LR menacés de scission sur fond d'éclatement de la classe politique française

La crise des deux partis bourgeois qui ont gouverné la France depuis un demi siècle, le PS (Parti socialiste) et LR (Les Républicains, à droite), s'intensifie de jour en jour, soulignant l‘effondrement du système bipartite chargé jusque-là d‘organiser les affaires de la bourgeoisie en France. Chaque jour apporte son lot de défections et de heurts publics entre gens qui disaient la même chose il y a quelques semaines encore.

LR, qui après les législatives disait vouloir être le « principal parti d‘opposition » à LRM (le parti gouvernemental La République en marche), semble littéralement se désintégrer. Après la crise ouverte de la candidature Fillon et l’élimination de celui-ci au premier tour de la présidentielle, du jamais vu dans la Ve République, les politiciens LR devenus ministres (toujours nominalement membres de LR) sont passés au parti du président. A présent, ce sont deux tiers des députés de ce parti qui se sont abstenus de voter contre le gouvernement d’Edouard Philippe début juillet.

Au parlement s‘est constitué à partir de LR un groupe distinct de 23 députés dits « constructifs » qui veulent collaborer avec le gouvernement Macron. Fin juin, un autre ex-ministre LR, président de la région Hauts-de-Seine, s‘est distancé de son parti, en disant au Journal du Dimanche: « Il n‘y a plus grand chose en commun entre nous, nous continuons à vivre ensemble mais ça fait bien longtemps qu‘on ne s‘aime plus et on n‘a peut être plus grand chose à faire ensemble ».

Ces derniers jours, une des dirigeantes en vue de LR, ancienne ministre de Nicolas Sarkozy et présidente du Conseil régional d’Île de France, Valérie Pécresse a constitué son propre groupe, « Libres! ».

« Il n’y a pas de leadership, il y a une crise politique, il y a une crise financière, une crise idéologique » disait le secrétaire général du parti, Bernard Accoyer, à l‘occasion du premier des « Ateliers de la refondation » organisé par LR pour discuter sa crise.

Il faut remarquer que tous ceux qui attaquent l‘actuelle direction de LR ou collaborent ouvertement avec le gouvernement Macron affirment vouloir rester au sein de ce parti y compris les ministres « compatibles » qui font partie du gouvernement Macron.

Il est évident que LR, qui réunit le gros des courants politiques présents dans la bourgeoisie française depuis la Seconde Guerre mondiale, n’entend pas abandonner la position hégémonique à droite qu‘il a eue, sous diverses appellations, durant toute la période depuis Mai-juin 1968.

Une des fractures les plus visibles dans LR à ce stade est celle qui oppose les politiciens qui voient chez Macron une politique de droite anti-ouvrière « classique » à ceux qui prônent veulent reprendre ouvertement les thèses et la politique de la droite ultra et du FN, comme celle promue par Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez et aussi François Fillon.

Au PS c’est la même désagrégation qui a ponctué l‘actualité politique des dernières semaines. Après sa débâcle à la présidentielle et sa déroute aux législatives, la démission de son secrétaire général Cambadélis, la dissolution de toute sa direction, le départ de l‘ex-premier ministre Valls, c‘est son candidat à la présidentielle Benoît Hamon, qui a quitté le PS et créé son « mouvement du premier juillet ».

Le Mouvement de Hamon n‘est qu‘une tentative de maintenir coûte que coûte l‘illusion que le parti capitaliste construit et dirigé par les Mitterrand, Rocard, Jospin et Hollande avait quelque chose à voir avec le socialisme ou la classe ouvrière. « Le Parti Socialiste a peut-être fait son temps. Il a eu des heures glorieuses, ma conviction est qu'aujourd'hui il est temps de tourner une page pour nous inscrire dans un processus comparable à celui d'Epinay », a déclaré Hamon, se référant à la fondation du PS bourgeois de Mitterrand en 1971.

Une des principales cause en fait de la « crise idéologique » de LR n‘est autre que la marche forcée à droite du PS après 2002 et particulièrement sous le gouvernement Hollande. Dans le cadre de la politique bipartite de l‘alternance de la « gauche » et de la droite bourgeoises, il fallait pour qu‘elle ait un sens, que la gauche se distingue de la droite, que le PS soit capable d‘imposer les attaques de la bourgeoisie aux ouvriers au nom de « la gauche » et d’empêcher que la classe ouvrière ne s‘y oppose en masse.

Sous la présidence de Hollande en particulier, le PS a ouvertement adopté des politiques associées à la droite et à l‘extrême-droite. Mise à part sa politique ouvertement pro-patronale, liberticide et belliciste, qui continuait celle de Sarkozy, il instauré l‘état d‘urgence permanent, inauguré la politique de « l‘assassinat ciblé » et ouvertement repris des politiques associées à la collaboration pétainiste avec les nazis, comme la déchéance de nationalité utilisée pour déporter les Juifs. Il a invité le parti qui représente les traditions pétainistes, le FN, à le soutenir à la suite des attentats terroristes de janvier 2015.

Il était naturel que pour garder son identité à droite, le personnel de LR prenne le chemin de s‘ouvrir plus encore à l‘extrême-droite, adoptant une politique d‘opposition virulente à l‘immigration, intégrant le mouvement droitier Sens commun, issu de la Manif pour tous anti-avortement et anti-mariage homosexuel, influencé par l‘intégrisme catholique.

Le gouvernement Macron étant plus à droite encore que celui de Hollande, dont il intensifie la politique, le problème de LR ne peut que s‘accentuer, en même temps que les forces qui conduisent à son éclatement.

L‘apparition du mouvement LRM de Macron et sa fédération d'anciens du PS comme de la droite, a mis à nu la nature de ces deux partis et du système parlementaire, que leur alternance était censée représenter, et promu comme tel par les alliés du PS, les staliniens et la pseudo-gauche anti-trotskyste. La collaboration de leurs anciens membres au sein de LRM est le résultat d'une longue évolution, au courant de laquelle ces partis ont évolué à droite et ont démontré que ce sont des ennemis acharnés de la classe ouvrière.

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