Perspectives

Pour un boycott actif du référendum sur le Brexit!

1. Le référendum du 23 juin sur le maintien ou non de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne (UE) soulève des questions d’une immense importance internationale. Le résultat aura des conséquences non seulement pour les travailleurs au Royaume-Uni, mais encore bien au-delà.

2. Le Parti de l’égalité socialiste (SEP) exhorte les travailleurs et les jeunes à boycotter ce référendum. Les campagnes du « rester » et du « sortir » sont toutes deux conduites par des forces nationalistes qui préconisent une plus grande austérité, de brutales mesures anti-immigrés et la destruction des droits des travailleurs. Elles ne s’opposent que sur la meilleure façon de défendre les intérêts du capitalisme britannique contre ses rivaux européens et internationaux, dans les conditions de la crise économique et de l’escalade du militarisme et de la guerre.

3. Un boycott prépare le terrain au développement d’une lutte politique indépendante de la classe ouvrière britannique contre ces forces. Un tel mouvement doit se développer comme partie d’une contre-offensive de la classe ouvrière à l’échelle du continent, qui montrera que ce référendum n’est qu’un simple épisode dans la crise existentielle de plus en plus aigue de la bourgeoisie britannique et européenne.

4. La question posée aux électeurs – faut-il « rester » ou « sortir » de l’UE – dissimule tout ce qu’il faut comprendre sur les implications de ces deux options pour la classe ouvrière. Le référendum est le résultat d’une manœuvre du premier ministre David Cameron en 2013 pour empêcher une nouvelle hémorragie du soutien conservateur en direction d’UKIP (Parti de l’indépendance du Royaume-Uni), alors même que Cameron cherchait à utiliser la xénophobie anti-immigrés d’UKIP pour pousser la politique officielle encore plus à droite. On demande aux électeurs de prendre position sur l’opportunité de rester ou de sortir de l’UE sur la base des quatre demandes sur lesquelles Cameron s’est mis d’accord avec les autres dirigeants de l’UE:

 

  • Un « frein d’urgence » d’une durée de sept ans pour les migrants de l’UE voulant toucher des prestations sociales liées à l’emploi.

  • La restriction des allocations familiales des migrants de l’UE au niveau de celles de leurs pays d’origine.

  • Une dérogation spécifique pour le Royaume-Uni vis-à-vis de l’engagement de l’UE à forger une « union toujours plus étroite. »

  • Le droit du Royaume-Uni d’imposer un frein temporaire à la règlementation financière touchant la place financière de Londres.

 

5. Il ne peut y avoir de « bon » résultat à un tel plébiscite. Quel que soit le camp gagnant, les travailleurs en payeront le prix. Il ne s’agit pas ici de choisir un « moindre mal » – les deux options sont aussi pourries l’une que l’autre. Toute possibilité pour la classe ouvrière de faire entendre une voix indépendante a été délibérément exclue. Un vote « rester » ne signifie pas seulement l’approbation des institutions réactionnaires de l’UE; les termes négociés par Cameron comme base d’un maintien du Royaume-Uni dans l’UE entérinent aussi l’attaque des migrants par son gouvernement et les mesures visant à protéger les activités criminelles des banques et institutions financières du Royaume-Uni. Quant à un vote « sortir » on se dépêcherait d’en faire l’approbation de demandes de « souveraineté » et d’« indépendance » britannique – euphémismes pour l’élimination de tous les obstacles à l’intensification de l’exploitation de la classe ouvrière et à une répression plus impitoyable de l’immigration.

6. La responsabilité du SEP est de définir une politique qui défende les intérêts des travailleurs, non seulement en Grande-Bretagne, mais aussi dans toute l’Europe et dans le monde. Chaque scrutin ou référendum doit être évalué dans son contexte spécifique. Toutefois, l’approche tactique prise doit toujours être déterminée par des considérations de principe. L’appel du SEP au boycott n’a pas été pris à la légère et n’a rien de commun avec une abstention politique de caractère anarchiste. Il n’est pas avancé comme un principe immuable. C’est une politique motivée par la nécessité de préparer les travailleurs et les jeunes aux virulents conflits de classes qui se produiront inévitablement à la suite du 23 juin, non seulement en Grande-Bretagne mais dans toute l’Europe. 

