas. Ça n’a aucun sens. »

Le WSWS a également parlé à Jérémie, un intermittent du spectacle, qui a attaqué la loi El Khomri : "Quelle belle connerie ! C’est encore un peu plus de pouvoir au patronat... Donc, on est toujours plus pressé, il y a toujours moins de temps pour soi ou plus de fric pour le patronat. Qui visiblement en plus en met pas mal à Panama ».

« On se rend compte que c’est une espèce d’oligarchie que s’est fait, » at-il ajouté. « Dans tous les pays, c’est le même. »

Il a exprimé sa profonde déception avec le PS. « Je ne sais même plus ce que veut dire le PS, » a-t-il dit. « Parce que la politique du PS j’ai l’impression que le mec [président Hollande] il a pris le pouvoir sous une étiquette et puis il a dit : “Mais non en fait c’était un bon outil, le PS, mais moi, en fait, la politique que je veux faire c’est plutôt une politique de droite et je me sens plutôt libéral.” On est loin de “Moi, Président jamais on ne ferait ça”, “Moi, Président jamais on ne ferait ci.” »

Jérémie a ajouté que la montée du Front national néo-fasciste « va de pair avec la paupérisation. ... je dirais qu’à chaque fois qu’on a des problèmes pour se loger, pour se nourrir, il y a toujours un fasciste qui passe et qui fait : “Bon, le salaud responsable de ça c’est celui-là” ».

Le WSWS a également parlé à deux lycéens, Marin et Lucas, qui assistaient à la manifestation de Paris et ont discuté des problèmes qu'ils ont vus dans les manifestations.

« Il y a eu beaucoup de violence ; il y a eu beaucoup de casse, » ils ont dit. « il y a trop de tension en fait... on essaie quand même d’être dans le mouvement, mais voilà le problème c’est que comme on est jeune, surtout les CRS ils ne nous manquent pas. Sinon, ce que je trouve c’est un mouvement qui fait plaisir parce que ça rassemble beaucoup de personnes. »

Marin a ajouté: «À l’échelle mondiale, le monde a pris une direction il y a très longtemps qui a des conséquences maintenant qu’on n’a pas prévues à l’époque. Il va y avoir un jour où ça va juste aller trop loin, ça va dépasser les limites, et on va se dire merde, on aurait dû revenir en arrière plus tôt et changer beaucoup plus tôt. Ça vient de la guerre, beaucoup d’inégalité, beaucoup d’injustice parfois. »

(Article paru d’abord en anglais le 11 avril 2016)

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