Le gouvernement allemand durcit les lois anti-terroristes

Le gouvernement allemand a approuvé mercredi 1er juin un nouveau durcissement des lois anti-terroristes. Partout en Europe, les attentats terroristes de Bruxelles et Paris servent de prétexte à la mise en place d’Etats policiers, comme ce fut déjà le cas aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001

Dans sa déclaration sur le projet de loi, le ministre allemand de l’Intérieur Thomas de Maizière s’est vanté d’instaurer un véritable Etat de surveillance: « Nous avons introduit la conservation des données des communications électroniques, nous avons renforcé l’effectif de la police fédérale et ceux de l’Office fédéral de la police criminelle (BKA), nous avons adopté en Europe une nouvelle directive sur l’échange de données des passagers aériens et l’échange d’informations entre autorités policières. »

Tout cela est « très bien », a poursuivi de Maizière. Et pourtant, le gouvernement fédéral s’était « demandé après les attentats de Bruxelles, Paris et Istanbul […], où se trouvent encore des failles dans la sécurité et que faut-il faire pour mieux protéger notre population. » Il a ajouté sur un ton menaçant : « La connaissance c’est le pouvoir. Et nous voulons combattre puissamment les organisations terroristes et pour cela il est nécessaire de se partager les connaissances. »

Le projet de loi, que le ministre de l’Intérieur veut rapidement faire voter au parlement, contient trois points centraux: plus de pouvoirs seront attribués aux services de renseignement et à la police fédérale; les échanges de données avec les services de renseignement étrangers seront élargis; et les communications par téléphones portables prépayés seront soumises à une surveillance et à un contrôle accrus. Le résumé du projet de lois dit aussi que « Les lacunes pénales existant dans le cas de soutien à la poursuite d’organisations interdites » seront comblées ».

Si l’on examine les détails du projet de 39 pages, on peut voir jusqu’où vont ces mesures. Les lois ayant trait entre autres à l’Office fédéral de protection de la constitution (BfV), au Service fédéral de renseignement (BND), à la police fédérale, à l’accès aux données Internet, celles couvrant les associations bénévoles, le BKA, les télécommunications et le code pénal, doivent toutes être modifiées.

De plus, conformément à l’Article 5, « le droit fondamental au secret des communications (Article 10 de la constitution) sera restreint. » Cela signifie qu’« en cas d’urgence, la collecte de données débutera le jour du dépôt de la demande et avant que la mesure de restriction soit approuvée. » En d’autres termes, il sera légal à l’avenir de procéder sans ordre d’un juge à une mise sur écoute. 

Les compétences de la police fédérale seront également élargies. L’Article 3 modifié de la loi sur la police déclare: « Avec l’insertion du chiffre 4 dans la section 28 du paragraphe 2, la police fédérale, comme presque toutes les forces de police du pays et de l’Office fédéral de la police criminelle, sont habilitées à recourir à des agents secrets dans les limites de leur juridiction dans le but de protéger la sécurité publique et pas seulement en vue d’assurer l’application de la loi. »

Tout comme le BKA, la police fédérale sera dans certain cas en mesure d’effectuer des enregistrements audio et vidéo dans des logements privés « à l’insu des personnes affectées. »

La version amendée de la loi sur les télécommunications déclare que les acheteurs de téléphones portables prépayés doivent produire leur carte d’identité, leur passeport ou « autre document officiel valide muni d’une photographie du détenteur. »

Parallèlement, les opérateurs téléphoniques seront contraints, en vertu de la section 111 (demandes d’informations auprès des autorités chargées de la sécurité), « de relever et de sauvegarder immédiatement le numéro de téléphone et autres coordonnées du numéro attribué, le nom et l’adresse de l’abonné, sa date de naissance, l’adresse du numéro attribué, le numéro de l’appareil et la date du début du contrat avant ouverture de la ligne. »

Pour faciliter la mise en liaison des services secrets, le projet de loi dit, « L’Office fédéral de protection de la constitution (BfV) [les services secrets intérieurs] peut établir des données communes, aux fins de coopération avec les autorités étrangères qui sont habilitées à des activités de renseignement (services secrets étrangers) visant la recherche ou les activités portant sur certains événements ou cercles de personnes… » De même, il peut « utiliser les fichiers de données communs qui sont créés par les services secrets étrangers. »

Alors que l’étroite collaboration entre le Service fédéral de renseignement (BND) et l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA) avait été considérée il y a quelque temps comme un scandale, elle doit à présent être officiellement autorisée par les services secrets intérieurs.

Compte tenu de ces projets d’accroissement massif des pouvoirs de l’Etat, on a du mal à ne pas avoir l’impression que l’annonce, le lendemain même, du « démantèlement d’une cellule terroriste présumée » à Düsseldorf tombait à pic pour le gouvernement et les médias.

Le directeur du BND, Gerhard Schindler, a averti sur la chaîne publique ARD qu’il fallait enfin s’occuper de régler « ces problèmes ». Ceux-ci ne « résident pas dans l’échange d’information mais dans la procuration des informations. Nous avons besoin d’une plus forte pénétration des réseaux terroristes par des ressources humaines et nous avons besoin d’une meilleure surveillance des communications terroristes. » 

En fait, les circonstances entourant l’arrestation jeudi dernier de trois citoyens syriens par les services de sécurité allemands restent floues. Selon la déclaration officielle du bureau de l’avocat général fédéral, les quatre accusés « projetaient un attentat en Allemagne au nom du groupe terroriste étranger ‘Etat islamique d’Irak et de Syrie (EI)’ ». Mais la même déclaration disait aussi, « Rien ne prouve que les prévenus avaient déjà commencé la mise en œuvre concrète de leur plan d’attaque. »

Alors que politiciens et médias attisent une hystérie terroriste permanente, il est désormais clair que l’état d’urgence proclamé en France et en Belgique ne sert pas à combattre les réseaux terroristes islamistes. Les pouvoirs considérablement accrus de l’Etat visent l’opposition grandissante des travailleurs et des jeunes. Le gouvernement français se sert des pouvoirs d’exception pour disperser des occupations de lieux de travail, interdire des manifestations pacifiques et menacer de longues peines de prison des manifestants qui sont contre les réformes réactionnaires de la loi El Khomri.

Le renforcement des pouvoirs de l’Etat en Allemagne a le même objectif. La première loi anti-terroriste a été introduite en Allemagne par le gouvernement social-démocrate/Vert de l’époque, parallèlement à l’introduction des réformes Hartz sur la protection sociale et le marché du travail. Le durcissement des lois anti-terroristes annonce des attaques encore plus sévères contre la classe ouvrière.

Dans son édition du 1er juin, le quotidien conservateur Die Welt a prévenu que l’économie allemande était en train de perdre « sa compétitivité » et l’Allemagne son « attrait ». La principale raison indiquée par le journal était la faible « performance économique par rapport au capital – une tendance qui est principalement due à la hausse des coûts de la main-d’œuvre. »

(Article original paru le 6 juin 2016)

 

 

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