Il faut s’opposer à l’Union européenne 

7. Le SEP est irréductiblement hostile à l’Union européenne, mais nous nous y opposons à partir de la gauche, pas de la droite. L’UE n’est pas l’instrument d’une véritable et nécessaire unification de l’Europe. C’est un mécanisme d’assujettissement du continent aux diktats des marchés financiers et un forum où les États concurrents se battent entre eux et conspirent contre la classe ouvrière. C’est pourquoi l’UE s’est, surtout depuis la crise financière de 2008, débarrassée de ses anciennes prétentions sociales, démocratiques et libérales et a facilité les efforts faits par l’élite dirigeante pour utiliser une crise qu’elle a elle-même créée afin de réaliser une contre-révolution sociale. Des milliards d’euros ont été remis aux banques et aux spéculateurs, alors qu’on a fait subir aux travailleurs des coupes sans fin dans les emplois, les salaires et les conditions sociales. La Grèce et d’autres pays ont été mis en faillite à la demande de l’UE et de la BCE et leur population laborieuse réduite à la misère.

8. Cela s’accompagne d’un attisement délibéré des formes les plus virulentes de nationalisme et de xénophobie. Après que les gouvernements européens ont proclamé pendant des décennies que le continent ne connaitrait « plus jamais » le régime de la croix gammée et de la botte, on se sert à présent de la propagande anti-musulmane et anti-immigrés pour trouver des boucs émissaires à la crise sociale créée par l’austérité et encourager la croissance de l’extrême droite et des mouvements fascistes. Sous instruction de l’UE, des clôtures frontalières et des camps de concentration sont érigés et on referme brutalement les portes de la forteresse Europe devant les vagues humaines désespérées fuyant les guerres, les persécutions et la misère créées par les puissances impérialistes au Moyen-Orient et Afrique du Nord.

9. Les mesures dirigées aujourd’hui contre les travailleurs migrants seront retournées demain contre la classe ouvrière tout entière. En réponse à la flambée des inégalités sociales et à la colère populaire croissante, la classe dirigeante prépare des formes autoritaires de gouvernement. Elle augmente les pouvoirs de l’appareil de sécurité et renforce la surveillance de masse et la destruction des droits démocratiques au nom de la « guerre contre le terrorisme. »

10. On s’est servi du putsch de droite en Ukraine dans lequel l’UE a joué un rôle dirigeant, pour légitimer une remilitarisation du continent comme partie des provocations américaines contre la Russie. L’OTAN s’apprête à envoyer des milliers de soldats dans les États baltes et en Europe centrale et orientale, tandis qu’on organise avec une fréquence accrue les exercices navals en Méditerranée orientale et dans la mer Noire. Quelque 25 ans après la dissolution de l’Union soviétique, les États-Unis élargissent leur arsenal de missiles nucléaires en Europe dans le cadre de ce que l’OTAN qualifie ouvertement de préparatifs pour une « guerre hybride » contre la Russie.

11. Les gouvernements européens sont entièrement complices de l’agression américaine qu’ils voient comme l’occasion de réaliser leurs propres ambitions militaristes. Tout en attaquant sauvagement les conditions de vie des travailleurs chacun cherche à augmenter ses dépenses militaires. La décision du parlement britannique de bombarder la Syrie a été prise en même temps que Berlin décidait de s’engager militairement dans ce pays ravagé par la guerre dans le cadre de ses efforts de rétablissement de l’Allemagne en tant que puissance militaire européenne et mondiale. Mais alors même que les États-Unis et l’Europe réunissent leurs forces pour imposer leurs intérêts impérialistes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les tensions augmentent entre l’impérialisme américain et européen, ainsi qu’entre Londres, Berlin et Paris. Ces tensions menacent de plonger le continent dans un conflit militaire. 

La campagne du « rester » 

12. Aucun soutien ne peut être apporté à la campagne du « rester ». Cette option est soutenue par une grande partie de la grande entreprise en Grande-Bretagne, qui considère que l’UE est essentielle à sa capacité de concourir au plan international, par le biais notamment d’une offensive continue contre le niveau de vie de la classe ouvrière sur tout le continent. Elle est aussi soutenue par les États-Unis et les principaux pouvoirs européens qui craignent qu’une sortie britannique (Brexit) ne devienne le catalyseur d’un détricotage de l’UE et ne mette en danger l’alliance de l’OTAN et son ordre du jour de militarisme et de guerre. Douze anciens chefs des forces armées britanniques ont signé une lettre en faveur du « rester », insistant pour dire que « le rôle de la Grande-Bretagne dans l’UE renforce la sécurité dont nous jouissons dans le cadre de l’OTAN, » et mentionnant la nécessité de confronter « l’agression » russe.

