Trump invoque «l’option militaire» contre le Venezuela

Les menaces belliqueuses du président Donald Trump la semaine dernière que Washington pourrait recourir à une «option militaire» contre le Venezuela a déclenché une vague de déclaration d’opposition formelle parmi les gouvernements à travers l’Amérique latine, incluant des régimes de droite comme ceux en Argentine, au Pérou et en Colombie, qui appellent à la destitution du président Nicolas Maduro et collaborent étroitement avec Washington.

Accompagné du secrétaire d’État Rex Tillerson, l’ancienne tête dirigeante d'ExxonMobil, dont la société antérieure a longuement dominé la production pétrolière du Venezuela, et de l’ambassadrice américaine aux Nation-Unis Nikki Haley, Trump a déclaré: «Nous somme partout dans le monde et nous avons des troupes partout dans le monde dans des régions très, très éloignées. Le Venezuela n’est pas très loin et les gens souffrent. Ils sont en train de mourir. Nous avons plusieurs options pour le Venezuela incluant une option militaire, si nécessaire.»

Lorsqu'un journaliste lui a demandé si sa déclaration impliquait une opération militaire américaine dans ce pays d’Amérique du Sud, Trump a répliqué, «Nous n’en parlons pas, mais une opération militaire, une option militaire, est certainement quelque chose que nous pourrions envisager.»

Trump a fait cette déclaration dans la foulée de ses menaces incendiaires et téméraires d’action militaire, incluant une possible frappe nucléaire, contre la Corée du Nord. Cette rhétorique est celle d’un gouvernement américain qui est de plus en plus désaxé et brutal, prêt à mener des guerres d’agression illégales à travers le monde.

Derrière la déclaration, dénoncée par le gouvernement vénézuélien comme «un acte de folie» et «une agression étrangère insolente», se trouvent des calculs politiques bien précis. Elle était destinée, d’une part, à la base politique d’extrême droite de Trump aux États-Unis même, et également aux éléments inflexibles à l’intérieur de l’opposition de droite vénézuélienne qui appuient farouchement un changement de régime soutenu par les États-Unis.

La menace de Trump est venue immédiatement après l’appel de Maduro à un dialogue avec Washington. Dans un discours à l’Assemblée constituante nationale nouvellement formée, dont Washington a dénoncé l’élection le 30 juillet comme frauduleuse, Maduro a dit qu’il voulait une «conversation personnelle» avec le président américain, déclarant: «M. Donald Trump, je vous tends la main.»

Cette demande est venue après que des représentants américains ont qualifié Maduro de «dictateur» et imposé des sanctions économiques contre lui et plusieurs autres représentants vénézuéliens.

Les principaux gouvernements capitalistes en Amérique latine avaient pris une position similaire à celle de Washington dans une rencontre des ministres des Affaires étrangères de l’Argentine, du Brésil, du Chili, de la Colombie, du Costa-Rica, du Guatemala, du Honduras, du Mexique, du Panama, du Paraguay et du Pérou – avec le Canada – il y a deux semaines dans la capitale péruvienne, et ont publié la «Déclaration de Lima» qui dénonce l’élection de l’assemblée constituante comme une «rupture avec la démocratie».

Washington n’a pas envoyé de représentant à la rencontre, dans une tentative évidente de priver le gouvernement vénézuélien de la capacité de dénoncer l’alignement contre Maduro comme étant le fruit de l’impérialisme américain. Si cela était l’intention, la déclaration de Trump l'a sévèrement minée.

Les remarques de Trump ont suscité de vives critiques de la part d’éléments proche de l’appareil militaire et du renseignement américains, qui croient qu'elles discréditent la stratégie américaine pour un changement de régime au Venezuela.

Les «commentaires spontanés» de Trump suggérant une intervention militaire américaine ont lancé à Maduro «une belle bouée de sauvetage a un moment où le consensus grandissant en Amérique latine était en train de causer une scission parmi ses propres partisans et probablement l’armée», a dit Mark Schneider, un des principaux conseillers au centre de réflexion de Washington, le Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS). «Maintenant, ils n'auront guère d’autres options que de s’unir, du moins de façon rhétorique, contre la menace de Trump “d’envoyer les Marines”.»

«Ce sont des menaces en l’air», a dit Shannon O’Neil, une analyste d’Amérique latine au Conseil des relations étrangères (CFR). «Et puisque ce sont des menaces en l’air, Maduro ne risque rien en prenant une position ferme, de façon rhétorique et contre l’opposition.»

Malgré les divisions apparentes à Washington au sujet des remarques de Trump, le directeur de la CIA Mike Pompeo a décrit le Venezuela comme un «risque» pour la sécurité nationale des États-Unis.

«Les Cubains y sont; les Russes y sont, les Iraniens y sont, Hezbollah y est», a-t-il dit dans une entrevue télévisée. «C’est quelque chose qui pourrait nous amener dans une très, très mauvaise situation. Les États-Unis doivent donc prendre cela très au sérieux.»

