L’attaque contre le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn sur la « première frappe nucléaire »

L’offensive politique systématique contre le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn, le représentant comme une menace pour la sécurité nationale, a touché le fond de la dépravation pendant l’émission d’Andrew Marr sur la BBC.

Non seulement Marr a-t-il tendu l’équivalent politique d’une embuscade, mais il l’a fait au motif obscène de vouloir exiger une promesse que Corbyn s’engagerait à mener une guerre nucléaire.

L’interrogatoire de Marr avait un caractère dérangé. Sa première question avait trait au fait que, si le Parti travailliste gagnait les élections générales du 8 juin, la première tâche de Corbyn serait d’écrire quatre lettres aux capitaines des sous-marins nucléaires britanniques « leur indiquant ce qu’il faut faire si le pays était victime d’une attaque nucléaire. Alors, qu’est-ce que vous leur dites […] Vous devez dire feu ou ne pas tirer […] Vous devez leur donner dans ces lettres une instruction précise. »

Corbyn a répondu que son « instruction précise » serait de « suivre les ordres lorsqu’ils seront donnés ».

Cela a provoqué la réplique de Marr, « Puis-je vous demander directement ; Y a-t-il des circonstances dans lesquelles vous autoriseriez une frappe nucléaire ? Une circonstance quelle qu’elle soit ? »

Corbyn a répondu que « toute utilisation d’armes nucléaires est une catastrophe pour le monde entier » et que « les armes nucléaires ne sont pas une solution aux problèmes de sécurité dans le monde. Ce sera un désastre pour la sécurité mondiale si jamais on les utilise. » Il a exprimé son inquiétude sur les tensions croissantes entre les États-Unis et la Corée du Nord, ainsi que « l’effort du gouvernement Trump de détricoter l’accord [sur le nucléaire] du président Obama avec l’Iran ».

Marr a suivi cette critique assez feutrée de la cabale de va-t-en-guerre de Donald Trump en demandant qui Corbyn « appellerait les premiers » parmi les « dirigeants mondiaux » après avoir gagné l’élection.

Il a ensuite repris plus directement la question centrale : « Et dites-vous […] au président Trump, que nous ne sommes plus un pouvoir nucléaire […] Un gouvernement travailliste annulerait-il le programme Trident [les sous-marins nucléaires] ? »

Corbyn, qui a déclaré son opposition personnelle au programme nucléaire Trident, a répondu de manière évasive en indiquant que le Parti travailliste entreprend actuellement un examen de la défense stratégique – bien que le parti ait réaffirmé son engagement à maintenir l’arsenal nucléaire en juillet dernier, lorsque 140 de ses députés ont voté en faveur du renouvellement contre 47 qui ont voté non et 41 abstentions ou absences.

Marr a soulevé que l’ancien chef de l’OTAN, le général Anders Fogh Rasmussen, avait décrit Corbyn comme une menace. [En septembre dernier, Rasmussen a déclaré que « le refus de Corbyn de préciser clairement que, en tant que premier ministre possible du Royaume-Uni, il ne serait pas sûr de défendre les alliés de l’OTAN », encouragerait le président russe Vladimir Poutine à « commettre une agression pour tester la détermination de l’OTAN. »]

Corbyn a répondu qu’il « voudrait travailler avec les dirigeants de l’OTAN dans l’établissement d’une relation efficace et judicieuse avec des pays non membres de l’OTAN tels que la Russie » afin de « réduire les tensions à travers le monde. Le président Trump semble se diriger dans le sens contraire. »

Marr ne pouvait dissimuler son hostilité, en déclarant : « Votre enthousiasme pour mettre les gens autour de la table et leur parler est bien connu. »

Il a alors exigé que Corbyn rende des comptes pour son opposition au déploiement de 800 soldats britanniques en Estonie à la frontière de la Russie ; et indique s’il dirait au président Trump que « nous ne participerons plus à des frappes aériennes en Syrie et en Irak » et s’il serait d’accord pour « éliminer » Abū Bakr al-Baghdadi, le chef de l' État islamique, par une frappe de drone.

La prestation de Marr aura conforté sa position dans les cercles dirigeants comme homme de main.

Il convient de noter que le contenu des quatre lettres aux commandants de sous-marins nucléaires britanniques est, par tradition, confidentiel. Seul le dirigeant travailliste James Callaghan a déjà indiqué son contenu. Et ils ne traitent que de la réponse du Royaume-Uni à une frappe nucléaire par une puissance hostile.

Mais cela ne doit plus être toléré. L’élite dirigeante britannique s’acharne à établir que le critère fondamental pour diriger le pays dépend de la volonté de lancer la troisième guerre mondiale et de mettre fin à toute vie sur terre.

