Des inondations au Québec et en Ontario forcent l'évacuation de milliers de personnes

Plus de 3000 personnes ont été évacuées de leur maison cette semaine suite à d'importantes inondations qui ont touché plus de 170 municipalités, principalement au Québec, mais aussi en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Plus de 4000 maisons ont été inondées à travers le Québec, de la frontière ontarienne jusqu'à la péninsule de Gaspé.

Dix villes ont déclaré l'état d'urgence, incluant Montréal, et l'ont prolongé pendant cinq jours dans les quartiers les plus touchés tout en gardant plusieurs écoles, rues et ponts fermés. Même si les autorités ont dit que la situation s'était stabilisée dans les lacs et les affluents du fleuve St-Laurent, les niveaux d'eau demeurent extrêmement élevés et l'étendue des dommages ne pourra être évaluée qu'après que les eaux se seront complètement retirées. Les responsables du gouvernement ont admis que cela prendrait des semaines, sinon des mois avant que les gens touchés par les inondations puissent retrouver une vie normale. 

Une frégate navale a été envoyée au port de Trois-Rivières afin d'aider à la construction de digues contre les inondations. De fortes pluies sont prévues dans les prochains jours.

Les inondations ont causé au moins un mort, celle de Mike Gagnon, un homme de 37 ans originaire de la région de Gaspé dont la voiture a été emportée dans l'eau par un fort courant lundi. Une fillette de deux ans qui se trouvait également dans la voiture manque toujours à l’appel. 

Les météorologues et les experts s'entendent tous pour dire que les dernières inondations sont la conséquence de quantité de pluies anormales, de la fonte des neiges et du réchauffement climatique. Habituellement, au mois d'avril, les quantités de pluie tournent autour de 80 millimètres, mais cette année, il en est tombé deux fois plus. Seulement la première semaine de mai, il est tombé toute la quantité de pluie qui tombe normalement pendant tout le mois. Cela se rajoute à la neige qui est tombée pendant les tempêtes du mois de mars qui ont frappé l'Est ontarien et l'Ouest québécois et qui a fondu. 

Professeure et climatologue à l'Université Concordia à Montréal, Jeannine St-Jacques a expliqué qu'avec les changements climatiques, nous allons voir, non seulement au Canada, mais partout dans le monde, de plus en plus de ce genre de phénomènes. «Nous avons ce que nous appelons des inondations aux 100 ans et aux 1000 ans», a dit St-Jacques. «C'est le genre d'inondations que l'on prévoit aux 100 ans. Dans plusieurs endroits du monde, nous dépassons nos inondations aux 100 ans, aux 1000 ans, aux 2000 ans. Au fur et à mesure que les choses deviennent plus extrêmes, nous allons en voir plus.» 

Les inondations au Québec ont mis à nu le gouffre qui existe entre le courage et la générosité des gens ordinaires et l'indifférence et l'hypocrisie totales de la classe dirigeante. Le gouvernement fédéral a déployé environ 2250 membres des Forces armées canadiennes pour venir en renfort aux premiers répondants, mais les résidents inondés sont largement abandonnés, forcés de compter sur eux-mêmes, leurs voisins, des bénévoles et la Croix-Rouge. 

Le gouvernement provincial a annoncé qu'il allait donner 500.000 $ à un fonds d'urgence, tandis que la Ville de Montréal va donner 250.000 $ et la Ville de Laval 50.000 $. C'est une goutte d'eau dans l'océan si on considère l'ampleur des dommages. 

Cela se rajoute au fait que plusieurs personnes inondées, qui sont touchées tant économiquement que psychologiquement, puissent perdre leur maison ou leurs biens. Les experts en assurance ont expliqué que la plupart des personnes (90 pour cent) ne sont pas couvertes pour les inondations au Québec. Après les inondations de 2013 à Toronto et en Alberta, les compagnies d'assurance ont créé un nouveau produit d'assurance en lien avec les inondations, qu'ils voient comme une nouvelle source de profits. Les personnes doivent acheter le produit séparément, mais ne sont apparemment pas souvent informées de son existence. 

Les médias ont publié des entrevues avec des gens touchés par des inondations qui ont fortement critiqué l'aide insuffisante fournie par les gouvernements provinciaux ainsi que municipaux et fédéraux. Même si des niveaux anormalement élevés d'eau ont été observés pendant des semaines dans certaines régions, le gouvernement fédéral est intervenu seulement lorsque la situation est devenue hors de contrôle et que des centaines de maisons étaient déjà inondées. 

