Perspectives

Les élections américaines de 2016 et l’impasse du “moindre mal”

Les deux dernières semaines de la campagne électorale présidentielle américaine seront dominées par des appels aux travailleurs et aux jeunes de la part des syndicats et des publications et organisations libérales à voter pour la candidate démocrate à la présidentielle Hillary Clinton. Étant donné que Clinton est largement méprisée comme une créature de Wall Street et de l’establishment politique, et un défenseur d’une politique étrangère plus agressive et militariste, cet effort de vente rencontre des obstacles importants. 

À tout le moins, nous dit-on, Clinton représenterait le « moindre mal » par rapport au milliardaire démagogue Donald Trump, dont la campagne de racisme, d’intolérance et de nationalisme américain anti-immigrés vise à jeter les bases pour le développement d’un véritable mouvement fascisant aux États-Unis. La vérité, cependant, est que le choix de Clinton ou Trump est un choix entre deux formes d’un cancer incurable. Et étant donné le soutien de Clinton pour une intervention militaire élargi au Moyen-Orient et une confrontation généralisée avec la Russie, la deuxième plus grande puissance nucléaire du monde, il ne peut pas être dit avec certitude laquelle des deux maladies se révélerait être la plus rapidement fatale. 

Un groupe d’économistes et de sociologues éminents a publié une lettre ouverte proclamant Hillary Clinton non seulement comme le moindre mal, mais comme un bon atout. La lettre a été signée par 50 éminents universitaires, dont certains qui ont fait un travail important pour éclairer l’accroissement de l’inégalité sociale et de classe en Amérique, comme Emmanuel Saez de l’Université de Californie, à Berkeley, et William Julius Wilson de Harvard.

La lettre cite la montée effrénée de l’inégalité économique en Amérique, y compris l’accroissement de la part du revenu national accaparée par le 1 pour cent le plus riches, allant de 10 pour cent du total en 1981 à 22 pour cent en 2015. La grande majorité de toutes les augmentations de revenu depuis le milieu des années 1970 est allé à des super-riches. Cette période de 40 ans est divisée à parts égales entre les gouvernements républicains et démocrates, tous deux ayant favorisé les riches au détriment des travailleurs. 

Néanmoins, les 50 universitaires soutiennent que les politiques de Clinton, « soutenue par la plate-forme du Parti démocrate la plus progressiste depuis quatre décennies, vont à la fois promouvoir la croissance et réduire l’inégalité des revenus ». 

La lettre énumère ensuite une série de propositions, allant d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure à l’école maternelle universelle et l’allégement de la dette des étudiants en passant par des augmentations de dépenses sur les infrastructures, financées par des impôts plus élevés sur les riches, y compris un impôt de solidarité sur la fortune des millionnaires. Elle déclare que Clinton a travaillé « toute sa vie d’adulte » pour de telles mesures. 

Il y a un certain nombre de bureaucrates de longue date parmi les signataires, dont deux anciens membres du cabinet ministériel de Bill Clinton, Robert Reich et Laura D’Andrea Tyson. Mais il y en a d’autres qui auraient dû s’en méfier, mais se sont laissé emporter par la peur de Trump. 

Pendant les primaires démocrates, bon nombre des signataires ont soutenu Bernie Sanders et ses critiques sur les liens de Clinton avec Wall Street. Maintenant que ces liens ont été confirmés mille fois avec la publication par WikiLeaks des communications de la campagne et des discours de Clinton devant le grand patronat, les signataires de la lettre choisissent de fermer les yeux. 

Mais le plus important à propos de cette lettre est le fait qu’elle ne contient pas un mot sur la politique étrangère, le risque croissant de guerre, ou l’engagement d’un futur gouvernement Clinton dans des politiques de confrontation militaire avec la Russie et la Chine, deux puissances possédant des armes nucléaires. Même si l’on croyait, contre toute évidence, que Clinton avait l’intention d’adopter un modeste programme de réforme sociale, les exigences financières d’une intervention militaire élargie au Moyen-Orient, sans parler d’une guerre majeure avec la Russie ou la Chine, signifieraient l’abandon immédiat de tels projets. 

Il y a cinquante ans, quand le capitalisme américain jouissait d’une position beaucoup plus dominante dans une économie mondiale en plein essor, le gouvernement de Johnson s’effondra parce qu’il s’avéra impossible de combiner « le beurre et les canons ». Une présidence Hillary Clinton, dans des conditions de crise économique mondiale, de chocs financiers et du déclin américain, ne tenterait même pas d’y arriver. 