13. Le Parti conservateur se trouvant en état de guerre civile, le Parti travailliste et la Confédération des syndicats (TUC) se sont ralliés à une défense du maintien dans l’UE. Cela ne fait que confirmer que ces organisations sont organiquement incapables de prendre une position qui ne leur soit pas dictée par la classe dirigeante, fait que l’élection de Jeremy Corbyn comme leader du Parti travailliste n’a en rien modifié. Corbyn s’est proposé comme menteur professionnel et défenseur de l’UE dans le but de rendre celle-ci plus acceptable à ceux qui sont repoussés par le chauvinisme délétère de la campagne du « sortir ».

14. Corbyn affirme que l’UE est une source de richesse et d’emplois et peut être réformée pour devenir une « Europe sociale ». Non seulement cette affirmation fait le silence sur les crimes sociaux commis par l’UE a en Grèce, en Irlande, en Espagne et au Portugal, mais elle doit encore dissimuler le refus du Parti travailliste et du TUC à mener une quelconque lutte contre la campagne d’austérité du gouvernement Cameron, répandant l’illusion que cette tâche peut être laissée à Bruxelles. Dans le même temps, Corbyn reprend le programme anti-migrant car sa critique de l’accord de Cameron avec l’UE consiste surtout dans la plainte qu’il « ne fera rien pour réduire la migration vers la Grande-Bretagne. » C’est cela et non les actions des employeurs et du gouvernement que Corbyn rend responsable d’avoir entraîné une baisse des taux de salaires.

15. La rhétorique pro-UE de Corbyn est reprise par des groupes de la pseudo-gauche tels que Gauche unie (Left Unity - LU) et le Parti socialiste écossais (Scottish Socialist Party - SSP) qui érigent en exemple SYRIZA en Grèce, Podemos en Espagne et Die Linke en Allemagne et en font des alliés dans la lutte pour « démocratiser » l’Europe. On ne peut trouver condamnation plus forte de ces prétentions que l’attribution à Yanis Varoufakis et son « plan B » pour l’Europe du leadership de cette mascarade politique. En tant qu’ex-ministre des Finances de la Grèce Varoufakis partage, avec le leader de Syriza Alexis Tsipras, la responsabilité politique pour la trahison de la lutte de la classe ouvrière grecque contre l’austérité dictée par l’UE. Il est l’archétype du représentant des couches corrompues et privilégiées de la classe moyenne supérieure qui considèrent l’UE comme leur vache à lait et ont vu la crise économique comme une occasion de faire avancer leur carrière et obtenir des postes lucratifs au gouvernement et dans l’appareil d’État. Partout où ils ont rempli de telles fonctions, ils ont attaqué la classe ouvrière avec la même vigueur que tous les autres responsables et partis capitalistes.

La campagne du « sortir » 

16. Rien de tout cela ne confère un caractère progressif à la campagne du « sortir » ou ne justifie de la soutenir, même de la façon la plus critique. Son affirmation que le Parlement britannique et ses partis sont moins que l’UE des instruments pour imposer la volonté du capital financier est une fraude patente. Chaque dirigeant conservateur impliqué dans cette campagne a fait partie des gouvernements successifs ayant mis en œuvre des attaques fondamentales sur les droits démocratiques, lancé des guerres sanglantes et condamné à la pauvreté des millions de gens. UKIP, qui prend une pose populiste d’opposition à « l’élite de Westminster », est financé très majoritairement par les spéculateurs financiers multimillionnaires Stuart Wheeler et Aaron Banks, et l’ancien éditeur porno Richard Desmond, maintenant propriétaire du groupe de presse Express. Quant à leur profession qu’ils s’inquiètent pour la démocratie, il est révélateur que l’une des revendications centrales de la campagne du « sortir » soit pour la suppression de la Convention européenne des droits de l’homme.

