La Banque centrale européenne rejette la demande italienne d’un délai pour sauver une banque en difficulté

La Banque centrale européenne (BCE) a rejeté une demande visant à retarder la date limite d’un accord mené par le secteur privé pour sauver la banque Monte dei Paschi di Siena (MPS), la troisième plus grande d’Italie, rendant plus probable un sauvetage par le gouvernement, ce qui imposerait des pertes importantes aux petits investisseurs et porteurs d’obligations.

La MPS avait envoyé une demande au conseil de surveillance de la BCE de prolonger le délai pour parvenir à un accord au 20 janvier pour avoir plus de temps afin de mettre en place l’opération de sauvetage de 5 milliards d’euros.

L’accord, qui dépendait d’une injection de fonds du Fonds souverain du Qatar d’un montant pouvant atteindre 2 milliards d’euros et d’une série complexe d’échanges de dettes pour des d’actions, devait être réglé cette semaine. Mais le vote écrasant du « non » lors du référendum italien dimanche dernier et la démission du Premier ministre Matteo Renzi ont jeté un pavé dans la mare du plan de sauvetage, le fonds qatari a déclaré qu’il ne ferait pas d’investissement avant d’avoir reçu une clarification concernant la formation d’un nouveau gouvernement.

Selon un reportage de Reuters et des reportages ultérieurs dans le Financial Times et le Guardian, le conseil d’administration du Mécanisme de Supervision bancaire de la BCE, chargé de la réglementation bancaire européenne, a rejeté la demande d’un délai lors d’une réunion vendredi.

La BCE et le Trésor italien ont jusqu’à présent refusé de commenter, mais les opérations boursières sur les actions MPS ont été suspendues, après avoir perdu 10 % de leur valeur. Selon les médias italiens, la MPS a tenu une réunion du conseil d’administration d’urgence et a participé aux pourparlers avec le gouvernement au cours du week-end.

Citant « des gens tenus au courant des délibérations », le Financial Times a déclaré que le conseil de surveillance avait refusé la demande craignant que « si les troubles de la MPS étaient laissés en suspens, cela pourrait conduire à une crise systémique du système bancaire italien.

La décision de la BCE rends presque certaine l’organisation par le gouvernement d’un sauvetage sous une forme ou une autre. Toutefois, en vertu des règles de l’Union européenne, qui sont entrées en vigueur cette année, toute injection de fonds publics devrait être précédée par l’imposition de pertes aux créanciers, en particulier les petits investisseurs et les ménages.

Un tel geste sera politiquement explosif. Les petits investisseurs, qui détiennent souvent des dépôts, représentent une part importante des porteurs d’obligations de deuxième rang. On estime qu’il y a environ 40 000 ménages qui possèdent des obligations, pour une valeur totale de 2 milliards euros à la MPS. Ils ont été attirés vers ces investissements suite à la crise bancaire européenne de 2011 avec l’assurance que leurs investissements étaient aussi sûrs que les dépôts.

Un « bail-in » (sauvetage interne) de ces détenteurs d’obligations dans quatre petites banques qui ont fait faillite l’année dernière a provoqué un tollé politique, et le suicide d’un petit investisseur. Une telle opération impliquant la MPS, qui se déroulerait à une plus grande échelle, deviendrait un enjeu de campagne majeur dans les élections italiennes dans la foulée de la chute du gouvernement Renzi et pourrait conduire à un mouvement pour quitter l’UE.

Une déclaration par les membres du Parlement européen appartenant au Mouvement cinq étoiles, populiste de droite, publiée sur le blog du fondateur de l’organisation, Beppe Grillo, a déclaré que la MPS ne pourrait être sauvé que par des aides d’État afin d’éviter les règles sur les sauvetages intérieurs qui portent atteintes aux petits épargnants, comme cela s’est produit il y a un an.

« Ce n’est pas le moment de craindre l’Union européenne et une éventuelle procédure d’infraction. Les conséquences d’un sauvetage interne désordonné seraient pour le moins désastreuses. Presque apocalyptiques si l’on considère la taille de la MPS. »

La déclaration, qui a été rapporté dans le Guardian, affirme qu’il est « temps de frapper du poing sur la table à Bruxelles […] tout en se moquant du déficit ».

Les pourparlers entre la MPS et le gouvernement peuvent donner lieu à un effort de dernière minute pour élaborer un plan de sauvetage, mais l’incertitude politique quant à la composition du nouveau gouvernement et ses politiques rend sa réalisation peu probable.

Mujtaba Rahman, responsable des questions européennes pour l’évaluation des risques chez Eurasia Group, a déclaré au Financial Times que les institutions européennes avaient toujours été « sceptiques » au sujet du plan du secteur privé. « Non seulement il implique un plan de restructuration moins ambitieux mais la possibilité obtenir un investisseur de référence est devenue beaucoup moins probable vue la démission de Renzi et l’instabilité politique continue à Rome », a-t-il dit.

Il semble que les décisions de la BCE puissent faire partie d’un plan plus large visant à forcer le gouvernement italien et les autorités financières du pays à imposer une restructuration de l’ensemble du système bancaire du pays, qui est alourdi d’environ 360 milliards d’euros de créances douteuses.

Reuters a rapporté que les responsables de la BCE ont exprimé l’espoir que la « recapitalisation de précaution » de la MPS par l’État italien, autrement dit, une recapitalisation d’une institution encore considérée comme solvable, ouvriraient la voie à des injections similaires de fonds publics dans d’autres banques italiennes en proie aux créances douteuses.

Selon un responsable anonyme de la BCE, cité par l’agence de presse, il y avait un consensus sur le fait que la MPS avait besoin d’une recapitalisation. « Une fois que c’est fait, elle pourrait servir de modèle pour les autres banques. »

Mais, comme l’a noté le reportage de Reuters, ce genre d’intervention de l’État est devenue un « tabou politique » cette année, avec les nouvelles règles de l’UE stipulant que cela ne pourrait se faire qu’après que tous les investisseurs privés, y compris les petits détenteurs, soient d’abord ponctionnés.

Quelle que soit l’issue des négociations et des pourparlers au cours des prochains jours, cela aura des conséquences considérables pour l’ensemble du système bancaire italien. La prochaine crise potentielle est centrée sur UniCredit, la plus grande banque d’Italie, et sa seule institution bancaire mondiale d’importance.

UniCredit devrait annoncer un plan pour lever 13 milliards d’euros de fonds propres mardi prochain dans le cadre d’un effort pour stabiliser sa situation financière. Mais si le gouvernement décide d’entreprendre un sauvetage de la MPS dans les conditions dictées par la BCE, ces plans pourraient être compromis. Selon le Financial Times, les banquiers de premier rang ont dit qu’ils craignent qu’une « recapitalisation de précaution » de la MPS puisse compromettre les efforts visant à mobiliser des capitaux par UniCredit.

Jusqu’à présent, les marchés financiers européens sont restés stables face à la crise de la MPS. Mais il existe un potentiel de « contagion » en raison des interconnexions dans le système bancaire. Par exemple, UniCredit détient Hypovereinsbank, la quatrième plus grande banque d’Allemagne, tandis que Banca Nazionale del Lavro, le huitième plus gros prêteur d’Italie, est détenu par BNP Paribas, la plus grande banque française, et Cariparma, le 11e prêteur italien est détenu par le Crédit Agricole, l’une des plus grandes banques françaises.

(Article paru en anglais le 10 décembre 2016)

 

 

 

 

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