Québec solidaire prépare une alliance avec le Parti québécois à son congrès

Deux questions étroitement reliées seront au cœur du 12ème congrès de Québec solidaire (QS) du 19 au 22 mai prochains: une alliance électorale avec le parti de la grande entreprise qu’est le Parti québécois (PQ) et une fusion avec Option nationale, petit parti nationaliste de droite lui-même issu d’une scission d’avec le PQ.

QS est divisé sur la première question, mais ce sont des désaccords purement tactiques. Toutes les factions en présence embrassent le nationalisme et le séparatisme québécois. Les divergences portent uniquement sur la manière d’en faire la promotion et plus précisément sur la nature des liens à entretenir avec les autres membres de la grande «famille» des indépendantistes québécois, en particulier son membre le plus en vue, le PQ.

Le nationalisme québécois qui anime QS en son ensemble reflète les intérêts de la section de la classe dirigeante qui réclame plus d’autonomie pour l’État capitaliste du Québec – pouvant aller jusqu’à la séparation d’avec l’État fédéral canadien – afin de promouvoir ses intérêts géostratégiques, diviser les travailleurs du Québec de leurs frères et sœurs de classe du Canada, et faciliter ainsi un assaut renouvelé contre les emplois, les services publics et les droits démocratiques.

Principal étendard du séparatisme québécois depuis un demi-siècle, le PQ est aujourd’hui largement discrédité aux yeux des travailleurs et des jeunes. Ce n’est pas seulement le résultat des coupes sociales dévastatrices qu’il a menées chaque fois qu’il a formé le gouvernement du Québec, mais aussi de son tournant vers un virulent chauvinisme québécois, basé sur des appels anti-immigrants, dirigés en particulier contre la communauté musulmane. C’est associé à un soutien total aux interventions militaires du Canada en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et, plus largement, à la politique plus agressive de l’impérialisme canadien dans le monde.

Le rôle essentiel de QS, depuis sa formation en 2006, est de ranimer le programme discrédité de l’indépendance, à savoir la formation d’une république capitaliste du Québec. C’est ce qui explique son orientation de longue date vers le PQ – y compris des offres répétées d’alliance électorale – et pourquoi la question des rapports avec le PQ occupera de nouveau une place centrale à son congrès de la semaine prochaine.

La différence, cette fois-ci, est que la crise de l’ordre capitaliste – au Canada comme partout dans le monde – a atteint un niveau sans précédent d’intensité.

Au Québec, le gouvernement libéral de Philippe Couillard est largement détesté parmi les travailleurs à cause de son assaut tous azimuts sur les services publics et les conditions de travail. Mais le PQ, autre parti de gouvernement de la classe dirigeante, est tout aussi discrédité pour avoir imposé l’austérité capitaliste avec autant, sinon plus, de férocité. Son principal soutien politique parmi les travailleurs depuis des décennies, la bureaucratie syndicale, est de plus en plus démasqué comme une force nationaliste pro-capitaliste qui impose les fermetures d’usines, les coupures d’emplois, les réductions de salaires et les autres «sacrifices» exigés par la classe dirigeante. Dans un tel contexte, le PQ dépend de plus en plus sur QS pour lui donner une couverture «de gauche» en le faisant passer pour un «moindre mal» que les libéraux, voire une force «progressiste».

C’est la position qui est défendue explicitement par la haute direction de QS. Dans une des trois résolutions présentées au congrès sur la question des liens avec le PQ, celle intitulée «Option B», les dirigeants de QS insistent qu’il faut «battre le gouvernement libéral ainsi que ses politiques néfastes pour le Québec» et que «la nécessité politique du moment … impose la décision d’ouvrir des négociations avec le Parti québécois dans le but de négocier un pacte électoral».

Les dirigeants de QS poursuivent en déplorant que «malgré nos appels répétés», «la grande majorité de l’électoral opposé au PLQ ne peut se convaincre ... qu’on peut assimiler le PLQ au PQ» et croit encore que le PQ «demeure un parti foncièrement social-démocrate qui représente une alternative valable au désastre libéral».