17. L’ordre du jour économique de la campagne du « sortir » est structurée du point de vue de la place financière de Londres dont on présente la position en tant que centre financier mondial comme offrant la perspective de faire revivre les beaux jours de l’empire. Lorsque UKIP et d’autres parlent de quitter l’Europe pour se « tourner vers le monde », ils affirment le droit des capitaux britanniques de mieux exploiter les opportunités d’investissement offertes par des pays comme l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh et la Chine, où le salaire minimum annuel va de 760 à 1270 euros. À cette fin, ils exigeront que les travailleurs en Grande-Bretagne sacrifient leurs salaires et leurs conditions de travail sur l’autel de « l’intérêt national ».

18. La vision panglossienne du succès économique offert par la campagne du « sortir » n’a pas grand chose à voir avec la réalité d’un Brexit. Les estimations de l’impact sur l’économie et sur l’emploi d’une sortie de l’UE varient énormément. Mais dans le pire scénario – basé sur une interruption des échanges avec l’Europe – on a calculé une perte du produit intérieur brut de jusqu’à 9 pour cent, l’équivalent du krach de 2008. Un Brexit accélérerait, surtout dans les conditions d’une crise mondiale en développement, la fragmentation de tout le continent et celle du Royaume-Uni, déchaînant les tensions nationales et séparatistes et encourageant le protectionnisme et les mesures de guerre commerciale. Sautant sur l’initiative de Cameron, le Front national en France exhorter déjà à un « Franxit »; le gouvernement d’extrême droit Fidesz en Hongrie a lui, appelé à un référendum pour approuver les quotas anti-migrants.

19. Les travailleurs britanniques ne peuvent trouver une issue à l’impasse économique et politique actuelle sur la base d’un programme nationaliste. L’idée d’un retour à un Etat britannique isolé et souverain dans l’économie mondiale d’aujourd’hui est aussi archaïque que Stonehenge. Dans son essai de 1934 : « Nationalisme et vie économique », Trotsky définissait ainsi le choix fondamental confronté par l’humanité: soit une descente dans la réaction nationaliste et fasciste, et la guerre, soit un tournant vers la construction d’un nouvel ordre mondial socialiste. Il décrivit « la tendance fondamentale de notre siècle » comme celle de « la contradiction grandissante entre nation et vie économique » et posa cette question:

« Comment garantir l'unité économique de l'Europe, tout en préservant une complète liberté de développement culturel aux peuples qui y vivent? Comment une Europe unifiée peut-elle être intégrée dans une économie mondiale coordonnée? On ne peut trouver la solution en déifiant la nation, mais au contraire, en libérant totalement les forces productives des chaînes que leur a imposées l'Etat national. Mais les classes dirigeantes de l'Europe, démoralisées par la faillite des méthodes militaires et diplomatiques, abordent la tâche aujourd'hui à l’envers, c’est-à-dire, qu’elles essaient de soumettre de force l'économie à un Etat national périmé... le nationalisme fasciste décadent qui prépare des explosions volcaniques et des affrontements grandioses dans l'arène mondiale n’apporte que des ruines. Toutes nos expériences sur ce point au cours des vingt-cinq ou trente dernières années ne nous paraîtront avoir été qu’une ouverture idyllique comparée à la musique d'enfer qui se prépare. » 

Rejetez le nationalisme « de gauche » 

20. La première considération des socialistes est de protéger non seulement les intérêts actuels de la classe ouvrière, mais aussi son avenir. Le plus grand danger politique dans cette situation est de confondre les drapeaux de classe par l’adoption d’un prétendu « nationalisme de gauche ». Ce fut sur la base de l’opposition à une telle politique que le SEP a rejeté un soutien au séparatisme écossais au référendum de 2014, le qualifiant de pas en arrière allant contre l’unité de la classe ouvrière en Angleterre et en Écosse. Aujourd’hui, le Parti national écossais (SNP) brandit la menace d’un deuxième référendum dans le cas d’un Brexit, sur la base explicite du soutien à une adhésion de l’Écosse à l’UE.