Des résidents de l'ouest de l'île de Montréal ont expliqué qu'ils ont demandé des sacs de sable pendant des semaines pour protéger leur maison de la montée des eaux, mais qu'ils les ont reçus trop tard. Ceux qui ont reçu des sacs de sable ont dû les remplir eux-mêmes. 

CBC a fait un reportage sur Raymond Stelmashuk, qui a dû remplir 600 sacs de sable pendant une semaine de nuits blanches pour sauver la maison de sa grand-mère de 93 ans, mais sans succès. «Il n'y a pas un employé de la ville par ici, personne. Ils vont et viennent, mais ils n'aident personne», a-t-il dit. Il a ajouté: «cela ne devrait pas arriver et la ville devrait être mieux organisée». 

Le premier ministre québécois Philippe Couillard et son homologue fédéral, Justin Trudeau, ont fait leurs visites officielles dans les zones inondées et ont aidé à remplir des sacs de sable devant les caméras. Comme toujours, de tels gestes hypocrites ne servent qu'à couvrir le fait que l'étendue de la catastrophe est en grande partie due aux politiques gouvernementales. 

La professeure St-Jacques a déclaré que les coupes budgétaires étaient une cause importante de l'étendue des dommages. «Au début des années 2000, une bonne partie de la gestion des bassins a été déléguée aux municipalités, et les municipalités n'ont tout simplement pas l'expertise – elles ne sont pas organisées pour y faire face», a-t-elle expliqué. 

Cela est arrivé en même temps que les énormes coupes budgétaires et baisses d'impôts réalisées par le gouvernement libéral de Chrétien-Martin et le gouvernement provincial du Parti Québécois de Lucien Bouchard dans les années 1990. Ces coupes, qui étaient une réponse aux demandes croissantes de la grande entreprise pour une redistribution massive de la richesse du bas vers le haut, ont créé une crise profonde dans la santé publique et ont aussi touché les transports, les soins de santé et les infrastructures. 

Cela n'a pas eu que des conséquences au Québec. L'année dernière, les résidents de Fort McMurray en Alberta ont été largement laissés à eux-mêmes lors d'un feu de brousse qui a ravagé leur ville. Le désastre, qui était entièrement prévisible en raison des conséquences des changements climatiques, a été exacerbé par les préparations et les réponses inadéquates et désorganisées du gouvernement fédéral libéral et du gouvernement néo-démocrate de la province.

Même si les médias ont donné une large couverture à la catastrophe de Fort McMurray, comme ils le font pour les inondations au Québec et en Ontario, cela va vite retomber. Les promesses vides des politiciens ne vont jamais se matérialiser et les gouvernements vont continuer leur programme de coupes dans les dépenses sociales pour financer les guerres à l'étranger et l'enrichissement de la classe dirigeante au pays. 

L'étendue des dommages causés par les inondations et l'inaction des gouvernements à tous les niveaux ont, une fois plus, exposé la faillite du capitalisme, un système basé sur les profits privés et la domination d'une mince couche de super riches sur tous les aspects de la vie sociale. 

Même si les fortes pluies ont des causes naturelles, la catastrophe au Québec, qui était entièrement prévisible, aurait pu être empêchée et des centaines de personnes auraient encore leur maison aujourd'hui. 

Ce qui est immédiatement nécessaire au Québec, en Ontario et dans les autres régions inondées à travers le pays est des milliards de dollars et la mobilisation de toutes les ressources disponibles pour aider les gens dans les zones touchées par les inondations dans le cadre d'un programme massif d'investissement dans les infrastructures.

Mais de tels efforts sont incompatibles avec le système de profit capitaliste qui cherche à tous les niveaux à sabrer les dépenses publiques pour les services sociaux afin de faire augmenter les profits des entreprises et de l'élite financière. Une réponse planifiée aux inondations en Ontario et au Québec, et à d'autres désastres naturels à travers le monde, est concevable seulement dans le cadre d'un programme socialiste qui place les besoins sociaux de la vaste majorité au-dessus des intérêts de profits des super riches.

(Article paru en anglais le 12 mai 2017)

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