Élection présidentielle française de 2017

Le débat des candidats de la droite préconise des mesures d’austérité et d’État policier

Le 13 octobre, la chaîne de télévision TF1 a organisé un premier débat entre les candidats à l’investiture du parti de droite Les Républicains (LR) pour la présidentielle de 2017, dont le vote aura lieu du 20 au 27 novembre. Le débat, le premier événement majeur de la campagne présidentielle française de 2017, regardé par 5 millions de téléspectateurs, a confirmé le fait que toute la classe dirigeante a l’intention de faire en sorte que l’incitation du sentiment anti-musulmans et le régime d’État policier deviennent des caractéristiques permanentes de la vie politique. 

Les candidats, tout en évitant soigneusement toute mention de la guerre syrienne et du risque croissant d’une guerre de l’OTAN avec la Russie au sujet de la Syrie, ont unanimement soutenu les attaques profondes contre les droits sociaux des travailleurs, et les mesures d’État policier telles que l’état d’urgence actuelle. 

Les sept candidats comprennent le favori, l’ancien Premier ministre Alain Juppé, l’ancien président Nicolas Sarkozy, et d’autres candidats plus mineurs qu’ils devancent dans les sondages. 

Dans une première déclaration expliquant pourquoi il brigue la présidence, Juppé a déclaré : « Je veux d’abord restaurer l’autorité de l’État et la dignité de la fonction présidentielle ». Il a appelé à « un État fort contre le terrorisme et l’immigration illégale, éliminer le fléau du chômage, lever les obstacles à la création d’emplois ; rénover en profondeur de notre système de formation ». 

Cela revient essentiellement à poursuivre la mise en place de l’État policier, des mesures d’austérité et des cadeaux aux grandes entreprises effectués par le gouvernement actuel du Parti socialiste (PS) discrédité. Juppé a appelé à jusqu’à 100 milliards d’euros de coupes budgétaires, à la prolongation de l’âge de la retraite de 62 à 65 ans, à 28 milliards d’euros de réductions d’impôt pour les entreprises, à des coupes dans les prestations familiales, à la suppression de 250 000 emplois du secteur public, et au renforcement des services de sécurité, notamment la police et la gendarmerie. 

Les propositions économiques réactionnaires de Juppé ne se distinguent guère de celles de Sarkozy, qui a bâti sa campagne autour d’appels à l’identité ethnique française et d’appels aux sentiments néo-fascistes. Sarkozy s’est engagé à éliminer purement et simplement l’impôt sur la fortune qui concerne les individus dont la valeur nette est de plus de 1,3 millions d’euros, et à supprimer 300 000 emplois du secteur public. 

Juppé veut aussi donner des pouvoirs extraordinaires aux autorités policières. Il soutient les appels de Sarkozy à l’internement des personnes avec des fichiers « S », c’est-à-dire, celles que les services de renseignement ont classées comme menaces à la sécurité nationale française, sur la base d’un contrôle judiciaire. Ils ont tous deux préconisé des mesures sévères pour bloquer les immigrants qui arrivent en France et pour expulser les immigrants sans papiers. 

Le débat fut largement axé sur la stigmatisation des musulmans. Le candidat Bruno Le Maire a appelé à « combattre l’islam politique », insistant pour que le port de la burqa soit un crime. 

Sarkozy, qui a introduit l’interdiction de la burqa quand il était au pouvoir, veut étendre l’interdiction du voile musulman dans les écoles aux universités, aux hôpitaux et à toutes les institutions publiques. 

Juppé a parfois exprimé des préoccupations concernant la domination de la campagne présidentielle par l’agitation anti-immigrés et anti-musulmans, adressant des critiques légères de ses rivaux. Cependant, il continue à soutenir les mesures qui ciblent les musulmans et les immigrés. 

Juppé se positionne lui-même pour profiter d’un effondrement du PS aux élections en raison de son impopularité. L’on s’attend à ce que le PS soit éliminé au premier tour, et que le Front national (FN) néo-fasciste passe facilement au deuxième tour, se retrouvant face à un candidat de droite. Juppé se présente comme le candidat le plus « modéré », capable de rallier au second tour les électeurs déçus du PS, ainsi que les électeurs de droite, contre Marine Le Pen la candidate du Front national. 

Il se tourne vers les électeurs déçus du président PS François Hollande avec des appels vagues pour construire « le chemin de l’espérance ». C’est devenu la base d’une campagne médiatique internationale pour présenter Juppé comme en quelque sorte une alternative acceptable au tournant de LR vers la droite extrême. 

Après le débat, Süddeutsche Zeitung a écrit : « Non, tous les candidats LR n’accompagnent pas cette marche vers la droite. Alain Juppé, le libéral conservateur favori dans la primaire, s’oppose quelque peu aux excès de Sarkozy. Il met en garde contre une « guerre civile » et ne veut pas exclure collectivement tous les musulmans ». 

Yves-Marie Cann du cabinet de conseil politique Elabe, a déclaré à BFM TV : « Alain Juppé, de par ses déclarations, son style de campagne, apparaît plus modéré qu’un Nicolas Sarkozy qui est plus dans l’invective, et peut avoir des propos caricaturaux. Juppé semble davantage faire appel à la raison et tient une posture beaucoup plus équilibrée dans ce qu’il donne à voir au grand public ». 

L’idée que Juppé est une alternative « modérée » à Sarkozy est une illusion politique. Bien sûr, au milieu de l’émergence d’un système électoral tripartite en France entre les électeurs PS, LR et FN, il s’oriente plutôt pour gagner des voix PS, alors que Sarkozy est plus clairement à la recherche de votes FN. Cependant, sur les questions fondamentales de guerre, d’austérité et d’attaques sur les droits démocratiques auxquelles sont confrontés les travailleurs en France et en Europe, les différences entre les trois principaux partis sont minimes. 

Le PS a alimenté l’hystérie anti-musulmans et sécuritaire après les attentats terroristes de Paris menés par les réseaux islamistes utilisés par les puissances de l’OTAN dans leur guerre de changement de régime en Syrie. Hollande a repris une grande partie du programme du FN en imposant un état d’urgence, la formation d’une garde nationale, et la tentative de légitimer la politique de déchéance de la nationalité telle qu’elle était pratiquée sous l’occupation nazie, comme il a cherché à façonner une base politique afin d’imposer des guerres et des mesures d’austérité impopulaires. 

Sarkozy et Juppé ont tous les deux géré des gouvernements discrédités qui ont mené des attaques profondes contre la classe ouvrière. S’ils viennent à être élus, les deux agiraient immédiatement pour imposer des guerres, des mesures d’austérité et des attaques contre les droits démocratiques. 

En tant que premier ministre sous le président Jacques Chirac, Juppé a introduit des réformes libérales attaquant le système de sécurité sociale, ce qui a provoqué les grèves des chemins de fer de novembre-décembre 1995. 

En tant que président de 2007 à 2012, Sarkozy a imposé une série de mesures d’austérité pendant la crise économique mondiale de 2008, a fermé de nombreuses usines, et a introduit des réformes favorables aux entreprises, y compris la réforme des retraites qui a provoqué la grève pétrolière de 2010. Ministre des Affaires étrangères sous Sarkozy, Juppé a joué un rôle clé dans le lancement de la guerre de Sarkozy en Libye, sous le couvert frauduleux de la protection des droits de l’Homme et des civils libyens. 

(Article paru en anglais le 24 octobre 2016)

 

 

 

 

 

 

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