21. Dans le référendum du 23 juin, un rôle politique criminel est joué par George Galloway, le dirigeant du parti RESPECT, nominalement anti-guerre, et les organisations de la pseudo gauche tels que le SWP (Socialist Workers Party) de tendance capitaliste d’Etat et le SP (Socialist Party), section du Comité pour une internationale des travailleurs. Ils n’utilisent une phraséologie de gauche que pour aligner la classe ouvrière sur une initiative de droite. Galloway a partagé des plates-formes publiques avec UKIP pour plaider en faveur d’un ‘Brexit’, affirmant que la division entre la « gauche » et la « droite » et entre la classe ouvrière et la classe dirigeante ne comptent pour rien comparées à la nécessité de défendre la souveraineté nationale. Il a défini « l’internationalisme », comme le droit de la bourgeoisie britannique de faire du commerce avec le Commonwealth, le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, pays « où le soleil se lève, au lieu de se coucher... »

22. Cette invocation calculée du passé impérial de la Grande-Bretagne est d’une pièce avec son cri de ralliement, « Gauche, droite, gauche droite, en avant marche pour la victoire le 23 juin. » Sur Twitter, Galloway a dit du chef d’UKIP Nigel Farage, « Nous sommes des alliés dans une cause... comme Churchill et Staline... » Galloway est pleinement conscient que son analogie sera comprise par son auditoire comme un appel au chauvinisme et au sentiment anti-allemand qui anime l’opposition de celui-ci à l’UE. Il se tient dans la tradition politique dépravée du stalinisme, avec sa longue histoire d’alliances opportunistes avec le nationalisme de droite. Louer Staline c’est se solidariser avec le fossoyeur de la Révolution d’octobre de 1917 et l’architecte des crimes politiques qui ont coûté la vie à des millions, un homme dont l’alliance avec Churchill fut précédée par le pacte Hitler-Staline.

23. Ceux qui prétendent que leur campagne anti-UE est indépendante de Farage et Cie commettent une fraude. Le syndicat RMT (ferroviaire, maritime et transports), celui des conducteurs de train ASLEF, le journal stalinien Morning Star, le groupe Syndicats contre l'UE, le SWP pseudo de gauche, sa branche Counterfire et le SP, tous affirment qu’il est possible de mener une campagne parallèle à celle du « sortir » officiel sur une base « progressiste » et « socialiste ». Cependant, leur opposition déclarée aux conservateurs et à UKIP et leur utilisation de phrases socialistes sont négligeables.

24. Le manque de sérieux de leur approche est incarné par le fait qu’ils se concentrent sur la prétendue occasion qu’un Brexit « désorganise les conservateurs » et fournit un moyen de « faire partir Cameron. » Ils n’accordent aucune considération à qui est censé faire partir Cameron et dans quel but. Ils sont tout à fait indifférents aux forces effectivement renforcées par la campagne du « sortir ». En réalité, ils sont en train de subordonner la classe ouvrière à une initiative visant à mettre la vie politique plus fortement encore sur une trajectoire nationaliste, renforçant et encourageant ainsi l’extrême-droite au Royaume-Uni et dans toute l’Europe, tout en affaiblissant les défenses politiques de la classe ouvrière. Après avoir contribué à libérer le génie du nationalisme britannique, ils sont politiquement responsables des conséquences. 

Les leçons de l'histoire 

25. Les leçons du mouvement ouvrier allemand soulignent les conséquences mortelles de l’alignement de la classe ouvrière sur les forces de droite. En décembre 1929, un référendum eut lieu à l’instigation du Parti nationaliste allemand. Il cherchait à introduire une « loi contre l’esclavage du peuple allemand » qui répudierait officiellement le Traité de Versailles et mettrait fin au paiement des réparations aux puissances victorieuses de la Première Guerre mondiale. Il y avait une opposition de masse aux termes du Traité mais le référendum a été reconnu par les travailleurs ayant une conscience de classe pour ce qu’il était, une tentative de la droite nationaliste d’exploiter ce sentiment et surtout du parti nazi d’Hitler, qui s’en est servi pour établir une présence nationale.

26. Le Parti communiste allemand (KPD) s’est opposé au référendum dont le taux de participation fut inférieur à 15 pour cent. Mais dans son sillage, le KPD a commencé, sur instruction de Staline et du Komintern, un processus d’adaptation systématique au nationalisme allemand avec l’adoption du « national-bolchevisme ».

27. En 1931, la retraite du KPD était telle qu’il s’est aligné sur les fascistes en soutenant le « Référendum rouge ». Initié par les nazis, le référendum demandait le retrait des sociaux-démocrates du pouvoir en Prusse, le plus grand État de l’Allemagne où se trouvait la capitale, Berlin. Le KPD a soutenu ce référendum sur la base que les sociaux-démocrates étaient des « sociaux-fascistes » et se livraient à la répression de la classe ouvrière. Leur éloignement du pouvoir, affirmait le KPD, était une étape vers la « libération nationale » et vers une « révolution populaire ».

