Le sommet de guerre de l’OTAN à Varsovie

Le sommet de l’OTAN qui s’est tenu les 8 et 9 juillet à Varsovie, marque une extraordinaire escalade de la campagne mondiale de guerre des puissances impérialistes – campagne économique, politique et surtout militaire, lancée il y a deux ans contre la Russie avec le putsch soutenu par les États-Unis et l’Allemagne et qui a renversé un gouvernement prorusse en Ukraine.

Le principal objectif militaire du sommet est de menacer la Russie d’une invasion en élargissant massivement la présence des forces de l’OTAN le long de la frontière russe. Plus généralement, elle cherche à formaliser sa transformation en alliance intervenant agressivement dans le monde entier, à commencer par les préparatifs de guerre contre Moscou.

La totalité des cibles nommées par le Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg dans son allocution à l’ouverture du sommet couvre une grande partie du globe. Il a annoncé que l’OTAN allait renforcer son action militaire en Irak et en Syrie et étendre ses déploiements en Méditerranée et sur toute la périphérie de l’OTAN. Les plans d’action militaire de l’OTAN dans des pays comme la Libye, la Géorgie, l’Ukraine, l’Afghanistan et les régions limitrophes de la Chine devaient être discutés en détail à Varsovie.

L’objectif principal était le 8 juillet la ratification formelle des plans d’envoi de milliers de soldats de l’OTAN en Pologne et dans les républiques baltes d’Estonie, de Lettonie, et de Lituanie – tous pays limitrophes de la Russie. Dans des remarques faites en présence du président polonais Andrzej Duda, Stoltenberg a salué l’ouverture par l’OTAN d’Etats-majors militaires et de bases de missiles en Europe de l’Est ainsi que le triplement de la force de réaction rapide de l’alliance à 40.000 soldats.

« Notre présence sera multinationale et ce sera un message clair que l’attaque d’un des alliés est une attaque contre toute l’alliance », a-t-il déclaré.

La justification donnée par Stoltenberg pour des déploiements militaires massifs en Europe de l’Est par les principales puissances de l’OTAN est irresponsable et sinistre à l’extrême. La meilleure façon de sécuriser l’alliance de l’OTAN est, selon Stoltenberg, de menacer de façon permanente la Russie d’une guerre nucléaire et de faire en sorte que tout conflit local impliquant la Russie en Europe de l’Est dégénère immédiatement en conflit ouvert entre elle et l’ensemble de l’Alliance.

Le danger qu’un tel conflit puisse éclater à tout moment, par dessein ou par inadvertance, est apparu très nettement le mois dernier au cours de l’opération Anaconda, un exercice militaire massif de l’OTAN impliquant 30.000 soldats en Pologne. Moscou y a répondu en mobilisant un nombre comparable de troupes dans l’ouest de la Russie et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a annoncé que Moscou se réservait le droit de prendre toutes mesures nécessaires pour sa défense.

Les arguments avancés par Stoltenberg pour une confrontation avec la Russie sont des mensonges politiques – l’affirmation surtout que le soutien de la Russie aux séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine prouve qu’elle est une puissance agressive vouée à la conquête militaire en Europe. Il a ainsi expliqué, « Nous augmentons notre présence militaire dans les pays baltes et en Pologne, mais il n’y a aucun doute que c’est quelque chose que nous faisons pour répondre à ce que la Russie a fait en Ukraine. »

L’agresseur en Ukraine n’était pas l’oligarchie du Kremlin, mais bien Washington et Berlin, qui ont évincé un gouvernement prorusse élu en orchestrant de violentes manifestations nationalistes droitières à Kiev. De hauts responsables du Département d’État américain se sont associés publiquement aux manifestations. La vice-secrétaire d’État Victoria Nuland s’est vantée de ce que Washington avait dépensé 5 milliards de dollars pour promouvoir l’opposition ukrainienne.

Le but de ces mensonges politiques est de présenter la campagne guerrière des puissances impérialistes comme un effort défensif pour préserver « la paix et la stabilité, » même si elle menace de déclencher une guerre aux dimensions inimaginables.

Les conséquences politiques et géostratégiques désastreuses de la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne et la restauration du capitalisme il y a un quart de siècle sont de plus en plus apparentes. Loin de jeter les bases d’un développement capitaliste pacifique et démocratique, elle a été le premier acte d’une crise prolongée de l’ensemble du système d’États-nations européen et mondial.