Cela a déjà été souligné lorsque la première ministre Theresa May a été interrogée lors du débat parlementaire de juillet 2016 sur le renouvellement de Trident : « Êtes-vous prête à autoriser une frappe nucléaire qui pourrait tuer des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ? »

May a répondu avec fermeté, même avec enthousiasme, par un « Oui ».

La réaction des Tories (le Parti conservateur de droite) à l’interrogatoire de Corbyn par Marr fut de faire monter les enchères.

Le ministre de la Défense, Sir Michael Fallon, a non seulement dénoncé Corbyn pour avoir « mis en cause les frappes contre les terroristes », et « refusé de soutenir la dissuasion nucléaire » et « mis en question notre déploiement de l’Otan » en Estonie. Fallon a dit au programme Today de la BBC que : « Dans les circonstances les plus extrêmes, nous avons fait très clairement comprendre que vous ne pouvez pas exclure l’utilisation des armes nucléaires comme une première frappe ». [Italiques ajoutés]

De manière remarquable, Fallon a pris la peine de faire l’éloge des « braves députés parlementaires travaillistes » qui ont soutenu le renouvellement de Trident et qui ont « corrigé » Corbyn.

Il se référait à la réponse immédiate du Parti travailliste à l’entretien mené par Marr. En quelques heures, un porte-parole du parti a insisté sur le fait que : « La décision de renouveler Trident a été prise et le Parti travailliste l’appuie ». Le lundi matin, le président de la campagne électorale des travaillistes, Andrew Gwynne, a déclaré au programme Today de la BBC Radio 4, que le renouvellement de Trident figurerait « absolument » dans le manifeste du parti et ne faisait pas partie d’un examen de la défense. Il a conclu que « Jeremy sait que Trident est une politique du Parti travailliste. […] Jeremy a exposé son point de vue sur la défense et c’est absolument clair que nous nous sommes engagés à veiller à ce que la Grande-Bretagne soit bien défendue. »

Quelle que soit l’opinion de Corbyn en tant qu’individu, lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts prédateurs de l’impérialisme britannique par le militarisme et la guerre, il n’y a rien qui démarque les travaillistes des conservateurs, même si cela signifie appuyer sur le bouton nucléaire. Et Corbyn est incapable de mener une véritable lutte contre la guerre, car cela exigerait un appel à une insurrection de la classe ouvrière non seulement contre le gouvernement des Tories, mais contre son propre parti.

Les dangers que cela soulève pour la classe ouvrière sont graves.

La motivation derrière l’annonce par la Première ministre May des élections anticipées, est une tentative de l’élite dirigeante de fournir un vernis de légitimité démocratique à son programme de guerre commerciale et militaire en espérant élargir avec un peu de chance une majorité parlementaire aux dépens du Parti travailliste. C’est la seule explication de cette campagne furieuse contre Corbyn, en le traitant, lui et quiconque le soutient, comme une menace pour la sécurité nationale.

Cependant, la réalité est qu’il ne peut y avoir de mandat démocratique pour les politiques qui sont opposées aux intérêts sociaux de millions de travailleurs et qui se concentrent sur les plans d’une guerre possible en alliance avec les États-Unis – en Syrie, contre la Corée du Nord et même les puissances nucléaires de la Russie et la Chine.

Cet agenda nécessite une répression brutale de l’État, comme l’a souligné le groupe d’anciens chefs militaires qui se liguent contre Corbyn en renouvelant les demandes qu’il devrait être empêché d’arriver au pouvoir à tout prix.

L’ancien chef de l’Amirauté, Alan West, ancien ministre du Travail responsable de la sécurité et conseiller du Premier ministre Gordon Brown, a averti de façon inquiétante que les opinions de Corbyn conduiraient les gens des forces armées à demander : « Est-ce que ce gars nous appuie pleinement dans l’armée ? »

L’ancien commandant britannique en Afghanistan, le colonel Richard Kemp, a déclaré : « Littéralement, si Jeremy Corbyn, en tant que premier ministre, devait promulguer les politiques qu’il décrit, il aurait du sang sur ses mains. Ces commentaires montrent pourquoi il ne doit jamais être élu pour diriger ce pays. »

L’ancien chef de l’état-major de l’armée, le lord général Richards, a déclaré : « Jeremy Corbyn, contrairement à beaucoup de ses prédécesseurs distingués au Parti travailliste de Clément Attlee en passant par Denis Healey et au-delà, a démontré pourquoi il ne fallait pas lui confier la responsabilité ultime du gouvernement – celle de la défense et de la sécurité de la nation. »

(Article para en anglais le 25 avril 2017)

 

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