Perspectives

Il faut s'opposer au complot visant le leader travailliste Jeremy Corbyn

Le Socialist Equality Party (Parti de l’Egalité socialiste) dénonce la campagne menée pour évincer Jeremy Corbyn, le dirigeant du Parti travailliste (Labour). Il ne s’agit pas seulement d’une attaque contre le droit de centaines de milliers de membres du Labour de déterminer leur direction, c’est aussi une tentative, qui menace toute la classe ouvrière, de pousser la politique encore plus à droite.

Cette opération d'éviction a été fomentée par une cabale droitière de députés travaillistes. Mais il n'y a pas de doute qu’ils ne l'ont fait qu’après des discussions au plus haut niveau de l’Etat britannique, avec les services de sécurité – MI5, MI6 et le Quartier général des communications du gouvernement (GCHQ) – et avec le Département d’Etat américain et la CIA.

Les acteurs de ce complot n’ont jamais accepté la légitimité de l’élection de Corbyn comme dirigeant travailliste en septembre dernier. Ils le considèrent comme un intrus, placé à la tête du parti par accident comme conséquence du nouveau processus électoral mis en place par l’ancien leader Ed Miliband pour remplacer le vote en bloc des syndicats par des votes individuels de membres du parti et des syndicats affiliés et d'une nouvelle catégorie de partisans de Labour. Ils étaient farouchement hostiles à ce que Corbyn obtienne l’appui de près de 90.000 personnes sur la base de son opposition déclarée à l’austérité et au militarisme.

La cause immédiate de cette décision a été le choc sismique provoqué par la victoire du « Leave » (Sortir) au référendum du 23 juin sur le maintien du Royaume-Uni dans l’UE. Dans la tourmente soulevée et la plus profonde crise politique à laquelle a eu affaire l’élite dirigeante britannique depuis la Seconde Guerre mondiale, les plus hauts échelons de l’Etat britannique ont conclu que tout sentiment oppositionnel quel qu’il soit contre l’austérité, le militarisme et la guerre, ne pouvait être toléré.

Le Parti conservateur au pouvoir est dans le désarroi, le premier ministre David Cameron a démissionné vendredi et une nouvelle compétition doit avoir lieu dans quelques semaines pour élire un nouveau dirigeant. Sur fond de chute record de la livre sterling et d’ondes de choc risquant de faire éclater l’Union européenne, il est beaucoup question d’une élection générale à l’automne, qui rendrait possible de nouvelles combinaisons gouvernementales et l'annulation du résultat du référendum.

Largement motivé par la crainte de l’impact du Brexit sur les projets américains d’agression militaire contre la Russie et la Chine, Washington s'est directement impliqué. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry est allé au Royaume-Uni après des discussions à Bruxelles. Le Financial Times a rapporté que sa mission était « d’exhorter les deux camps [l’UE et la Grande-Bretagne] à limiter les dégâts pour la stabilité économique et la coopération en matière de sécurité… »

Le journal a ajouté que le gouvernement Obama serait « absorbé par sa gestion des divisions grandissantes dans la région – tant pour consolider l’UE que pour empêcher que la crise du Brexit ne déborde sur l’OTAN. »

Il est remaquable qu’après le référendum – le produit d’une bataille factionnelle entre deux sections du Parti Tory, aussi droitière l’une que l’autre – ce soit Labour qui ait amorcé une chute libre. Dans toutes autres circonstances, on s’attendrait à ce que les travaillistes, dont les membres ont voté en majorité pour rester dans l’UE, exige des élections anticipées d'un Parti Tory n’étant manifestement pas arrivé à mobiliser sa base de soutien.

Au lieu de cela, la majorité des députés du Parti travailliste est déterminée à destituer son propre dirigeant.

Quelques heures seulement après les résultats du referendum, vendredi à la mi-journée, Dame Margaret Hodge et Ann Coffey, deux députées travaillistes, ont présenté une motion de défiance. Tôt dimanche matin, le secrétaire aux Affaires étrangères du cabinet fantôme, Hilary Benn tristement célèbre pour s'être prononcé à la tête de 66 députés travaillistes pour le bombardement de la Syrie l’automne dernier, après que Corbyn ait accepté un vote libre, a dit à Corbyn qu'il n'avait plus confiance en lui pour diriger le parti, forçant Corbyn à le limoger.

C’était là le signal d'une série de démissions du cabinet fantôme annoncées à intervalles réguliers. Lundi matin, le vice-président du Parti travailliste, Tom Watson, a dit à Corbyn qu’il ne disposait plus du soutien du parti et qu’il devait envisager de se retirer. Au moment où était examinée la motion de défiance à la réunion du groupe parlementaire travailliste lundi, deux tiers des membres du cabinet fantôme avaient démissionné et des informations indiquaient que jusqu’à 70 pour cent des députés travaillistes voteraient pour que Corbyn s’en aille mardi à 16 heures.