Vingt-cinq ans après la victoire si hautement proclamée des États-Unis dans la guerre froide – en réalité le produit du dernier chapitre de la longue trahison stalinienne de plusieurs décennies de la Révolution russe – l’impérialisme américain et mondial a montré à l’humanité les vrais « avantages » du capitalisme: inégalités sociales et pauvreté de plus en plus grandes, promotion du chauvinisme national et du racisme, marche à la dictature, et danger imminent d’une troisième guerre mondiale, nucléaire.

Les plans du sommet de Varsovie représentent plus ou moins explicitement la répudiation finale de l’Acte fondateur OTAN-Russie de 1997 par lequel l’OTAN s’engageait à ne pas exploiter la dissolution de l’Union soviétique pour se réarmer en Europe et poursuivre une stratégie agressive contre la Russie. L’acte déclarait que l’OTAN passerait par une « transformation historique, » par la réduction « radicale » de ses forces militaires et qu’elle veillerait à ce qu’OTAN et Russie « ne se considèrent plus comme des adversaires. » Dans la période précédant le sommet, le président polonais a appelé à l’annulation officielle de l’Acte fondateur.

Au cours du dernier quart de siècle, les pays d’Europe orientale, les anciennes républiques soviétiques, furent ouverts, en adhérant à l’OTAN ou à l’Union européenne, à l’exploitation capitaliste et à l’intrigue impérialiste. Surtout après le putsch de Kiev en 2014 et l’émergence d’un régime ukrainien pro-occidental, la Russie s’est trouvée entourée d’États hostiles alliés à l’OTAN et rejetée militairement aux positions qui étaient les siennes il y a 75 ans, après l’invasion de l’URSS par les nazis.

Dans cette crise, la politique de toutes les factions bourgeoises est profondément réactionnaire. La tentative de l’oligarchie du Kremlin d’utiliser son armée pour faire pression sur les puissances impérialistes et trouver un accommodement avec elles ne fait qu’augmenter le danger de guerre.

Un autre facteur déterminant la politique agressive des puissances impérialistes est la crise de plus en plus virulente et insoluble au sein de l’OTAN même, exacerbée par le vote de sortie de l’UE en Grande-Bretagne le 23 juin. Washington et plusieurs pays d’Europe orientale, dont la Pologne, ont appelé à une ligne plus accommodante envers la Grande-Bretagne et à une politique encore plus agressive envers la Russie. L’Allemagne d’autre part, suivie par la France et l’Italie, propose une politique étrangère plus indépendante de Washington comprenant une expulsion rapide de la Grande-Bretagne de l’UE et une désescalade de la confrontation avec la Russie.

Le 8 juillet au soir, le personnel de la chancelière allemande Angela Merkel a tweeté des remarques s’opposant directement au président polonais et insistant pour que l’Acte fondateur OTAN-Russie soit maintenu.

Ce que ces conflits révèlent est une crise existentielle du système d’alliances internationales et des institutions du capitalisme européen dans leur ensemble. Jochen Bittner, un journaliste allemand pro-américain et chroniqueur au New York Times, a évoqué dans un article les inquiétudes sur le sort de l’OTAN et décrit un scénario où un conflit de la Russie avec un pays d’Europe de l’Est conduisait à la destruction de l’OTAN même.

Il écrit : « la Pologne et les pays baltes demanderaient une réponse forte afin de prévenir une autre annexion comme celle de la Crimée. Les Allemands et les Français appelleraient à des négociations avec Moscou... Les Grecs, les Italiens et les Espagnols indiqueraient clairement que leurs économies avaient déjà assez souffert des sanctions imposées à la Russie après l’annexion de la Crimée. Et une grande partie de la population en Europe, manipulée par la propagande russe, demanderait si les Russes n’avaient pas en quelque sorte raison... »

Les crises croissantes de l’OTAN et de l’UE constituent pour la classe ouvrière internationale un avertissement et un défi. La crise qui se déroule en Europe menace l’humanité d’une catastrophe aux proportions inimaginables. Sa prévention dépend de ce que la classe ouvrière renouvelle ses liens avec son histoire révolutionnaire et développe un mouvement international politiquement conscient contre la guerre et pour le renversement du capitalisme et l’établissement du socialisme.

(Article paru d’abord en anglais le 9 juillet 2016)

Loading