Perspectives

Washington pousse le monde au bord de la guerre nucléaire

Les déclarations répétées du vice-président américain Mike Pence et d’autres responsables de l’administration Trump lundi selon lesquelles « l’ère de la patience stratégique » avec la Corée du Nord est terminée et que « toutes les options sont sur la table » ont mis en évidence la menace croissante d’une guerre provoquée par Washington sur la péninsule coréenne impliquant l’utilisation d’armes nucléaires et la mort de millions de personnes.

« Rien que dans les deux semaines passées, le monde a été témoin de la force et de la volonté de notre nouveau président dans les actions menées en Syrie et en Afghanistan », a déclaré Pence lors d’une visite provocatrice en Corée du Sud qui l’a amené dans la zone démilitarisée (DMZ) à la frontière nord coréenne. « La Corée du Nord ferait bien de ne pas mettre à l’épreuve sa détermination ou la force des forces armées des États-Unis dans cette région », a déclaré Pence.

Cette vantardise sur des actes téméraires d’agression militaire, à savoir l’attaque de missile de croisière contre la Syrie le 7 août et, une semaine plus tard, l’utilisation en Afghanistan de la bombe à effet de souffle d’artillerie lourde (MOAB), l’arme la plus destructrice employée n’importe où depuis l’incinération d’Hiroshima et de Nagasaki par les États-Unis, ne peut être appréciée par le gouvernement de la Corée du Nord comme rien d’autre qu’un ultimatum pour la faire succomber aux exigences des États-Unis ou s’attendre à être la cible d’une violence beaucoup plus grande.

Les moyens d’infliger une telle violence se concrétisent avec la formation opérationnelle de la marine des États-Unis dirigée par le porte-avions nucléaire USS Carl Vinson qui devait prendre position au large de la péninsule coréenne. Les implications mondiales de cette démonstration de force ont été soulignées lundi avec les informations que la Russie et la Chine ont expédié des navires espions pour traquer le groupement tactique du Carl Vinson. Pour ces deux pays dotés d’armes nucléaires, le lancement par Washington d’une guerre contre la Corée du Nord pose une menace existentielle.

La marche vers une confrontation militaire en Asie qui pourrait mener à une troisième guerre mondiale nucléaire s’est déroulée largement dans le dos du peuple américain et du monde entier. Ni les politiciens des deux partis du grand patronat aux États-Unis, ni les médias sous leur contrôle, n’ont fait la moindre allusion adressée au public des conséquences terribles d’un échange nucléaire même « limité » sur la péninsule coréenne, ni la probabilité qu’une telle catastrophe entraînerait toutes les grandes puissances nucléaires dans une conflagration mondiale.

La témérité du chemin sur lequel Washington s’engage est étonnante. Pourquoi « l’ère de la patience stratégique » a pris fin ? Ce n’est pas expliqué. Les conclusions tirées de cette déclaration ne sont pas plus remises en question. Il existe un grand nombre d’États qui ont maintenant des armes nucléaires. L’obtention de ces armes par la Corée du Nord ne représente pas une menace crédible pour les États-Unis.

« Toutes les options sont sur la table » ne peut que signifier que Washington est prêt à lancer une première attaque non provoquée contre la Corée du Nord. Pourtant, dans les médias, il n’y a guère mention qu’un tel cours implique la menace d’une guerre nucléaire. Il n’y a pas non plus la moindre suggestion selon laquelle le Congrès des États-Unis devrait se réunir pour voter sur l’autorisation d’une attaque qui pourrait entraîner la perte de millions de vies. Il est considéré comme acquis que Donald Trump n’a besoin d’informer personne sur l’action militaire qu’il prendra avant que l’attaque ait lieu. Le seul indice que Trump a donné quant à ses intentions a été lors d’un événement lundi lors d’une chasse aux œufs de pâques sur la pelouse de la Maison-Blanche, où il a déclaré que la Corée du Nord « doit être sage ».

