L’Université de New York et le complexe militaro-universitaire

L’automne dernier, le comité des activités étudiantes de l’Université de New York (CAE) a rejeté la demande soumise par les Étudiants et jeunes internationalistes pour l'égalité sociale (ÉJIES) pour obtenir le statut de club. Dans sa demande initiale, l’ÉJIES avait insisté sur le fait qu'il visait à donner une voix au large sentiment antiguerre des étudiants sur le campus. En tentant de porter la décision du (CAE) en appel, atteint bien que l’ÉJIES ait amassé les signatures de plus de 200 étudiants appuyant sa demande de candidature et rempli tous les autres prérequis pour le statut de club, l’ÉJIES s’est fait répondre par le (CAE) qu’il rejetait près de 90 % de toutes les demandes qu'il recevait.

Ce processus arbitraire et antidémocratique vise en grande partie à contrôler et restreindre les opinions politiques auxquels les étudiants ont accès sur le campus . Pour lancer sa campagne afin d’obtenir le statut de club cette année, l’ÉJIES a tenu une rencontre le 2 février dernier intitulée «Comment aller de l'avant dans la lutte contre l’administration Trump».

Les liens étroits qu'entretient l’Université de New York avec la machine de guerre américaine nous éclairent sur les raisons pour laquelle l’administration de l’université pourrait vouloir empêcher ses étudiants d’entendre une perspective socialiste et antiguerre. Les liens entre les collèges et universités américains et l’appareil de sécurité nationale – financiers, politiques et professionnels – sont vastes et multiples. L’Université de New York (NYU) illustre le complexe militaro-universitaire d’une manière particulièrement concentrée.

Selon un reportage de Vice News en 2015, NYU est l’une des universités les plus militarisées aux États-Unis, recevant 16.282.000 $ du département de la Défense en 2013 pour la recherche et le développement, la dernière année pour laquelle les données sont disponibles. Le département de la Défense offre du financement dans le but «d’atteindre les objectifs nationaux et du département», selon son site web, et se concentre sur le développement de nouvelles technologies pour la surveillance et l’armement.

Pour une portion significative de la faculté de NYU, il y a une porte tournante entre l’université et le département d’État, le Pentagone, la CIA, le FBI et d’autres agences de surveillance. L’université emploie de nombreux anciens et actuels fonctionnaires de ces agences, qui jouent un rôle important dans la conception des programmes académiques et le choix de cours qui est offert aux étudiants.

Une offre d’emploi de NYU publiée récemment sur un blogue relié à la défense donne une idée de cette relation intime entre l’université et la machine de guerre de l’impérialisme américain.

Cette offre recherche un nouvel employé pour le Center on Law de l'École de Droit de NYU qui aurait pour tâche «de rendre les politiques de sécurité nationale plus efficaces, légitimes et durables à travers ses publications, ses programmes étudiants et ses événements».

L'annonce stipule que «dans les mois précédents, le Centre a invité des représentants élus des États-Unis, le directeur adjoint de la CIA et organisé la tenue d’une commission présidentielle». Le Centre se vante de ses liens étroits avec «des avocats de l'ancien gouvernement, incluant les avocats généraux des agences membres des services de renseignement américains et des procureurs fédéraux qui se consacrent à cybersécurité et aux questions de contre-terrorisme».

L’offre suggère aux postulants: «Expérience dans la politique étrangère, la sécurité nationale ou dans les services de renseignement des États-Unis fortement recommandée.»

Comme l’indique cette offre d’emploi, NYU s’est considérablement transformée en groupe de réflexion pour l’impérialisme américain. Ces vastes programmes de «sécurité nationale» visent à légitimer l’espionnage d'État, le programme d’assassinats par drones et le complexe militaro-sécuritaire qui met en oeuvre ces activités et qui est responsable de la mort de millions de personnes au Moyen-Orient et en Asie centrale durant les 15 dernières années.

L’université est également un membre fondateur du Homeland Defense Education Consortium de la Sécurité intérieure (HSDECA), qui est géré par le Commandement du Nord, ce commandement militaire qui a comme portée les États-Unis eux-mêmes. L’objectif de ce consortium est d’impliquer des universitaires dans les plans du Commandement du Nord et développer et promouvoir les programmes de sécurité sur le campus.

En 2015, le Centre pour les Affaires mondiales de NYU (Centre for Global Affairs) a lancé l’Initiative pour l’étude des menaces émergentes (Initiative for the Study of Emerging Threats) dans une discussion avec le président de l’Estonie de l’époque, Toomas Hendrik Ilves. Cet ancien président est bien connu pour ses politiques fanatiques antirusses. En 2014, il avait demandé d’accroitre massivement la présence militaire de l’OTAN sur la frontière russe, risquant un conflit militaire entre des puissances nucléaires et une nouvelle guerre mondiale

Le programme de NYU prétend mettre l'accent sur «les nouvelles menaces de sécurité non traditionnelles» et liste, entre autres, «la subversion et la guerre de l'information» et «les cybercrimes, les cyberguerres et le cyberterrorisme» comme menaces.

NYU a développé une expertise spécialisée dans l’entrainement légal et technique nécessaire à la cybersurveillance de masse. En 2014, l’Agence nationale de la sécurité (NSA), dont l’espionnage de masse sur la population américaine et mondiale a été exposé par les révélations de Snowden, a désigné l’École polytechnique d’ingénierie de NYU, depuis renommé l’École d’ingénierie de Tandon, centre d’excellence académique.