28. La critique cinglante du KPD par Trotsky est également un réquisitoire dévastateur contre le rôle joué aujourd’hui par Galloway et la pseudo-gauche: 

« Dans l'attitude du Comité central du Parti communiste allemand, tout est erroné: l'appréciation de la situation est fausse, le but immédiat posé de manière fausse, les moyens choisis pour l'atteindre sont faux. »

29. Le KPD avait formé de facto un front uni avec les fascistes, expliqua Trotsky: 

« Si, du moins, on avait pu sur le bulletin de vote marquer le nom du parti auquel appartient le votant, le référendum aurait eu cette justification (politiquement tout à fait insuffisante dans le cas donné) de permettre de compter ses forces et du même coup, de se différencier des forces du fascisme. Mais la « démocratie » bourgeoise n’a pas eu soin, à Weimar, d’assurer le droit aux partisans du référendum de marquer le nom de leur parti. Tous les votants sont mêlés indistinctement dans la masse qui donne à une question déterminée la même réponse... »

« Le fait que les fascistes votent ou ne votent pas aux côtés des communistes aurait perdu toute signification à partir du moment où le prolétariat, par sa pression, renverserait les fascistes et prendrait entre ses mains le pouvoir. », a-t-il ajouté. Cependant, « Sortir dans la rue avec le mot d’ordre: “A bas le gouvernement Brüning-Braun !” quand, d’après le rapport des forces, ce gouvernement ne peut être remplacé que par un gouvernement Hitler-Hugenberg est de l’aventurisme pur... nous considérons donc la question de la collusion des votes avec les fascistes non pas du point de vue d’un principe abstrait quelconque, mais du point de vue de la lutte des classes réelles pour le pouvoir et du rapport des forces au stade donné de la lutte. »

Pour un boycott actif 

30. L’insistance de Trotsky sur une évaluation concrète de la relation des forces de classe informe l’attitude du SEP sur le référendum du 23 juin. Il y a des occasions dans lesquelles il serait tout à fait correct d’approuver un vote pour quitter l’UE. Dans les conditions d’un mouvement de la classe ouvrière impliquant des grèves et des appels de masse à la solidarité avec les masses grecques et d’autres victimes des diktats de l’UE, un vote de sortie de l’UE acquerrait un caractère anti-capitaliste.

31. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Cela est la responsabilité politique des groupes pseudo de gauche qui ont tous salué Syriza comme un modèle pour une lutte contre l’austérité de l’UE. Si SYRIZA avait honoré le mandat massif du référendum du 5 juillet 2015 en Grèce et entrepris une lutte politique contre l’UE, l’ensemble de la situation politique en Europe en aurait été modifiée. Le vote sur le ‘Brexit’ aurait eu lieu dans des conditions où la classe ouvrière donnerait sa marque aux événements au lieu des forces politiques de droite. Mais alors, il est à supposer que ni Cameron ni UKIP n’aurait fait pression pour un vote.

32. Étant donné les circonstances particulières d’aujourd’hui, un boycott actif est le seul moyen par lequel les travailleurs et les jeunes peuvent exprimer un point de vue de classe indépendant. Notre appel se fonde sur la position défendue par Lénine en 1905 par rapport à la constitution réactionnaire rédigée par le ministre russe de l’Intérieur, Alexander Boulyguine. Exhortant à un boycott du parlement, la Douma, dans le cadre d’une lutte révolutionnaire contre le tsarisme, Lénine expliquait :

« Si nous ne nous trompons pas, cette idée est déjà assez répandue parmi les camarades travaillant en Russie, qui l’expriment par les mots de boycott actif. À la différence de l’abstention passive, un boycott actif devrait impliquer de multiplier l’agitation par dix, organisant des réunions partout, profitant des réunions électorales, même si nous devons nous y forcer un chemin, organisant des manifestations, des grèves politiques, et ainsi de suite... »

33. Le SEP conçoit un boycott actif non pas comme une protestation individuelle, mais comme un moyen de commencer la clarification politique de la classe ouvrière et la lutte contre la désorientation créée par la bureaucratie du Parti travailliste et des syndicats et leurs apologistes pseudo de gauche. Nous utiliserons la campagne de boycott actif pour donner aux travailleurs et aux jeunes une orientation politique consciente et une direction.

