Trump présente un programme de droite ultra-nationaliste lors d’un rassemblement à Cincinnati

Lors d’un rassemblement à Cincinnati, dans l’Ohio, jeudi soir, le président nouvellement élu des États-Unis, Donald Trump, a présenté le programme de droite ultra-nationaliste de « l’Amérique d’abord » de son futur gouvernement. 

Le discours de Cincinnati était différent de tous les discours prononcés par un président ou un président venant d’être élu dans l’histoire américaine. C’était une combinaison de contradictions flagrantes, d’exagérations, d’hyperboles sauvages, de démagogie vide et d’autocongratulation où il se présente comme l’homme qui réglera tous les problèmes auxquels le pays est confronté. Il a combiné des menaces contre des ennemis politiques avec des promesses de travailler avec tout le monde et n’importe qui pour surmonter les blocages partisans et restaurer les emplois américains.

Tout en se fondant sur une rhétorique autour de la protection de « l’ouvrier américain », les propositions politiques de Trump étaient centrées sur des réductions d’impôts massives pour les sociétés et sur la déréglementation, combinées à l’augmentation de la taille des forces armées, à l’élargissement des pouvoirs de la police et à la réduction radicale de l’immigration. Pendant le rassemblement Trump a également annoncé que son choix pour le secrétaire de la Défense est James « Mad Dog » Mattis, un général à la retraite.

Les remarques de Trump étaient clairement formulées et probablement écrites par le stratège en chef de Trump, Stephen Bannon, l’ancien chef de Breitbart News qui a des liens avec des organisations fascistes. Bannon a appelé à la formation d’un nouveau « mouvement » – un terme que Trump a martelé tout au long de ses remarques – s’appuyant sur le nationalisme économique et l’opposition aux « globalistes ».

Un thème majeur était la nécessité d’« unifier » la nation en opposition aux politiciens de Washington qui auraient subordonné les « intérêts américains » aux puissances étrangères. « Il y a beaucoup de discussions sur la façon dont nous devenons un monde globalisé », a déclaré Trump, « mais les relations que les gens apprécient dans ce pays sont locales… Il n’y a pas d’hymne mondial, pas de monnaie mondiale, pas de certificat de citoyenneté mondiale. Nous nous engageons à l’allégeance à un drapeau, et c’est le drapeau américain ».

« Dorénavant, ce sera l’Amérique d’abord », a-t-il ajouté. « Nous allons mettre nous-même d’abord… Notre objectif est de renforcer les liens entre les citoyens, de rétablir notre sentiment d’appartenance à une communauté nationale partagée ».

Comme ce fut le cas au cours de sa campagne présidentielle, Trump a fait un appel démagogique à la colère sociale contre la baisse des salaires et l’inégalité sociale. « Notre gouvernement n’a pas réussi à protéger les intérêts du travailleur américain », a-t-il dit. « Une main-d’œuvre en baisse et des salaires qui stagnent ne vont pas devenir la nouvelle norme ».

Il y a un énorme fossé entre cette rhétorique populiste vide et le personnel que Trump a choisi pour peupler son gouvernement. Ce discours a suivi une série de choix pour son Cabinet, y compris les milliardaires dépeceurs d’actifs, les banquiers de Wall Street et des opposants inébranlables à la réglementation financière et corporative, à l’éducation publique et à la sécurité sociale, pour diriger les ministères du Trésor, du Commerce, de l’Éducation, de la Santé et des Services sociaux.

En dépit de ses grandes envolées sur « l’unité nationale », le futur gouvernement Trump mènera une guerre de classe brutale. Le « plan d’action » de Trump est centré sur la libération des entreprises de toute restriction à l’exploitation et au profit. « Actuellement, nous punissons les entreprises qui font des affaires en Amérique », a-t-il déclaré. Pour ramener les emplois, la nouvelle administration « allégerait massivement les impôts et fera de l’Amérique le meilleur endroit au monde pour embaucher, investir, grandir, créer et se développer ».

Il a ajouté qu’il « éliminerait tous les règlements inutiles qui minent la capacité de nos travailleurs et de nos entreprises à concurrencer des entreprises de pays étrangers ».

Trump a annoncé l’accord avec Carrier pour maintenir la production de son usine d’Indianapolis, Que la compagnie-mère de Carrier, l’United Technologies Corp. (UTC) prévoyait de fermer d’ici 2019 pour transférer la production au Mexique. Carrier ne conservera que 800 des 1400 ouvriers de production de l’usine, et cet accord sanctionnera également la fermeture de l’usine UTC à Huntington, Indiana, qui effacera les emplois de 700 autres travailleurs.