Au contraire, les documents de WikiLeaks montrent que Clinton et ses plus proches collaborateurs s’opposent effectivement aux réformes sociales modestes énumérées dans la lettre des 50 économistes et sociologues. Ils les ont seulement incorporées dans la plate-forme comme le prix à payer pour vaincre Sanders et donner des broutilles pour satisfaire ses partisans. Maintenant que Sanders rabat pathétiquement ses électeurs vers la candidature de Clinton, alors même que les documents de WikiLeaks abondent démontrant sa soumission aux « millionnaires et milliardaires » que Sanders avait condamné de façon rhétorique. 

Dans sa réponse aux révélations de WikiLeaks, le Parti démocrate a révélé l’axe politique réelle d’un futur gouvernement de Clinton. Il a dénoncé WikiLeaks comme un agent de la Russie et a affirmé, sans fournir la moindre preuve, que Vladimir Poutine est la source des documents piratés. Il a donc cherché à s’approprier le maccarthysme, autrefois la marque de fabrique de la démagogie du Parti républicain. 

Il n’est même pas nécessaire de fournir des documents secrets de WikiLeaks, cependant, pour prouver que Hillary Clinton est le larbin des milliardaires qui dominent la politique et la société américaine. Des articles de presse ce week-end soulignent le soutien d’envergure envers Clinton parmi l’aristocratie financière. Le Wall Street Journal a rapporté que sur les 88 millions de dollars que les milliardaires ont donné aux candidats présidentiels des deux principaux partis capitalistes, 70 millions, versés par 19 milliardaires, sont allés à Clinton, alors que seulement 18 millions venant de cinq milliardaires sont allés à Trump. 

Le New York Times a rapporté dimanche que les « super PACs », ces comités d’action politique mis en place par les super-riches pour soutenir leurs candidats et légalisés par la décision tristement célèbre de la Cour suprême dans l’affaire Citizens United en 2010, ont favorisé Clinton aux dépens de Trump par une marge de 2 contre 1. Une douzaine de ces groupes ont récolté 200 millions de dollars et en ont dépensé plus de 110 sur la publicité pro-Clinton depuis mai, selon les rapports déposés auprès de la Commission électorale fédérale. 

Dimanche également, Clinton a reçu l’approbation de l’un des banquiers les plus en vue de Wall Street, Lloyd Blankfein, PDG de Goldman Sachs, la banque d’investissement qui a payé à Clinton 675 000 dollars pour prononcer trois discours en 2013. Blankfein a salué, en particulier, sa volonté de travailler avec les républicains, comme elle le faisait lorsqu’elle était sénatrice de New York, une fonction dans laquelle elle défendit agressivement les intérêts de Wall Street. 

Clinton a également été approuvé par des centaines d’anciens généraux, amiraux, agents de renseignement et des spécialistes de la politique étrangère, républicains comme démocrates. La raison est claire : ces porte-paroles de l’appareil militaire et des services de renseignements considèrent Trump comme un impondérable, erratique et ignorant du consensus de la politique étrangère de l' impérialisme américain. Il a exprimé des opinions qui sont, à leur avis, dangereusement isolationnistes et trop conciliantes à l’égard de Moscou. En même temps, par sa bigoterie et l’adoption du nationalisme économique, il menace de perturber le système des États vassaux qui servent les intérêts impérialistes des É-U dans le monde entier. 

En offrant au peuple américain le choix entre Clinton et Trump, le système à deux partis des États-Unis a démontré qu’il s’agit d’une impasse politique. 

Les élections dans deux semaines ne résoudront rien. La tâche urgente est la construction d’une direction politique, sur la base d’un programme socialiste révolutionnaire, qui va donner une expression véritablement progressiste aux intérêts de millions de travailleurs et de jeunes. Telle est la perspective que le Socialist Equality Party (SEP – Parti de l' égalité socialiste), a avancée dans les élections de 2016, défendue par nos candidats, Jerry White pour la présidence et Niles Niemuth pour la vice-présidence. 

Le 5 novembre, le SEP et l’Internationale des Jeunes et étudiants pour l’égalité sociale (IYSSE) tiendront une conférence, « le Socialisme contre le Capitalisme et la Guerre », à Detroit, dans le Michigan. Dans les semaines précédant cette conférence, le SEP tient une série de réunions dans tout le pays. Le World Socialist Web Site appelle tous ses lecteurs à participer à la campagne, prendre leurs dispositions pour assister à la conférence du 5 novembre, et rejoindre le SEP et l’IYSSE, afin de prendre un rôle actif dans la construction d’une direction politique pour guider les luttes de masse à venir. 

(article paru en anglais le 24 octobre 2106)

 

 

 

 

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