La Chine confirme son ralentissement économique alors que le FMI baisse ses prévisions de croissance mondiale

L'économie chinoise a connu sa croissance la plus faible depuis la période qui suivi le massacre de la Place Tienanmen il y a un quart de siècle; elle a connu une expansion de 6,9 ​​pour cent l'an dernier, comparé à 7,3 pour cent en 2014. La croissance du quatrième trimestre de 2015 a été encore plus faible, 6,8 pour cent. 

Fait significatif, l'acier et l'électricité, deux éléments clés de l'industrie lourde chinoise, ont vu leurs volumes de production se contracter. La production d'acier a baissé de 2,3 pour cent, la production d'énergie de 0,2 pour cent. La production de charbon a diminué pour la deuxième année consécutive. 

La croissance de l'industrie et de la construction a connu une hausse, qualifiée de «maigre», de 0,9 pour cent sur un an alors que les prix des produits industriels ont été en baisse quatre ans d'affilée. Les investissements en capital fixe, dont la construction d'infrastructures et d'usines, a augmenté de 10 pour cent, le plus faible taux de croissance depuis 2000. Les investissements d'infrastructure ont chuté en décembre, après une hausse antérieure due à une relance budgétaire du gouvernement.

Le ralentissement de la croissance chinoise était annoncé au moment où le Fonds monétaire international publiait un rapport réduisant ses prévisions de croissance mondiale pour cette année et pour 2017. Le FMI a aussi averti que, à moins que « les transitions majeures dans l'économie mondiale ne soient négociées avec succès, la croissance mondiale pourrait dérailler ». 

Le FMI prévoit une croissance mondiale de 3,4 pour cent en 2016 contre 3,6 pour cent prévus en octobre et de 3,6 pour cent pour 2017 au lieu de 3,8 pour cent. Pour l'économie américaine il prévoit une croissance de 2,6 pour cent en 2016 et 2017, en baisse par rapport aux prévisions précédentes (2,8 pour cent); la croissance pour la zone euro est prévue à 1,7 pour cent, contre 1,8 pour cent précédemment. 

Parmi les principaux risques pour l'économie mondiale, le FMI a cité: un ralentissement plus fort que prévu en Chine; une nouvelle hausse du dollar américain, impactant la dette des entreprises des économies des marchés émergents; « Un accès soudain d'aversion au risque mondial», c'est à dire une crise financière pouvant être déclenchée par un certain nombre d'événements; et une « escalade des tensions géopolitiques en cours, qui pourrait affecter la confiance ». 

Loin d’être des risques prévus à long ou même à moyen terme il s’agit là d’une réalité quotidienne dans l’actuel environnement économique mondial. 

Le FMI a également averti que les marchés des matières premières représentaient un double danger. De nouvelles baisses des prix des matières premières, qui sont à leur niveau le plus bas depuis la crise financière de 2008-2009, « aggraveraient les perspectives, déjà fragiles, des producteurs de matières premières. » Le Brésil et la Russie sont déjà en récession, et le malaise pourrait se propager. 

Une baisse des prix des matières premières pourrait aussi avoir un impact sur la dette à haut rendement des obligations dites «de pacotille», émises par des sociétés liées à l'énergie et « menace un resserrement général des conditions de crédit ». 

Ces avertissements sont appuyés par la baisse ininterrompue du prix du pétrole. Il a chuté jusqu'à 28 dollars le baril et pourrait bien descendre plus bas: certains analystes prédisent un prix de 20 ou même de 16 dollars le baril. 

Mardi, l'Agence internationale de l'énergie a averti que le marché mondial du pétrole « pourrait être noyé dans l'offre excédentaire» au moment où le pétrole iranien revient sur le marché, suite à la levée des sanctions. Elle a dit qu'il y aurait une pression énorme « sur la capacité du système pétrolier à absorber le surplus ». 

Si la demande de pétrole a augmenté en 2015, le taux de croissance a lui, ralenti dû aux tendances à la récession de l'économie mondiale. Les prix du pétrole ayant baissé de 75 pour cent ces 18 derniers mois, une des plus fortes répercussion d’une poursuite de la baisse sera sur les marchés des obligations d'entreprises, où des dettes encourues avec un pétrole à 100 dollars le baril ne sont plus viables. 

Ces tendances seront affectées plus encore par le ralentissement chinois qui, avec l’inquiétude au sujet de l’amplitude et des conditions d’une chute de la monnaie chinoise, le renminbi (ou yuan), sont l'une des sources de turbulences persistantes des marchés obligataires mondiaux. 