Dans les discussions à la fin du mois dernier, Trump a déclaré au PDG de l’UTC, Gregory Hayes, que ses plans visant à réduire les impôts des sociétés et la réglementation sur le travail, la santé, la sécurité et l’environnement seraient beaucoup plus rentables pour la compagnie que les économies annuelles de 65 millions de dollars à l’étranger. En échange de l’accord, Carrier a reçu 7 millions de dollars de réductions d’impôt et autres subventions. Il est également probable que UTC, un important entrepreneur dans le secteur de la défense, a reçu la promesse de contrats encore plus importants sous la présidence de Trump.

Trump a réitéré sa proposition pour de grands projets d’infrastructure, un plan qui serait une manne pour les entreprises et essentiellement remettre l’infrastructure publique aux entreprises privées. Selon Trump ces mesures, combinées à de plus grandes restrictions au commerce, « inaugureraient une nouvelle révolution industrielle ».

Trump a combiné son programme de réductions d’impôt et de déréglementation avec un appel à de fortes restrictions sur l’immigration. « Nous allons restaurer la souveraineté des États-Unis », a-t-il dit. « Nous allons construire un grand mur à la frontière » et « libérer nos communautés de l’épidémie de violence des gangs et de drogues qui affluent vers notre pays ».

Trump en a peu dit sur la politique étrangère, sauf pour critiquer les 6000 milliards de dollars dépensés pour les guerres au Moyen-Orient. Il a également déclaré que les États-Unis devraient « cesser de chercher à renverser les régimes et renverser les gouvernements » et plutôt se concentrer sur « la reconstruction de notre pays ». Sous une administration Trump, il a affirmé que les États-Unis : « chercheraient des intérêts partagés chaque fois que c’était possible et poursuivraient une nouvelle ère de paix, de compréhension et de bonne volonté ».

En fait, le nationalisme de « l’Amérique d’abord » de Trump sera accompagné par une escalade massive de violence militaire. Dans son discours, Trump a promis un « effort national pour construire notre armée qui a beaucoup perdu » et a appelé à une campagne majeure pour « détruire l’État islamique ».

Plus notable, il y a la sélection de Mattis comme secrétaire de la défense. Mattis est un militariste fanatiquement anti-Islam qui a joué un rôle important dans l’invasion américaine de l’Afghanistan et a mené l’assaut brutal de 2004 contre Falloujah en Irak. En parlant de ses expériences en Afghanistan, Mattis a déclaré en 2005 que « c’est vraiment très amusant de les abattre ».

En menant le commandement central américain sous Obama de 2010 à 2013, Mattis a critiqué la Maison-Blanche pour ne pas avoir mené une guerre assez agressive au Moyen-Orient et pour être trop conciliante envers l’Iran.

Dans une indication de la domination de l’armée dans le futur gouvernement Trump, Mattis serait le premier général de réserve à être secrétaire à la défense depuis George Marshall en 1950-51. La loi fédérale dispose que les généraux doivent être mis à la retraite depuis au moins sept ans avant de diriger le Pentagone, mais Mattis devrait obtenir une exception du Congrès. Il a le soutien des républicains du Sénat, dont le sénateur John McCain, président du Comité des services armés du Sénat.

Mattis travaillera en étroite collaboration avec le conseiller en sécurité nationale de Trump, un autre général retraité, Michael Flynn.

Les syndicats et le Parti démocrate ont applaudi Trump, faisant écho à son nationalisme économique et faisant écho au mensonge que ce milliardaire magnat de l’immobilier, qui dirigera le gouvernement le plus à droite dans l’histoire, est un champion de la classe ouvrière.

Le sénateur américain Joe Donnelly (démocrate de l’Indiana) a déclaré qu’il espérait travailler avec Trump pour : « tirer parti de l’élan créé par votre accord avec United Technologies » et adopter une proposition fédérale de « sous-traitance » qui « refuserait et récupérerait certains avantages fiscaux aux entreprises qui déplacent des emplois à l’étranger ». En ajoutant : « Je vous encourage fortement à préciser que les efforts pour expédier des emplois à l’étranger à la chasse aux salaires bon marché seront abordés de front par l’Administration Trump. Je suis prêt à aider de toutes les manières possibles ».

(Article paru d’abord en anglais le 2 décembre 2016)

Loading