Le gouvernement tchèque démissionne face à une crise politique intense

Première partie

Le Premier ministre tchèque, Bohuslav Sobotka, a annoncé la démission de son gouvernement six mois avant les élections législatives prévues. L’annonce surprise vise à empêcher un effondrement complet du Parti social-démocrate, largement méprisé pour ses politiques anti-ouvrières.

Le président Milos Zeman a la liberté de décider comment procéder. La constitution ne fixe pas le délai d’acceptation de la demande de démission. Zeman peut charger Sobotka de continuer ses activités officielles jusqu’à la date prévue des élections les 20 et 21 octobre ou organiser une élection anticipée, ou nommer un autre gouvernement.

Il y a des spéculations que Zeman pourrait nommer le ministre des finances, Andrej Babis, comme nouveau Premier ministre. Pour sa part, Sobotka a déclaré qu’il ne continuera à diriger l’ancien gouvernement de coalition que si Babis est retiré de son poste ministériel.

La corruption et les accusations d’évasion fiscale contre Babis ont déclenché la crise actuelle du gouvernement. Les autorités anti-fraude de l’UE l’accusent d’avoir empoché 160 millions d’euros de financements entre 2004 et 2013 pour son réseau d’entreprises. En outre, il aurait utilisé une niche fiscale à la fin de 2012 pour économiser des millions, peu de temps avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi.

Babis s’est emparé du ministère des finances dans le gouvernement formé en janvier 2014. En plus des sociaux-démocrates (CSSD) du Premier ministre Sobotka et d’ANO, la coalition comprenait également les démocrates-chrétiens (KDU-CSL). La relation entre les sociaux-démocrates et l’ANO est restée tendue. Bien qu’il soit un membre du gouvernement, Babis a continué à se considérer comme l’ennemi de tous les autres politiciens dont il a déclaré qu’ils« n’ont jamais appris quelque chose de décent afin de construire une carrière ». Son slogan était : « Nous ne sommes pas des politiciens, mais nous travaillons dur ».

Les sociaux-démocrates ont répliqué en accusant Babis de combiner ses intérêts commerciaux et politiques. À la fin de l’année dernière, le Parlement a adopté une loi contre les conflits d’intérêts de la part des politiciens, une mesure qui vise explicitement Babis. Celui-ci a ensuite remis ses sociétés à un fonds fiduciaire où sa femme siège au comité directeur.

Alors que l’ANO a monté dans les sondages, les sociaux-démocrates se sont affaissés. Avec environ 28 pour cent, l’ANO est actuellement le parti le plus fort et pourrait nommer le prochain chef du gouvernement, tandis que les sociaux-démocrates oscillent autour de 17 pour cent. Les prévisions pour la date des élections régulières en octobre prévoient 10 pour cent pour le parti de Sobotka, c’est même moins que le niveau de soutien estimé pour le Parti communiste (KSCM).

L’ANO a gagné les élections régionales tenues l’année dernière. La CSSD a perdu sept des neuf régions qu’elle avait gagnées en 2012 alors que le Parti communiste a subi des pertes encore plus massives.

L’influence décroissante des sociaux-démocrates se reflète également dans la baisse drastique des adhésions. Au début d’avril, Pravo a signalé qu’en seulement deux mois, plus de 800 membres avaient quitté le parti et cette tendance se poursuit. Le KSCM, le plus grand parti du pays, se rétrécit considérablement. Le parti qui a succédé à l’ancien parti d’État stalinien avait environ 50 000 membres il y a quatre ans. Maintenant, il en a moins de 40 000.

Avec la démission de l’ensemble du gouvernement, Sobotka tente d’arrêter le déclin des sociaux-démocrates. Il a refusé de renvoyer Babis, déclarant qu’il ne voulait pas faire de lui un martyr.

La coalition gouvernementale avait convenu d’un programme néolibéral de droite en 2014, axé sur l’austérité et le réarmement rigoureux tant au pays qu’à l’étranger. Ce programme a été mis en pratique.

À la mi-avril, en plus des forces de police ordinaires, le gouvernement a déployé 500 policiers armés de mitrailleuses dans les zones piétonnières, les aéroports et les gares ferroviaires. Le prétexte était une « menace terroriste » obscure. Le ministre de l’Intérieur, Milan Chovanec, l’appelait « une mesure préventive ». Selon les sociaux-démocrates, il n’y a pas d’indication concrète d’une menace, mais, si nécessaire, on pourrait déployer jusqu’à 600 soldats, a-t-il annoncé.

Le gouvernement tchèque rejette le système de quotas de l’UE pour la distribution de réfugiés à travers le continent et a accueilli seulement 71 demandeurs d’asile de manière permanente l’année dernière. Néanmoins, Sobotka a blâmé les réfugiés pour l’alerte terroriste.

Sobotka a également demandé à maintes reprises une alliance militaire européenne contre : « l’afflux de migrants » et « l’agression russe ». Le ministre de la Défense Martin Stropnický (ANO) prévoit d’augmenter le budget de son département jusqu’à 1,4 pour cent du produit intérieur brut d’ici 2020 et à 2 pour cent d’ici 2025. Le gouvernement prévoit d’engager 5000 nouvelles recrues dans l’armée, et de la réorganiser massivement. En plus de l’achat de drones de reconnaissance et de combat, des négociations ont lieu pour l’acquisition de 12 hélicoptères militaires. Le gouvernement envisage d’investir un minimum de 1,5 milliard de couronnes tchèques (CZK) dans la modernisation des équipements de combat.

Mardi, Stropnický a confirmé les projets d’augmenter les dépenses en armements après des négociations avec le secrétaire américain à la Défense, Mattis. Le président américain Donald Trump a demandé à maintes reprises que les membres de l’OTAN augmentent leur budget de la défense à 2 % du PIB dès que possible. Le coût du réarmement doit être payé par la population sous forme de nouvelles coupes dans les protections sociales.

Ces dernières années, il y a eu des grèves et des manifestations. En avril, les conducteurs des lignes régionales de bus demandant des augmentations de salaire ont rejoint les grèves. Les grévistes ont trouvé un large soutien dans les couches de la population qui vivent dans des conditions similaires.

Le salaire minimum dans ce secteur est actuellement de 98 couronnes (3,62 €) pour une heure de conduite et 88 couronnes (3,25 €) pour les pauses entre voyages, plus des indemnités supplémentaires d’environ 6 couronnes (22 centimes). Les conducteurs de bus ont exigé 130 couronnes (4,80 €) et de meilleures conditions de travail. Selon le syndicat tchèque du transport, certains chauffeurs d’autobus travaillent plus de 300 heures par mois.

Sobotka et son gouvernement ont fermement condamné la grève des chauffeurs de bus. Sobotka a déclaré qu’elle était « superflue », et le milliardaire Babis a déclaré qu’il n’y avait pas de fonds disponibles pour les conducteurs. Pavel B&;lobrádek, le chef des démocrates-chrétiens, a déclaré que le gouvernement ne céderait pas à la demande que le salaire minimum soit augmenté à 460 € par mois.

(Article paru d’abord en anglais le 9 mai 2017)

 

 

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