Le caractère réel de la politique poursuivie par Washington a été indiqué par John Bolton, l’ambassadeur de l’administration Bush aux Nations Unies, qui a déclaré à Fox News que « la façon de mettre fin au programme d’armes nucléaires de la Corée du Nord est de mettre fin à la Corée du Nord », c’est-à-dire de renverser le gouvernement et d’écraser militairement le pays.

Le danger réel et croissant posé par la politique imprudente de Washington commence à être enregistré, ne serait-ce que sous la forme la plus douce.

Le New York Times, qui avait déjà célébré le tournant de l’administration de Trump vers le militarisme intensifié contre la Syrie et la Russie, proclamant son sentiment de « satisfaction émotionnelle et de la justice faite » concernant la frappe des missiles de croisière du 7 avril, est devenu quelque peu nerveux face au risque que la situation dérape.

Le journal, qui fonctionne de plus en plus comme l’organe interne de la CIA, a exprimé son inquiétude lundi que « les discussions intempestives de Trump augmentent les tensions régionales, perturbent les alliés et renforcent probablement la crainte de longue date de la Corée du Nord selon laquelle elle pourrait être attaquée un jour par l’Amérique – la raison même pour laquelle la Corée du Nord a investi dans un arsenal nucléaire en premier lieu. » Il a averti que les menaces belliqueuses du président américain ont servi à « se faire acculer dans une confrontation quelconque » et ont ouvert la voie à une « erreur de calcul dévastatrice. »

Gideon Rachman, le chroniqueur responsable des affaires étrangères du Financial Times, a écrit dans un article publié lundi que si le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un « conclut que les États-Unis est en effet prêt à attaquer son régime, il sera tenté d’attaquer le premier. L’incitation à agir rapidement aura été intensifiée par des histoires dans les médias selon lesquelles les plans de guerre des États-Unis impliquent une tentative anticipée de tuer les dirigeants nord-coréens. » En fait, la même unité des opérations spéciales des États-Unis responsable de l’assassinat de Oussama ben Laden a été signalée en Corée du Sud en train de mener des exercices.

Alors que l’intimidation et les menaces de Trump pourraient produire une capitulation par Pyongyang, Rachman poursuit : « […] Il est plus probable que la Corée du Nord ne reculera pas – et que la stratégie Trump échouera donc. Dans ce cas, le président américain est confronté à un dilemme. Est-ce que « l’armada très puissante » de M. Trump s’éloigne de la péninsule coréenne avec sa mission inachevée ? »

C’est une question rhétorique. Ni Trump ni la cabale de généraux de service actif ou retraités qui fixent sa politique étrangère ne sont enclins à faire marche arrière devant la guerre sans avoir atteint les objectifs qui correspondent à une telle guerre, à savoir la capitulation complète et le désarmement de la Corée du Nord.

Après 25 ans de guerre continue contre des pays opprimés, en grande partie désarmés, et en tuant des millions de gens, tout en subissant des conséquences relativement négligeables, l’impérialisme américain est maintenant entraîné par sa propre crise interne et ses contradictions vers un niveau de confrontation militaire complètement différent.

De plus en plus, la situation ressemble à celle qui prévalait à la fin des années 1930 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Si Adolf Hitler avait possédé un compte Twitter, il est difficile d’imaginer qu’il l’aurait utilisé différemment de la façon dont le président américain utilise le sien.

« Notre armée monte en force et devient rapidement plus forte que jamais. Franchement, nous n’avons pas le choix ! » a tweeté Trump dimanche.

Trois jours plus tôt : « J’ai une grande confiance dans la Chine pour s’occuper correctement de la Corée du Nord. S’ils ne peuvent pas le faire, les États-Unis, avec leurs alliés, le feront ! ÉTATS-UNIS. »

La rhétorique de Trump se fait l’écho de celle employée par Hitler dans la période précédant l’invasion allemande de la Tchécoslovaquie et la Pologne. Le chef nazi proclama sur le « problème » tchécoslovaque qu’il « doit être résolu ». Ensuite, ce fut le « problème » polonais qui « doit être résolu. » Il a délibérément créé les crises comme prétextes aux actions militaires.

