Quatrième réunion électorale de l’EJIES à l’université Humboldt de Berlin

La lutte contre la guerre et les leçons de l’histoire

Le groupe des Etudiants et Jeunes internationalistes pour l’égalité sociale (EJIES) à l’université Humboldt de Berlin (HU) a organisé mercredi dernier une nouvelle réunion très réussie. C’était la quatrième réunion de l’EJIES durant cette campagne pour l’élection au Parlement étudiant (StuPa).

Les réunions précédentes avaient analysé le rôle que jouent les professeurs Herfried Münkler et Jörg Baberowski ainsi que leur soutien d’un Etat policier et de la guerre. Le thème de la réunion de mercredi était « La lutte historique menée par le mouvement socialiste contre la guerre. » 

La réunion de l’EJIES

L’EJIES avait invité comme orateur Ulrich Rippert, le secrétaire national du Partei für Soziale Gleichheit (PSG, Parti de l’Egalité sociale). Il a débuté son allocution par ces mots, « Les leçons de l’histoire dont nous débattrons ce soir, sont d’une grande importance et d’une grande urgence. Nous assistons actuellement à un changement radical de la situation politique. Le retour du militarisme et de la guerre, la participation de la Bundeswehr [armée allemande] aux guerres menées en Syrie, au Mali et à nouveau en Afghanistan se font avec beaucoup d’énergie et de célérité. Tout comme il y 100 ans, à la veille de la Première Guerre mondiale et au début de la Seconde, cela s’accompagne d’une campagne de propagande effrénée. »

Rippert a ensuite décrit comment les médias et les partis politiques avaient exagéré et exploité les incidents survenus à Cologne le soir du nouvel an pour attiser une campagne hystérique et raciste contre les immigrants et les musulmans. « Soixante-dix ans après l’effondrement du Troisième Reich, on se sert à nouveau de préjugés raciaux et les médias colportent des images impudiques de ‘sous-hommes’ faisant la chasse aux femmes allemandes, » a-t-il dit, en montrant trois images illustrant la similitude entre les caricatures d’aujourd’hui et celles des nazis.

Les couvertures du Süddeutsche Zeitung et du Focus, et une caricature nazie

Il a souligné que ceci n’exprimait pas une attitude générale de la population mais était au contraire le résultat d’une campagne ciblée venant d’en haut, de l’élite dirigeante. Cette campagne est en relation directe avec l’évolution vers la guerre et poursuit plusieurs objectifs, a dit Rippert. Elle sert à mobiliser les forces les plus réactionnaires et à légitimer la participation allemande aux guerres menées au Moyen-Orient et en Afrique. L’appel à plus de police, d’agents des services secrets et de surveillance a pour objectif la mise en place d’un Etat policier.

Rippert est revenu plusieurs fois sur cette question dans sa présentation. « La propagande raciste dans les médias et les appels à plus de police et plus de soldats donne un avant-goût de ce qui va arriver ici, » a-t-il expliqué. Il a ensuite décrit la campagne raciste menée au début de la Première Guerre mondiale et qui visait à l’époque les « sous-hommes russes. »

Il a cité un passage d’une brochure de propagande de la Première Guerre mondiale montrant les « Russes comme des ivrognes, des créatures animales, débiles et maladroites, le nez en trompette et portant le plus souvent des bonnets en fourrure et une bouteille de vodka ». Dans un recueil d’histoire populaire de l’époque on pouvait lire: « Jamais le rayon des Lumières ou de la civilisation n’a pénétré la chaumière d’un serf ; il vit tel un abruti n’éprouvant qu’un plaisir grossier, particulièrement de l’alcool; n’étant arraché à son existence animale que par les punitions barbares administrées par son seigneur. … »

Tout comme aujourd’hui, l’accent était placé à l’époque sur le fait qu’en tant que « nation civilisée », l’Allemagne avait pour mission de défendre « les valeurs des Lumières », « la culture et la civilisation allemandes » ainsi que les « valeurs de la démocratie et de la liberté. » Soumis à cette forte pression idéologique, le Parti social-démocrate, au sein duquel une forte tendance nationaliste et opportuniste s’était auparavant développée, s’était effondré. Le 4 août 1914, le SPD avait approuvé au Reichstag les crédits de guerre du Kaiser et soutenu la guerre.

Rippert a montré à quoi avait ressemblé la « lutte pour la défense de la culture et de la civilisation allemandes » en évoquant la destruction de la ville belge de Louvain par les troupes allemandes dans les premiers mois de la guerre. On y détruisit, entre autres, la bibliothèque de renommée mondiale, et d’anciens manuscrits inestimables.