En défendant les remarques de Trump, Pompeo a ajouté: «Ce que je crois que le président tente d’accomplir est de donner au peuple vénézuélien l’espoir et la chance de créer une situation où la démocratie peut être restaurée.»

De la même façon, le conseiller à la sécurité nationale de Trump, le général H.R. McMaster, a dit que Washington était préoccupé par «la façon dont la crise pourrait évoluer» et songeait à ce qu’il pourrait faire «pour prévenir une catastrophe humanitaire encore pire». Il a ajouté: «le président n’écarte jamais d’options dans toutes ces situations. Et ce que nous lui devons ce sont des options.»

Le prétexte que l’administration Trump serait inquiète de la souffrance du peuple vénézuélien est ridicule. L’impérialisme américain a infligé des «catastrophes humanitaires» sur des populations des Balkans jusqu’au Moyen-Orient durant le dernier quart de siècle et est actuellement impliqué dans des guerres sanglantes contre les peuples de l'Irak, de la Syrie et du Yémen.

Washington tente d'exercer suffisamment de pression économique sur le Venezuela pour plonger le pays dans une crise incontrôlable dans laquelle l’armée se retournerait contre Maduro et installerait un gouvernement plus subordonné aux intérêts des États-Unis.

Les préoccupations des États-Unis ne sont pas sur l’appauvrissement et la famine croissante des travailleurs et des pauvres, mais plutôt sur la perspective que le gouvernement Maduro risque de consolider ses liens économiques avec la Russie et la Chine, minant ainsi la campagne pour l’hégémonie de l’impérialisme américain en Amérique latine.

Les sanctions qui ont été imposées jusqu’à maintenant, bien qu’elles ne visent pas directement les exportations pétrolières du Venezuela, servent à déstabiliser davantage l’économie du pays en faisant fuir les investisseurs étrangers et en plaçant dans le doute sa capacité à continuer de refinancer sa dette extérieure.

Dans la semaine après l’élection de l’assemblée constituante, le prix des denrées alimentaires a dans plusieurs cas doublé au même moment où la valeur de la devise vénézuélien dépréciait de 45% par rapport au dollar.

Le Washington Post a cité l'entreprise vénézuélienne de gestion de données Ecoanalà­tica indiquant que l’économie pourrait se contracter de 10,4% cette année. Les mises à pied et les fermetures d’usine sont déjà répandues.

Les programmes d’aide sociale mis en place sous la présidence du défunt Hugo Chavez durant une période de prix élevés du pétrole sont devenus de plus en plus limités et le gouvernement n'a pas octroyé d'augmentations dans les salaires et les pensions pour répondre à la dernière vague d’inflation.

Pendant ce temps, des statistiques présentées la semaine dernière ont indiqué un déclin de 90% dans les profits de la société d’État pétrolière PDVSA, dont la production a diminué de 20% sur les deux dernières années avec la chute des prix à 35$ le baril. Le Venezuela est dépendant de son pétrole qui compte pour 95% de ses revenus d’exportation.

Le gouvernement «socialiste bolivarien» paie continuellement sa dette aux banques internationales, même si les réserves de change destinées à l'achat des importations essentielles de nourriture et de médicament ont diminué, entraînant une famine généralisée et une augmentation draconienne dans le taux de mortalité infantile et maternelle.

Les banques ont récolté parmi les plus hauts taux de profits au Venezuela, tandis qu’une couche capitalise proche du gouvernement, la fameuse boliburguesia, consistant d’entrepreneurs, de spéculateurs financiers, de hauts gradés de l’armée et des membres de l’élite dirigeante, s'est enrichie, même si les conditions des masses se sont grandement détériorées.

Malgré l’agitation sociale grandissante dans la classe ouvrière, les manifestations de masse organisées par la coalition d’opposition de droite, le MUD, au cours des quatre derniers mois se sont affaiblies. À peine 1000 personnes étaient allées manifester la semaine dernière. Bien qu’hostiles à Maduro, de larges sections de travailleurs ressentent la même hostilité pour l’opposition de droite, des représentants de la vieille oligarchie dirigeante du pays.

Le MUD est manifestement lui-même divisé: ses couches prédominantes annoncent qu'elles prévoient participer dans les élections régionales à venir. Les éléments les plus à droite qualifient cette décision de «capitulation».

Maria Machado, chef du parti Vente Venezuela (VV), un bénéficiaire de longue durée de la Fondation nationale pour la démocratie (NED), l’agence américaine crée pour prendre la direction d'opérations politiques d’outremer auparavant effectuées par la CIA, a annoncé qu’elle romprait avec la coalition et continuerait de se battre pour « le départ» du gouvernement Maduro.

Ce sont ces couches que Trump cherche à renforcer. Au même moment, la menace d’une intervention directe par l’armée américaine au Venezuela ne doit pas être perçue comme de simples paroles en l'air. Si jamais Washington était contraint de laisser tomber ses menaces de guerre contre la Corée du Nord, les États-Unis pourraient tout de même chercher à réaffirmer leur «crédibilité» avec un acte ouvert d’agression militaire ailleurs.

(Article paru en anglais le 14 août 2017)

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