Pourquoi le New York Times fait-il la promotion du «black bloc»?

Le New York Times, le porte-parole semi-officiel de l’establishment du Parti démocrate, a publié un article hors de l’ordinaire dans son édition de vendredi, intitulé «Les anarchistes jurent de contrer la montée de l’extrême droite, par la violence, si nécessaire.» («Anarchists Vow to Halt Far Right’s Rise, With Violence if Needed»)

L’article occupe quatre colonnes de la page couverture du journal sous une énorme photo d’un individu masqué en noir qui s’apprête à casser une fenêtre d’un immeuble de bureaux avec une barre de fer lors de la nuit de manifestation survenue à l’Université de Californie à Berkeley il y a une semaine. L’article équivaut à une publicité gratuite et à de la promotion pour des manifestations violentes organisées par des éléments s’identifiant eux-mêmes au «black bloc», aux antifascistes et aux anarchistes.

Rédigé par la journaliste du Times Farah Stockman, l’article contient non seulement des comptes-rendus à couper le souffle des actes de violence gratuite commis par ces éléments et de longues citations provenant d’individus qui disent représenter ces politiques, mais aussi de multiples liens vers des sites web et des fils de discussion sur Twitter associés aux anarchistes et au black bloc. Le Times fournit ainsi gentiment ces liens aux lecteurs qui voudraient s’impliquer.

«Au moment où les groupes d’extrême droite deviennent presque conventionnels avec la montée de Donald Trump, ceux qui se disent anarchistes et antifascistes jurent de les confronter à chaque occasion et avec tous les moyens nécessaires – incluant la violence», écrit Stockman.

«Les anarchistes disent aussi que leurs récentes actions ont eu un énorme succès, autant en mettant l’emphase sur leur argument le plus urgent – que M. Trump représente une menace fasciste – et en attirant d’autres personnes à joindre leur mouvement», poursuit l’article. Il est clair que cette journaliste et le Times ont décidé de prêter main-forte à cet «attrait».

L’article a paru seulement deux jours après les manifestations à Berkeley à propos de la tenue d’une conférence par Milo Yiannopoulos, rédacteur en chef du groupe d'extrême droite de Breitbart News, dont l’ancien patron, le fascisant Stephen Bannon, est devenu le haut conseiller de Trump à la Maison-Blanche.

Tandis que des milliers d’étudiants de Berkeley s’étaient réunis pour protester pacifiquement contre Yiannopoulos, un provocateur réactionnaire qui donne des discours empreints d’islamophobie, de racisme et de nationalisme de droite, une minorité d’environ 150 manifestants masqués en noir, organisée sous une coalition amorphe dénommée ANTIFA, qui veut dire antifasciste, a marché vers le campus et a commis des actes de violence gratuite auxquelles la grande majorité d’étudiants présents s'est opposée.

Le contingent ANTIFA a cassé des vitres, allumé des feux, lancé des feux d’artifice à la police, assailli les quelques partisans de Trump présents et vandalisé les commerces , les immeubles et les guichets automatiques du quartier.

L’intervention de ces vandales masqués a tourné une manifestation de masse en provocation policière.

Ces actions étaient justement ce que Yiannopoulos et ses partisans voulaient, leur permettant d’envelopper leur virulent racisme anti-immigrant et antimusulman du voile de la «liberté d’expression». Trump a riposté en menaçant de couper les fonds fédéraux à UC Berkeley et le brouhaha a été récupéré par les différents politiciens comme un prétexte pour promouvoir des lois servant à réprimer les grèves et les véritables expressions d’opposition.

Il y a un long historique de violence commise par des manifestants du black bloc, par les anarchistes ou par ANTIFA, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe et partout dans le monde. Les politiques de ces mouvements sont entièrement réactionnaires, basées sur une hostilité viscérale à toutes luttes pour mobiliser la classe ouvrière et les jeunes dans une lutte politique indépendante contre le système capitaliste et pour le socialisme. Ils attirent des éléments démoralisés et désorientés de la classe moyenne, ainsi qu’un nombre important de provocateurs issus des forces policières qui se cachent derrière des capuchons et des masques afin d’encourager la violence et fournir un prétexte à la répression.

Pour des raisons évidentes, comme lors de la manifestation à Berkeley, ces forces reçoivent souvent le feu vert pour commettre des gestes provocateurs qui sont ensuite exploités par la police. Le défi pour ceux qui cherchent à mettre de l’avant une véritable action politique en opposition au gouvernement et au système capitaliste qu’il défend est d’identifier ces provocateurs avant qu’ils ne puissent faire leur sale boulot et de les expulser.

Le Times, cependant, semble déterminé à les intégrer. L’article contient aussi ceci: «La question maintenant est si les actions des anarchistes contre M. Trump – qu’elles soient colorées ou pleine d’entrain, ou hors-la-loi et potentiellement fatales – vont faire en sorte que leur mouvement marginal deviendra plus gros dans la bataille des idées au cours des années à venir.»

Non, la vraie question est: pourquoi le Times fait-il la promotion de ce «mouvement marginal» comme une sorte de participant sérieux dans la «bataille des idées»?

L’article, comme la majeure partie de ce qui est publié dans les pages d’information du New York Times, sent la provocation politique à plein nez.

En faisant la promotion de tendances rétrogrades comme le «black bloc» et ceux qui se disent anarchistes, le Times vise à détourner la radicalisation populaire grandissante en réponse au gouvernement le plus à droite de l’histoire américaine dans des voies politiques inoffensives.

Peu importe le coût des dommages liés aux vitres cassées, aux guichets automatiques endommagés et aux Starbucks pillés, ces forces sont entièrement subordonnées au Parti démocrate et au système capitaliste, et servent d’outil précieux à la police dans sa répression de l’agitation des masses.

Cela explique pourquoi un journal qui a appuyé Hillary Clinton pour la présidence, a appuyé toutes les guerres impérialistes lancées par Washington et a mené une campagne à la McCarthy en faveur d’une confrontation avec la Russie est devenu un défenseur enthousiaste de l’anarchisme.

(Article paru d'abord en anglais le 4 février 2017)

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