L’École est l’une des 16 seules institutions ayant la désignation de centre d’excellence académique dans les opérations cybernétiques. Cette désignation apporte à l’école le soutien d’un expert qui travaille comme agent de liaison entre celle-ci et la NSA. Les écoles ayant cette désignation peuvent faire la demande de subventions de la Fondation nationale des sciences (NSF), qui aident à financer des programmes de bourses comme ASPIRE (Scholarship For Service Partnership For Interdisciplinary Research and Education), qui est remis aux «étudiants dans le domaine général de l'assurance de l'information et de la cybersécurité». NYU a cinq programmes distincts sur différents campus qui sont admissibles à cette bourse, qui couvre les frais de scolarité et fournit un salaire de 20.000 $ par année pour les étudiants de premier cycle.

Les étudiants qui reçoivent cette bourse doivent travailler deux ans au gouvernement. Selon un article du Guardian paru en 2015, environ 29% des récipiendaires de la bourse sont placés à la NSA. La plupart de ceux qui restent sont divisés dans d’autres agences de renseignement, d’espionnage, policières ou militaires.

L’offre d’emploi citée plus haut a été affichée par le comité consultatif du Center on Law and Security de l'École de Droit de NYU, qui est composé d’experts juridiques pour les agences de renseignement américaines et leurs partenaires du monde des affaires. On retrouve dans ce comité Gus Coldebella, l'ancien avocat général pour le département de la Sécurité intérieure; Rajesh De, ancien avocat général pour la NSA; Gavin Hood, fondateur et PDG de Palantir Technologies qui a été fondée à l’aide de la CIA; et Elizabeth Rindskopf-Parker qui, entre les années 1984 et 1995 a travaillé pour la CIA, la NSA et le département d’État.

En 2014, l’École de Droit a engagé Harold Koh, un ancien conseiller juridique au département d’État, pour enseigner. Des étudiants en droit et d’anciens étudiants de la faculté ont organisé une pétition pour qualifier «la présence de Koh, à la faculté de droit, et en particulier, comme professeur du Droit international des droits de l'homme, d’inacceptable», en raison de son implication dans le programme de guerre par drones de l’administration Obama. La pétition a reçu plus de 400 signatures.

En réponse, le journal en ligne Just Security, qui est basé au Centre des droits de l'homme et de la justice mondiale à l’École de Droit de l’Université de New York, a organisé une contre-pétition en appui à Koh. Le directeur de cette faculté et coprésident, Ryan Goodman, est membre du Comité consultatif du département d'État sur le Droit international. Le journal a publié la pétition, qui a été coécrite par Sarah Cleveland, ancienne avocate du droit international pour le conseiller juridique au département d’État, et Michael Posner, ancien sous-secrétaire d’État au Bureau de la démocratie, des Droits de l'homme et du Travail au département d’État et actuellement professeur à l’École de commerce de NYU.

La pétition affirme que «Professeur Koh est un spécialiste des droits de l'homme, et leur défenseur, depuis des décennies…il est réputé pour son engagement personnel incontestable envers les droits de l'homme et ses qualifications professionnelles éminentes pour enseigner et écrire sur le sujet.»

Cette pétition qui louange de façon absurde un architecte du programme d’assassinats par drones a été signée par 14 membres de la faculté de l’école de droit de NYU, et également par plusieurs membres de l’école de commerce.

Posner a travaillé pour le département d’État de 2009 à 2013, au même moment où il était un partisan important de la rhétorique des droits de l'homme qui est devenue un argument central pour les interventions des États-Unis à l’étranger et la justification pour les atrocités militaires commises par les États-Unis et ses alliés. En 2011, Posner a déclaré qu’une zone d’exclusion aérienne en Libye «n’est pas une solution, mais une partie de celle-ci». À l’époque, les États-Unis menaient une campagne de bombardements et appuyaient les milices djihadistes faisant partie de sa guerre sanglante pour un changement de régime contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.

En 2013, Posner et Sarah Labowitz, une autre ancienne employée du département d’État, ont cofondé le Centre Stern pour le Commerce et les Droits de l'homme comme partie intégrante de l’école du commerce de NYU. La mission de ce centre est de «mettre au défi et d'encourager les compagnies et les futurs dirigeants d'affaires à réaliser de réels progrès sur les droits de l'homme. Labowitz a également signé la pétition louangeant Koh.

Malgré ses supposées préoccupations pour les «droits de l'homme», NYU a utilisé une main-d’œuvre super exploitée pour terminer la construction de son campus d’Abu Dhabi. Cheryl Mill, ancienne chef de cabinet d’Hillary Clinton, a négocié la construction du campus d’Abu Dhabi en 2009, alors qu’elle était employée par le département d’État et NYU.

Le New York Times a plus tard exposé le fait que le campus était construit avec l’aide d'environ 6000 travailleurs immigrants qui étaient forcés de travailler dans des conditions brutales. Selon des documents dévoilés par WikiLeaks, NYU a aussi maintenu ses contacts avec Mills après qu’elle ait quitté l’école pour l'informer de la construction d'un campus de NYU à Shanghai.

L’EJIES relance cette session sa demande pour un statut de club afin d’éduquer et de mobiliser à l’Université de New York les étudiants pour la construction d’un mouvement antiguerre basé sur la classe ouvrière et sur un programme révolutionnaire socialiste et internationaliste. Ceci sera d'autant plus nécessaire sous l’administration Trump, qui va donner le champ libre à l'armée et aux agences du renseignement pour qu'elles intensifient leurs attaques sur les droits démocratiques et étendent les guerres sans fin d’Obama.

(Article paru d'abord en anglais le 27 janvier 2017)

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