C'est là un événement extraordinaire et sans précédent, même au vu des annales pourries du parti travailliste. Depuis son élection, Corbyn n’a cessé d’apaiser l’aile droite de son parti sur chaque question examinée, austérité, adhésion à l’OTAN, renouvellement des missiles Trident, guerre en Syrie et appartenance à l’UE. Au nom de « l’unité du parti », il a invité tous les éléments droitiers dans son cabinet fantôme, qui se sont tous unis pour le poignarder dans le dos, et il a rejeté les demandes d'invalidation de leur sélection.

Jusqu'à mardi, Corbyn a résisté aux demandes de désistement tout en tendant une branche d’olivier à la droite. Il est pleinement conscient des forces pro-impérialistes et droitières qui se mobilisent contre lui. Et pourtant, en prenant la parole à un rassemblement pour sa défense à Parliament Square, il n’a rien dit au sujet des résultats du référendum et n’a pas non plus mentionné les auteurs du complot, plaidant une fois de plus pour l'unité du parti.

C'est l’aboutissement de plusieurs mois où Corbyn a à maintes reprises donné l’initiative à la droite. Mais c'est quelque chose de bien plus fondamental que sa faiblesse qui est dévoilé par la révolte de la fracion parlementaire travailliste.

Tout en se solidarisant avec ceux nombreux, notamment des jeunes, qui avaient soutenu en septembre dernier un challenge pour le leadership de la part de Corbyn, le Socialist Equality Party leur avait instamment demandé de tirer les conclusions de l’histoire, surtout pour ce qui était du caractère pro-impérialiste du parti travailliste. Contre ceux qui colportaient l'illusion qu'une victoire de Corbyn ouvrirait la possibilité au Labour de revenir à son passé réformiste et d’agir comme un parti anti-austérité pour défendre les intérêts de la classe ouvrière, le World Socialist Web Site a expliqué, « Le parti travailliste britannique n’a pas débuté avec Blair. C’est un parti bourgeois qui existe depuis plus d’un siècle comme instrument de l’impérialisme britannique et instrument éprouvé de l’Etat. Qu’il soit dirigé par Clement Attlee, James Callaghan ou Jeremy Corbyn, il reste en essence inchangé. »

Le coup d’Etat a confirmé cette évaluation de Labour en tant que composante vitale de la machine d’Etat.

Suite à l’élection de Corbyn, le WSWS avait attiré l’attention sur une déclaration d’un « général de haut rang en activité » resté anonyme, disant que si Corbyn devenait un jour premier ministre, il y aurait la « perspective réelle d’un événement qui serait effectivement une mutinerie, » à son encontre. La bourgeoisie a décidé que le meilleur moyen d'arriver à évincer Corbyn était au moyen de la fraction parlementaire travailliste plutôt que par l’armée.

La Grande-Bretagne entre dans des eaux inconnues. Comme un des principaux piliers bourgeois du Royaume-Uni, Labour sera appelé à jouer un rôle clé dans la sauvegarde des intérêts stratégiques de la bourgeoisie britannique. Cela peut signifier former un gouvernement ou participer à une forme quelconque de gouvernement de coalition nationale. Cela impliquera sûrement l’imposition d’attaques massives contre les emplois, les salaires et les services essentiels et l'engagement du Royaume Unis à participer pleinement aux projets de guerre de l’OTAN.

La conclusion qui a été tirée est résumée dans l’éditorial du Financial Times de lundi, « Les travaillistes doivent agir maintenant pour écarter Jeremy Corbyn, » exhortant les députés travaillistes à « dire clairement à tout le mouvement ouvrier les conséquences du mauvais chemin sur lequel s’est engagé le parti… ayant dégainé le poignard, les députés travaillistes ne peuvent plus revenir en arrière. »

Le SEP promet de soutenir tout effort entrepris pour défaire les conspirateurs droitiers et leur complot orchestré par l’Etat dans le but de pousser plus encore le système politique à droite. Mais nous mettons en garde les travailleurs et les jeunes qui cherchent à mener une telle lutte politique qu’il n’est pas possible de la mener dans les limites du Parti travailliste. Cela nécessite la construction d’une nouvelle et authentique direction socialiste qui lutte contre la classe dirigeante et ses valets politiques sans faire de compromis et en menant le combat jusqu'au bout. 

(Article original paru le 28 juin 2016)

 

Loading