Ces précautions verbales ne devraient tromper personne: la direction de QS s’engage ici à renforcer et à diffuser le mensonge que le PQ – véritable champion de l’austérité capitaliste – serait une alternative «progressiste» aux libéraux. Cela ressort clairement des propositions finales avancées dans l’Option B, y compris l’objectif fixé d’une «défaite du gouvernement du PLQ et l’élection d’un gouvernement qui marque une rupture avec les politiques d’austérité néolibérales», c’est-à-dire un gouvernement péquiste soutenu par QS.

Une autre faction de QS – animée par l’aile «gauche» y compris les pseudo-trotskystes et avec comme porte-parole le dirigeant de longue date de Gauche Socialiste, André Frappier – s’oppose à cette proposition pour des raisons tactiques. «Ces manœuvres pourraient mener à discréditer QS pour une assez longue période», déplore cette faction dans sa propre résolution au congrès, dénommée «Option A».

Ce document se permet une certaine critique du PQ. Il l’accuse de s’être «confronté aux revendications du mouvement syndical et populaire en appliquant la logique d’austérité imposée par la classe dirigeante», d’avoir «débuté la déstructuration du secteur public sous Lucien Bouchard» et d’avoir «adopté durant les 18 mois du gouvernement Marois une politique d’austérité similaire, sinon pire, à celle des libéraux».

Les rédacteurs de l’Option A reconnaissent verbalement un fait qui devient chaque jour plus évident aux yeux d’un nombre grandissant de travailleurs et de jeunes – que le PQ est un parti bourgeois entièrement voué à l’austérité capitaliste. Mais c’est seulement dans le but de préserver le programme politique auquel est historiquement associé le PQ: l’érection d’une république capitaliste du Québec en tant que nouvel État impérialiste en Amérique du Nord.

L’appel à la formation d’un «bloc populaire» avancé dans l’ «Option A» vise à masquer les divisions de classe afin de mieux soumettre politiquement les travailleurs à la classe capitaliste dirigeante. C’est démontré par le programme assigné à un tel bloc, à savoir «un programme anti-austéritaire, anti-libre échange» dans le cadre d’une «démarche d’accession à l’indépendance».

Le modèle envisagé par les éléments de la pseudo-gauche à l’origine de ce document – des éléments qui se se sont dissous au sein de QS et y jouent depuis le rôle d’une opposition loyale – est celui de Syriza en Grèce. Porté au pouvoir sur la base d’un engagement à mettre fin aux féroces mesures d’austérité capitaliste, Syriza a vite mis au rancart son «programme anti-austéritaire». Rejetant tout appel aux travailleurs du continent pour une lutte commune contre le capitalisme européen, il a plutôt imposé la pauvreté de masse et une véritable chasse aux réfugiés.

Une «Option C» sera également présentée au congrès de QS, et elle consiste à reporter la décision sur l’alliance électorale avec le PQ à une date ultérieure – en l’occurrence un conseil national de QS prévu en novembre prochain. Cette option a été immédiatement critiquée par le chef du PQ, Jean-François Lisée, qui exige de QS qu’il s’engage dès son congrès de mai à appuyer politiquement le PQ. Mais elle pourrait quand même rallier un vote substantiel lors du congrès comme un compromis temporaire dans la lutte de factions sans principes qui divise QS.

Une question propre à rassembler les factions a été également mise à l’ordre du jour, celle d’une éventuelle fusion avec Option nationale, issue d’une scission d’avec le Parti québécois menée par le banquier d’affaires Jean-Martin Aussant.

Son mentor politique était nul autre que Jacques Parizeau, qui était vu jusqu’à sa mort en 2015 comme le chef de file des «purs et durs» au sein du PQ. En tant que premier ministre péquiste, Parizeau a organisé le référendum de 1995 sur la séparation du Québec. C’est à l’occasion de ce référendum qu’une coalition dite «arc-en-ciel» a été mise en place pour rallier les centrales syndicales, les groupes communautaires et divers éléments de la pseudo-gauche (y compris les futurs fondateurs de Québec solidaire) derrière le PQ sous la bannière de l’indépendance du Québec.

Les préparatifs de QS pour une fusion avec Option nationale s’inscrivent dans cette même perspective de subordination politique des travailleurs à la faction indépendantiste de la classe dirigeante québécoise. Et ils servent de pont vers une alliance avec le PQ dont la forme exacte fera l’objet des débats au congrès de la semaine prochaine.

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