Il a ensuite cité l’« Appel au monde civilisé » auquel de nombreux professeurs de la Friedrich-Wilhelm Universität, l’ancien nom de l’université Humboldt, avaient contribué. L’appel se termine par les mots: « Sans le militarisme allemand, la culture allemande aurait depuis longtemps été éradiquée de la terre… le Deutsches Heer (l’armée allemande) et le peuple allemand ne font qu’un. »

Rippert a poursuivi en demandant: « Cela ne rappelle-t-il pas le président Joachim Gauck qui insiste à chaque occasion pour dire que la Bundeswehr doit être l’axe de la société ? Qu’iI faut accorder davantage de respect et de reconnaissance à l’armée allemande ? »

A la fin de son discours, Rippert a relevé la signification de la déclaration publiée par le Comité International de la Quatrième Internationale, « Le socialisme et la lutte contre la guerre impérialiste » et qui fut adoptée en été 2014. Elle déclare:

« Les deux guerres mondiales du 20e siècle découlaient de la contradiction entre l'économie globale et le système dépassé des Etats-nations. Chaque puissance impérialiste a tenté de résoudre cette contradiction en visant l’hégémonie mondiale. La mondialisation de la production qui s’est produite au cours des trente années passées et a entraîné un saut qualitatif supplémentaire de l'intégration de l'économie mondiale, a porté les contradictions fondamentales du capitalisme à un nouveau record d'intensité… Il ne peut y avoir aucune lutte contre la guerre sans une lutte pour le socialisme. »

Pour conclure, Sven Wurm, le porte-parole du groupe de l’EJIES à l’université Humboldt, a pris la parole. Il a parlé de la signification de la campagne menée contre les étrangers. Actuellement le mot étranger est utilisé dans les médias en association avec le mot « criminel », a-t-il noté. Wurm a signalé que peu de temps avant la réunion, le secrétaire général de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), Peter Tauber, avait tenu un discours au Bundestag (parlement) pour exiger qu’un millier de réfugiés soient déportés tous les jours.

L’an dernier, quelque 18.000 demandeurs d’asile déboutés ont au total été déportés, a dit Wurm. La demande de Tauber signifierait la multiplication par vingt de ce chiffre. « Ceci ne peut être qualifié que de déportation de masse, » a-t-il déclaré en ajoutant avec mépris : « Ils pourront alors de nouveau remettre sur les rails les wagons à bestiaux avec lesquels les Juifs ont été emmenés aux camps d’extermination. »

Wurm a souligné que la construction d’un mouvement international anti-guerre était directement liée à la lutte politique et théorique contre la falsification de l’histoire, « que disséminent ici à notre université Herfried Münkler et Jörg Baberowski ». C’est pourquoi la construction de l’EJIES et son élection au parlement étudiant sont si importantes.

Une discussion animée a suivi les deux conférences. Il y eut un long débat sur la différence entre une opposition socialiste et une opposition pacifiste à la guerre.

Les deux allocutions ont abordé la question du pacifisme. Contrairement aux marxistes, qui font une distinction entre une guerre impérialiste et des guerres de libération, en comprenant que la cause des guerres impérialistes se trouve dans les contradictions objectives de la société, les pacifistes ne considèrent la violence et la guerre que d’un point de vue purement subjectif. En lançant des appels à la raison et à l’humanité, les pacifistes cherchent à rassembler tous les gens épris de paix. Ceci est voué à l’échec et en conséquence, la veille de la guerre les pacifistes se rallient systématiquement aux militaristes.

Durant la discussion, il fut souligné que le parti des Verts était un bon exemple de la transformation de pacifistes en militaristes. « Ils sont issus du mouvement pour la paix des années 1980 et ont hâte aujourd’hui d’envoyer la Bundeswehr dans de nouvelles missions de combat toujours plus nombreuses et de plus en plus vastes. La couleur verte qui avant représentait la protection de l’environnement représente aujourd’hui l’uniforme », a dit un participant à la discussion.

De nombreuses questions concernant une perspective socialiste pour la lutte contre la guerre ne purent être abordées que brièvement. La discussion de ces questions se poursuivra lors de prochaines réunions.

Plusieurs étudiants ont emporté des tracts et des affiches pour faire connaître la prochaine réunion parmi leurs collègues étudiants et leurs amis et pour promouvoir l’élection de l’EJIES. La réunion finale à laquelle participeront aussi des représentants internationaux de l’EJIES, a lieu ce lundi 18 janvier à 18h30, dans le bâtiment central de l’HU (amphithéâtre 2002.) L’élection au parlement étudiant se tiendra les19 et 20 janvier.

(Article original paru le 16 janvier 2016)

 

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