Mad Dog Mattis, ministre américain de la défense, chez Google et Amazon

Le ministre américain de la défense, James Mattis, a déclaré mercredi que la Corée du Nord risquerait la « destruction de son peuple » si elle ne se pliait pas aux exigences des États-Unis.

Ce général retraité issu des Marines a reçu le surnom de Mad Dog [chien fou] pour sa prise de la ville irakienne de Fallouja en 2004. Il n’a pourtant pas lancé cette déclaration génocidaire avant de se rendre dans une base d’opérations sur le champ de bataille, mais alors qu’il partait pour les sièges d’Amazon à Seattle et d’une agence du ministère de la défense dans la Silicon Valley qui travaille en étroite collaboration avec des entreprises de la haute technologie comme Google.

Les États-Unis sont plus près d’un conflit nucléaire qu’à aucun moment depuis la fin de la Guerre froide. Ces visites de Mattis sont une indication du rôle de plus en plus essentiel joué par les géants américains des hautes technologies, dans la conduite des guerres à l’étranger comme dans la répression de l’opposition politique à l’intérieur.

Le PDG d’Amazon rencontrant Mattis jeudi [Photo de @JeffBezos]

Dans la préparation de la guerre contre la Corée du Nord, qui entraînerait très probablement la Chine, Mattis et l’armée américaine sont bien conscients que leur ennemi potentiellement le plus grand est au pays, c’est l’opposition massive de la classe ouvrière à la guerre. La croissance du militarisme et la guerre sont toujours accompagnées d’attaques accrues contre les droits démocratiques et du développement d’un pouvoir autoritaire.

Aux États-Unis aujourd’hui, l’armée, les agences de renseignement et les grands médias travaillent avec les entreprises de haute technologie, et notamment Google, pour organiser une censure systématique visant à faire taire les sites de gauche anti-guerre. La cible principale de cette opération est le World Socialist Web Site.

Au cours des trois derniers mois, au nom de la lutte contre les fake news, et de la promotion des contenu sur Internet qui « font autorité », Google a changé son algorithme de recherche d’une manière qui a réduit le trafic en provenance des moteurs de recherche de 45 pour cent sur les principaux sites de gauche. Cette censure politique a réduit le trafic vers le World Socialist Web Site en provenance de Google de plus des deux tiers.

Les algorithmes de censure déployés par Google étaient sans aucun doute en haut de la liste des sujets abordés par Mattis avec les dirigeants du secteur des hautes technologies. Le motif officiel de sa visite, cependant, était d’intégrer les entreprises de la Silicon Valley encore plus étroitement dans le secteur économique lucratif de la guerre, qui est en plein essor.

Jeudi, Mattis a rencontré le PDG d’Amazon, Jeff Bezos, au siège de l’entreprise à Seattle.

Vendredi, il a pris la parole au siège du Defense Innovation Unit Experimental (DIUx), une unité du ministère de la défense située à quelques kilomètres du campus de Google à Mountain View en Californie. Le président de la compagnie mère de Google, Alphabet, compte parmi les conseillers de cette unité.

Mattis a déclaré que le partenariat du Pentagone avec la Silicon Valley dans DIUx rendrait l’armée américaine « plus meurtrière et plus efficace » qu’elle ne l’a jamais été. DIUx passe des contrats sur des technologies militaires avec les entreprises américaines qui développent des technologies de pointe.

Cette opération a déjà confié plus de 100 millions de dollars de contrats pour 45 projets pilotes dans des domaines comme l’intelligence artificielle, les machines autonomes et l’espace. Sa page web encourage les entreprises à « profiter d’un marché à plus de 100 milliards de dollars. »

Durant sa visite, Mattis a proclamé, « Nous allons nous améliorer dans l’intégration des avancées en intelligence artificielle dans l’armée américaine », grâce à cette unité qui, a-t-il dit, va « développer son influence et son empreinte » sur l’armée. Parmi les projets lancés par DIUx, d’après Bloomberg News, il y a un système pour coordonner les frappes aériennes contre des cibles « comme des véhicules en fuite. »

Après ses remarques, Mattis a ajouté que l’armée américaine était « prête », avec des « options militaires » contre la Corée du Nord.