Trump emploie une rhétorique similaire, décrivant une nation entière, la Corée du Nord, en tant que « problème », puis vient l’avertissement menaçant que « cela sera résolu ». Pourquoi ce problème est tellement urgent maintenant ? Personne ne l’explique et, en ce qui concerne les médias, pratiquement personne ne pose la question.

Que pourrait faire Pyongyang pour satisfaire Washington ? Il faudrait renoncer à son programme nucléaire et s’ouvrir à un régime d’inspection, en suivant la même route parcourue par Saddam Hussein en Irak et Mouammar Kadhafi en Libye, se terminant par la destruction de leurs nations et leurs propres morts violentes.

L’hypothèse selon laquelle la Chine peut être contrainte d’imposer le diktat de Washington par rapport à la Corée du Nord est sans fondement. La Chine a dû entrer en guerre en 1950 lorsque les troupes américaines ont atteint la rivière Yalu, sacrifiant des centaines de milliers d’hommes pour repousser l’armée américaine. Maintenant, Washington veut que la Chine intervienne pour donner aux États-Unis et à la Corée du Sud ce qu’ils n’ont pu obtenir il y a un demi-siècle par la guerre. Si Pékin devait accéder à ces demandes, cela aurait d’énormes implications stratégiques pour la Chine et des conséquences politiques internes importantes.

Il existe déjà des indications selon lesquelles les tensions entre Pékin et Washington s’intensifient dans la péninsule coréenne après l’annonce par Séoul selon qu’il a l’intention de progresser rapidement avec l’installation du système de missiles anti-balistiques américain (THAAD) qui sert de défense contre les missiles nord-coréens selon les États-Unis, mais que la Chine reconnaît comme un moyen d’assurer aux États-Unis une capacité de lancer une attaque nucléaire le premier sans craindre de riposte.

Par deux fois au 20 siècle, la crise du capitalisme mondial a poussé les chefs d’État capitalistes et leurs chefs d’état-major à chercher une issue à la crise par la guerre, entraînant la mort de dizaines de millions de personnes. Aujourd’hui, des pressions semblables déclenchent la marche vers une confrontation nucléaire qui pourrait entraîner la destruction de la vie sur la planète.

Tout ce qui est fait par le gouvernement des États-Unis implique des niveaux étonnants de risque, y compris celui d’une guerre nucléaire. Que cela se produise dans la confrontation immédiate avec la Corée du Nord ne peut pas être prédit, mais que cela soit le cours que Washington est prêt à poursuivre dans le monde entier est indéniable.

Personne ne peut se permettre l’illusion que les gouvernements capitalistes d’aujourd’hui, contrairement à ceux de 1914 et 1939, ne risqueront pas la guerre en raison de la menace de l’anéantissement nucléaire. Au contraire, ils sont beaucoup plus téméraires que leurs prédécesseurs. Confrontés à l’aggravation des crises économiques et sociales pour lesquelles ils n’ont pas de solution progressiste, ils sont encore plus susceptibles d’entraîner l’humanité au bord de la destruction.

La crise actuelle se caractérise par un terrible gouffre entre l’ampleur du danger de la guerre et l’absence de tout mouvement organisé contre celle-ci. Il n’y a aucun moyen d’arrêter la marche vers la guerre en dehors de l’intervention politiquement consciente de la classe ouvrière aux États-Unis et sur le plan international.

Le Parti de l’égalité socialiste et le Comité international de la Quatrième Internationale (ICFI) se battent pour un nouveau mouvement international anti-guerre, anti-impérialiste et anticapitaliste de la classe ouvrière basé sur les politiques socialistes. La lutte pour le développement de ce mouvement comprend l’organisation de manifestations contre la guerre sur les lieux de travail, dans les universités et les quartiers ouvriers.

Le CIQI tiendra le 30 avril son rassemblement annuel en ligne pour la Journée internationale des travailleurs (lire : Journée internationale en ligne du 1ᵉʳ mai), qui aura comme objectif central son combat pour mobiliser la classe ouvrière contre la guerre impérialiste. Nous appelons tous nos lecteurs et partisans à participer et à construire ce rassemblement parmi les couches les plus larges possibles de travailleurs et de jeunes.

(Article paru en anglais le 18 avril 2017)

 

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