 

Pour les Etats socialistes unis d'Europe

 

34. La campagne pour le boycott actif est intimement liée à la tâche de transformer le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) en un centre international d’opposition révolutionnaire au militarisme et à la guerre. Nous collaboreront étroitement avec nos co-penseurs européens et internationaux, en particulier le Parti de l’égalité socialiste en Allemagne, pour populariser et promouvoir le manifeste du CIQI « Le socialisme et la lutte contre la guerre », qui détermine quatre critères sur lesquels un nouveau mouvement anti-guerre doit être fondé :

 

  • La lutte contre la guerre doit se baser sur la classe ouvrière, la grande force révolutionnaire de la société, ralliant à elle tous les éléments progressistes de la population.

  • Le nouveau mouvement anti-guerre doit être anticapitaliste et socialiste, car il ne peut y avoir de véritable lutte contre la guerre sans une lutte visant à mettre fin à la dictature du capital financier et au système économique qui est la cause fondamentale du militarisme et de la guerre.

  • Le nouveau mouvement anti-guerre doit donc nécessairement garder une indépendance, et une hostilité, pleines et entières envers tous les partis et organisations politiques de la classe capitaliste.

  • Le nouveau mouvement anti-guerre doit surtout être international et mobiliser toute la puissance de la classe ouvrière dans une lutte mondiale unifiée contre l'impérialisme. À la guerre permanente de la bourgeoisie, il faut opposer la perspective de la révolution permanente de la classe ouvrière, dont le but stratégique est d'abolir le système des États-nations et d'établir une fédération socialiste mondiale. Cela permettra le développement rationnel et planifié des ressources mondiales et, sur cette base, l'éradication de la pauvreté et un développement de la culture humaine qui atteindra de nouveaux sommets.

 

35. Contre le chauvinisme et la xénophobie nationale promue par les deux camps de la campagne référendaire, la classe ouvrière doit avancer son propre programme internationaliste pour unifier les luttes des travailleurs dans toute l’Europe en défense du niveau de vie et des droits démocratiques. L’alternative à l’Europe des sociétés transnationales est pour les travailleurs la lutte pour les États socialistes unis d’Europe.

36. Le projet d’unification européenne après 1945 était une tentative des élites dirigeantes de résoudre la contradiction fondamentale entre le caractère intégré de la production européenne et mondiale et la division du continent en États-nations antagonistes, qui avait par deux fois au 20e siècle plongé le continent dans la guerre. On en est arrivé à considérer l’intégration économique comme essentielle pour permettre à l’Europe de rivaliser efficacement avec les États-Unis sur le marché mondial, avec le but ultime de l’accompagner d’une union politique. Dans le même temps, l’impérialisme américain a promu l’intégration de l’Europe capitaliste comme un rempart contre l’Union soviétique et la menace de révolution socialiste par une classe ouvrière européenne militante et radicalisée. Mais l’unité dans le cadre du capitalisme ne pouvait jamais être autre chose que la domination du continent et de ses peuples par les nations et les entreprises les plus puissantes. Les antagonismes nationaux et sociaux ont, au lieu d’être atténués, pris des formes malignes.

37. L’UE est en train de se disloquer et ne peut pas être relancée. C’est seulement à travers la création d’États socialistes unis d’Europe, instaurés comme partie intégrale d’une fédération mondiale d’États socialistes, que les vastes forces productives du continent peuvent être utilisées au bénéfice de tous. Les indications sont de plus en plus nombreuses dans toute l’Europe qu’une éruption de la lutte des classes est en marche. L’opposition de masse existe déjà à l’impact dévastateur de l’austérité, l’assaut sur les droits démocratiques, la barbarie militaire et les guerres de conquête de style colonial. Mais cela ne trouve actuellement aucune expression politique. Le SEP et le CIQI offrent une perspective sur la base de laquelle le sentiment croissant d’opposition dans la classe ouvrière peut se regrouper et devenir une force révolutionnaire puissante et imparable. Nous exhortons tous ceux qui sont d’accord avec nous à rejoindre le SEP et à le construire comme nouvelle direction révolutionnaire de la classe ouvrière.

Non à l'Union européenne — Non au nationalisme britannique !

Pour l'unité de la classe ouvrière britannique et européenne !

Pour les Etats socialistes unis d'Europe !

(Article paru d’abord en anglais le 29 février 2016)

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