Il y a encore plus important pour le Pentagone que les services que peuvent lui apporter ces géants des hautes technologies pour mener ses guerres, c’est leurs infrastructures de communication pour modeler l’opinion publique et bloquer l’expression de l’opposition à la guerre et à tout le système politique. L’un des acteurs les plus importants dans ce domaine est un groupe de réflexion appelé Jigsaw [puzzle], une filiale d’Alphabet. Jigsaw est dirigé par Jared Cohen, un ex-conseiller du ministère des affaires étrangères qui a servi sous Condoleeza Rice [républicaine] et Hillary Clinton [démocrate].

Le projet le plus en vue de Jigsaw est un système de censure du Web appelé « Perspective API », qu’il décrit comme « un nouvel outil pour les éditeurs web pour repérer les commentaires nuisibles [toxic] qui peuvent gâcher un échange amiable d’idées. »

Développé en coopération avec de grands journaux américains, ce projet de Jigsaw a déjà été mis en service pour signaler des commentaires à effacer sous les articles du New York Times. Cette semaine, WikiLeaks a noté qu’un commentaire qui contiendrait les termes, en anglais, « la CIA a armé des islamistes en Syrie, tuant des milliers de gens » serait signalé comme toxic à 66 pour cent par Perspective API. Un commentaire qui déclarerait que « le gouvernement américain est formidable » l’est à zéro pour cent, tandis que « le gouvernement américain est corrompu » est toxic à 71 pour cent.

Dans le second trimestre de l’année, Google a dépensé plus qu’il ne l’a jamais fait, près de 6 millions de dollars, pour influencer le gouvernement. C’est plus qu’aucune autre compagnie.

Google avait les relations les plus étroites avec l’ancienne Maison Blanche. The Intercept rapporte que « des responsables de Google ont participé à des réunions à la Maison Blanche plus d’une fois par semaine, en moyenne, du début de la présidence Obama jusqu’en octobre 2015. »

L’article de l’Intercept ajouté, « près de 250 personnes sont passées du service du gouvernement à Google, ou inversement, sous ce gouvernement [d’Obama] », et conclue, « aucune autre entreprise cotée en bourse n’approche ce degré d’intimité avec le gouvernement. »

Le partenariat de plus en plus développé entre les géants des hautes technologies et l’armée confirme les conclusions d’une série de rapports récents de l’US Army War College [qui forme aux plus hautes responsabilités militaires], selon lesquelles contrôler la croissance de l’opposition politique est un élément majeur de la stratégie militaire contemporaine, et le contrôle sur les communications par Internet est « essentiel » pour les opérations militaires.

Dans une étude intitulée « les médias sociaux, le terrain essentiel : pouvons nous le tenir ? » publiée en avril, l’Army War College a noté, « l’effet des médias sociaux sur l’environnement médiatique a été largement reconnu, tout comme la capacité des organisations extrémistes ou adverses à exploiter les médias pour faire connaître leur cause, diffuser leur propagande et recruter des individus vulnérables. »

Elle continue ainsi pour conclure que « les médias sociaux vont de plus en plus avoir un effet direct sur pratiquement toutes les opérations militaires au 21 siècle », et que l’armé doit développer son contrôle sur ces médias sociaux, « en particulier, leur usage dans la désinformation et les Opérations psychologiques (PSYOPS). »

Le contrôle des communications sur Internet va devenir de plus en plus important dans le cadre de ce qu’un rapport du ministère de la défense publié le mois dernier annonçait comme « une fracture de plus en plus large entre les gouvernements et leurs gouvernés sur la question fondamentale de la souveraineté. »

Ce rapport concluait, « aujourd’hui, tous les états connaissent un déclin précipité de leur autorité, de leur influence, de leur portée et de l’attrait qu’ils peuvent avoir pour le grand public », puisque les populations ont maintenant « des myriades d’autres sources d’alignement ou d’allégeance politique. »

Et un autre rapport, publié l’année dernière, prévenait que les antagonismes internationaux menaient à une crise de plus en plus intense de « l’ordre social ».

Il concluait que les États « luttent maintenant tous les uns contre les autres pour des intérêts incompatibles tout en étant dans une situation précaire, menacés » non seulement par des nations rivales, mais par « l’ordre social fragile et rétif sur lequel ils s’appuient. »

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(Article original en anglais paru le 12 août 2017)

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