Si le soulagement fut général du fait que les chiffres de la croissance chinoise n'étaient pas aussi mauvais qu'ils auraient pu l’être, une partie de la presse financière a pointé des zones de préoccupation croissante. Un éditorial mardi du Financial Times a dit qu'« un certain optimisme était justifié » vu que le taux de croissance « frisait » la cible officielle d’environ 7 pour cent. Il a également cité des données montrant que la consommation représentait une plus grande part de la croissance chinoise à mesure que la Chine agissait pour diminuer sa dépendance du secteur manufacturier et de l'industrie lourde. 

« Ces progrès, » écrit le journal, « ...ne cachent pas la douleur inhérente à la transition ni les failles profondes qui menacent de fracturer le dynamisme de la Chine. La principale d'entre elles est le fait inconfortable que la Chine achète une grande partie de sa croissance grâce à une émission massive de prêts aux entreprises et aux ménages ». 

Le Financial Times a cité des chiffres de la Banque des règlements internationaux, qui montrent que la Chine a les niveaux d'endettement privé les plus élevés du monde et que le coût du service de la dette a augmenté de 12 pour cent du PIB en 2009 à 20 pour cent aujourd'hui. 

« Le danger est désormais que la contraction des bénéfices industriels, les charges du service de la dette, et un marché immobilier qui faiblit puissent ralentir la croissance des revenus des ménages, compromettant ainsi les dépenses des consommateurs qui forment la strate la plus robuste de l'économie », poursuit l'éditorial. 

Ce qui s’appelle « douleur de la transition » signifie la destruction de pans entiers de l'industrie et la perte de millions d'emplois, et fait apparaître au régime ce qui lui fait le plus peur – une recrudescence des luttes de la classe ouvrière. Des signes d'un tel mouvement existent déjà. 

Il y eut en décembre un record mensuel de 400 manifestations de la part des travailleurs chinois, le résultat du mécontentement croissant dans la classe ouvrière, qui vient de la turbulence financière accrue associée à la dévaluation du renminbi, du krach boursier commencé en août dernier et du ralentissement actuel de l'économie. 

Les chiffres de croissance plus faibles vont de pair avec des suppressions d'emplois continues dans les grandes économies; une suite d'entreprises en Europe supprime des emplois un peu partout, entre autre dans la production d'électricité, le transport aérien, l'acier et la finance. 

Aux États-Unis, Johnson et Johnson a annoncé mardi qu'il allait supprimer 3.000 emplois dans ses activités d'appareils médicaux dans le cadre d'un plan visant à réduire les coûts d'un milliard de dollars. 

On avertit aussi que le secteur manufacturier américain va vers une récession voire s’y trouve déjà. Un sondage publié par la Réserve fédérale plus tôt ce mois-ci a trouvé que la plus grande partie de l'industrie manufacturière américaine, à l'exception de l’automobile et de l'aérospatiale, faiblit depuis huit mois. Selon la National Association of Manufacturers, la production manufacturière, qui grandissait au taux de 4,5 pour cent il y a un an, a maintenant un taux de seulement 0,9 pour cent. 

Comme en Chine, ces conditions économiques aggravées et la poursuite des attaques sur les salaires, l'emploi et les conditions sociales conduisent à une plus grande résistance de la classe ouvrière. L'opposition profonde aux contrats au rabais imposés par la bureaucratie du syndicat UAW dans l'industrie automobile américaine a été suivie par les grèves-maladie des enseignants de Détroit protestant contre les conditions déplorables dans les écoles publiques et par l'indignation causée par l’empoisonnement au plomb de l'eau dans la ville proche de Flint suite aux compressions budgétaires. 

Cette résistance est alimentée par l'aggravation des inégalités sociales, prouvée une fois de plus cette semaine par la publication d'un rapport d’Oxfam montrant que soixante-deux individus possédaient à eux seuls autant de richesse que la moitié la moins riche de la population mondiale. 

Comme le fait remarquer ce rapport: « Loin de montrer des retombées favorables vers le bas, revenus et richesses sont aspirés vers le haut à un rythme alarmant ». 

L’inquiétude grandissante des cercles dirigeants que se produise une éruption de conflits sociaux et de classe a déjà été exprimée par l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne dans un rapport publié en 2014. Celui-ci y pointait « le conflit entre les classes socio-économiques inégales dans la société mondiale », notant que les tensions entre le monde des pauvres et le monde des riches « augmenteraient, avec les conséquences correspondantes ». Ces tensions n'ont fait qu'augmenter depuis la rédaction de ce rapport et on commence à voir apparaître leurs conséquences plus nettement. 

(Article paru en anglais le 20 janvier 2016)

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