La signification internationale des élections à Berlin

En Allemagne, les élections du Land (région) de Berlin ce dimanche se tiennent dans des conditions d’une crise internationale dramatique. Les conséquences de la crise financière de 2008 perdurent ; l’Union européenne, qui forme depuis la Seconde Guerre mondiale la base d'une stabilité relative en Europe, vit une crise potentiellment mortelle ; le conflit avec la Russie et la guerre en Syrie explosent ; et en Allemagne, les tensions sociales montent, alors que le nombre de personnes employées à des postes précaires augmente constamment.

La bourgeoisie a réagi par la promotion du militarisme et en renforçant l’appareil répressif de l’État. Depuis que les chefs du gouvernement ont annoncé la « fin de la retenue militaire » allemande en 2014, des soldats, des chars et des avions de combat allemands sont allés à la frontière de l’OTAN avec la Russie pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Les Forces armées allemandes forment et arment les combattants kurdes en Irak, et leurs avions mènent des missions de reconnaissance sur la Syrie. On débloque des milliards d'euros pour les budgets militaires.

Le gouvernement a massivement élargi l’appareil de police et de surveillance. La menace d’attentats terroristes et la campagne de propagande anti-musulmane, alimentée par les médias, servent de prétexte.

Tous les partis parlementaires défendent cette politique. L’hystérité sécuritaire, sur des questions de police et une surveillance accrue, a été au centre de leur campagne électorale à Berlin. L’opposition généralisée à cette politique a profondément discrédité ces partis. Le temps où les prétendus « partis populaires » — l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le Parti social-démocrate (SPD) — gagnaient 40 pour cent ou plus du vote est révolu depuis longtemps. À Berlin, où les sondages placent le SPD comme le parti le plus fort, il ne recueille que 23 pour cent. La CDU, les Verts, le Parti de gauche et l’Alternative pour l’Allemagne (Afd) recueillent entre 18 et 14 pour cent.

Alors que la haine contre l’establishment politique monte, c’est principalement l’Alternative pour l’Allemagne (Afd) d’extrême droite qui profite de la colère et de l’indignation avec les partis de l'élite dirigeante. Lors des dernières élections dans neuf Lands, l’Afd a réussi à entrer dans chaque parlement de Land sur sa première tentative, ce qui aggrave la crise des vieux partis. Jusqu'ici, la classe dirigeante a déjà pu compter sur une « grande coalition » du SPD et CDU pour assurer des majorités stables, mais ces parties sont désormais considérés avec un tel mépris qu’ils ne sont plus capables de gagner une majorité parlementaire entre eux.

La classe dirigeante cherche donc de nouveaux soutiens politiques pour protéger son pouvoir et réprimer l’opposition au militarisme et à l’austérité. C'est pour cela que l’issue de l’élection pourrait être la formation d’un gouvernement « Rouge-Rouge-Vert », donc une coalition composée des sociaux-démocrates, du Parti de Gauche, et des Verts. Cette combinaison peut bien se révéler être un coup d'essai pour une coalition semblable au niveau fédéral. Le dirigeant du SPD pour Berlin, Michael Müller, qui est actuellement maire de Berlin en coalition avec la CDU, a exprimé son soutien à une telle alliance « Rouge-Rouge-Vert. »

D’ici un an, en septembre 2017, on élira le prochain Bundestag (parlement fédéral). Les élections régionales en Allemagne ont toujours servi de coup d’essai à l’élection fédérale. Jusqu’à présent, le SPD et les Verts ont refusé une alliance avec le Parti de gauche au niveau fédéral et dans les Lands occidentaux. Ce n'est qu'à l’Est, où le Parti de gauche a plus d'influence, successeur de l’ancien parti au pouvoir dans l’ancienne Allemagne de l’Est bénéficie d’une plus grande influence, a-t-il été inclus dans les gouvernement régionaux. Cela change en raison de l’aggravation de la crise ; le dirigeant national du SPD, Sigmar Gabriel, a indiqué qu’il serait prêt à un tel gouvernement.

Dans la campagne électorale de Berlin, le Parti de gauche a tout fait pour prouver sa fiabilité à la classe dirigeante et son soutien à la répression et au militarisme. Dans son manifeste pour Berlin, il appelle à une expansion massive du personnel et des pouvoirs de la police. La semaine dernière, le leader parlementaire du Parti de gauche au Bundestag, Dietmar Bartsch, a attaqué de Merkel depuis la droite sur ce dossier. Il a lancé un appel pour « un État qui a la capacité d’agir », en accusant Merkel d’avoir « affaibli, humilié et négligé la police. » Sur le SPD, il a ajouté : « Oui, le Parti de gauche veut prendre la responsabilité pour ce changement politique au sein du gouvernement. »

Cependant, le Parti de gauche a un problème: il a perdu massivement sa crédibilité à cause de ses politiques de droite. Il est fortement discrédité à Berlin, où il a été 20 ans au pouvoir entre 2002 et 2011, imposant une politique d’austérité sociale. C’est surtout des groupes de pseudo-gauche tels SAV et Marx21, qui ont trouvé un gagne-pain au sein du Parti de gauche, qui ont été les plus actifs sur le terrain dans sa campagne électorale. Les co-penseurs de l’Organisation socialiste internationale américaine, du Parti socialiste et du Parti socialiste ouvrier britanniques, et le Nouveau parti anticapitaliste français participent tous actifs au Parti de gauche de l’Allemagne, dont ils font énergiquement la promotion, en cherchant à lui fournir une feuille de vigne de gauche.

De plus en plus, ces groupes, basés sur des sections aisées des classes moyennes, la bureaucratie syndicale et d'autres couches plus aisées, se révèlent pour ce qu’ils sont vraiment : un soutien essentiel de la domination bourgeoise.

Aux États-Unis, ces organisations ont favorisé la candidature de Bernie Sanders, qui se dit socialiste et a remporté 13 millions de voix dans les primaires, pour ensuite soutenir le candidat de Wall Street et de l’armée, Hillary Clinton. En Grande-Bretagne, ils font l'apologie du leader travailliste Jeremy Corbyn, qui encourage l’espoir d’un changement vers la gauche par le parti travailliste, mais refuse de se battre contre son groupe parlementaire droitier, qui complote pour l’abattre.

La campagne électorale menée par le Partei für Soziale Gleichheit (PSG) à Berlin est d’une grande importance. Le PSG, la section allemande du Comité international de la Quatrième Internationale, a placé la construction d’un mouvement international contre la guerre au centre de sa campagne, d’un mouvement qui est basé sur la classe ouvrière et combine opposition à la guerre avec la lutte contre le capitalisme et pour une société socialiste.

Le PSG a insisté que la classe ouvrière ne peut pas faire un pas en avant sans rompre avec le SPD, les Verts, le Parti de gauche et de leur alliés de pseudo-gauche. La campagne du PSG vise à élever la conscience politique de la classe ouvrière, et la préparation de l’avenir, lorsque les sections croissantes de la classe ouvrière entreront en conflit aigu avec les partis au pouvoir.

(Article paru d’abord en anglais le 17 septembre 2016)

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