La politique pro-guerre des Verts allemands exposée au forum d’un groupe de réflexion

Depuis que les Verts, dirigés par le ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer, ont organisé la première opération de combat étrangère de soldats allemands depuis la Seconde Guerre mondiale, rejoignant la guerre de l’OTAN en 1999 contre la Yougoslavie, les anciens pacifistes ont été un groupe de premier plan du militarisme allemand. Cela a été souligné par un événement intitulé « Défis politiques étrangers et européens pour l’Allemagne », organisé mercredi dernier à la Société allemande des affaires étrangères (DGAP) à Berlin.

Le candidat principal des Verts aux élections nationales de ce mois, Cem Özdemir, a été invité à discuter de questions de politique étrangère avant l’avènement du prochain gouvernement allemand avec le directeur adjoint de la DGAP Christian Mölling et le rédacteur en chef chargé de la politique étrangère de Die Zeit, Jörg Lau. La discussion a été animée par Jana Puglierin, qui dirige le département de DGAP sur la politique étrangère, de sécurité et de défense européenne et le rôle de l’Allemagne en Europe.

Özdemir a précisé dans son introduction de 20 minutes que les Verts ont la même réponse à la crise profonde du capitalisme et à l’effondrement de l’ordre de l’après-guerre que le gouvernement fédéral actuel : une volonté de développer l’armée en Allemagne et à l’étranger, un nouveau retour vers la dictature et la guerre, et l’affirmation des revendications allemandes à un rôle dirigeant en Europe et dans le monde. Son public, qui comprenait des experts en matière de politique de sécurité de haut rang, des journalistes, des militaires et des représentants de l’industrie de l’armement, ont réagi avec enthousiasme.

Il a déclaré que, en période de « tourmente », « nos valeurs », ne sont pas seulement menacées par les « rêves intéressés d’un despote comme Vladimir Poutine ou Recep Tayyip Erdogan » mais « également attaquées par le président des États-Unis », les Européens « sont mis au défi d’une manière spéciale. » Ce qu’il faut, a-t-il dit, c’est « une politique de réalisme guidée par des valeurs en Allemagne et en Europe ».

Lorsque les politiciens verts parlent de la défense de « valeurs », on est obligé d’envisager des avions de chasse décollant pour la prochaine « intervention humanitaire ». Le chef de file des Verts a poursuivi : « Nous avons besoin d’une politique étrangère avec soft power et hard power [pouvoir doux et pouvoir dur], avec un cadre de valeurs clair, mais aussi avec le courage de déployer des moyens militaires dans les situations d’urgence extrême où les méthodes diplomatiques atteignent leurs limites. »

Concrètement, Özdemir a appelé à une intervention militaire en Syrie et une ligne plus dure vers la Russie. « Chaque fois qu’en Syrie ou ailleurs dans le monde, le droit international humanitaire est violé sans que la communauté internationale réponde clairement et fermement, le droit international perd son pouvoir d’influencer », a-t-il déclaré. « C’est donc fatal quand nous ne reconnaissons pas une violation du droit international avec l’affirmation : c’était mauvais, mais laissons-les se débrouiller eux-mêmes. »

C’est « également fatal lorsque les militants électoraux d’autres partis exigent un assouplissement des sanctions contre la Russie ou demandent que Poutine soit ramenée dans le cercle du G8 sans changement sur la question de la Crimée et que l’encre sur l’accord de Minsk n’est même pas sèche. »

Le concept de « réalisme guidé par les valeurs » d’Özdemir sert à promouvoir la prétention que l’Allemagne ait un rôle dirigeant en Europe. « Cela ne donne pas une bonne impression de l’Union européenne », a-t-il déclaré, « quand nous levons un doigt de mise en garde dirigé aux partenaires internationaux, mais dans notre propre cercle familial, nous ne tapons pas du poing sur la table quand c’est nécessaire » comme quand « un Viktor Orban attaque les principes fondamentaux de la coopération mutuelle européenne ou un gouvernement nationaliste en Pologne suspend l’État de droit ».

Özdemir, évidemment, ne taperait du poing que là où il verrait des intérêts allemands en danger. En Égypte, un proche allié de l’impérialisme allemand, il est prêt à soutenir l’une des dictatures militaires les plus brutales au monde. Bien que le dirigeant égyptien al-Sisi soit quelqu’un qui supprime les droits de l’homme « d’une main ferme », il est aussi quelqu’un qui « garantit au moins partiellement la division entre l’État et la religion pour nous et maintient les islamistes sous contrôle ».

L’événement entier a été une exposition de l’agressivité et du manque de scrupule des élites allemandes 75 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Lors de la discussion, Lau a fait la déclaration : « Parfois, je me réveille le matin avec le désir que quelqu’un fasse quelque chose d’atroce contre Erdogan. Mais après le deuxième café, cela passe ». Une grande partie de l’auditoire a ricané de cet appel à peine dissimulé à un autre coup d’État ou même à l’assassinat du président turc.

Mölling a déclaré à propos du renforcement militaire majeur prévue pour l’armée, « Mais cela pourrait aussi finir par être plus cher que 2 pour cent [du produit intérieur brut de l’Allemagne]. Oui, nous devons dépenser davantage. Nous ne pouvons arriver à rien dans la situation actuelle. Probablement 3 milliards supplémentaires seront nécessaires chaque année pour avoir une armée qui soit dans une certaine mesure fonctionnelle. Et là, l’Europe peut et doit aider, sinon cela sera encore plus coûteux. »

Il a poursuivi en se plaignant du fait que l’Allemagne et l’Europe « ont conduit leurs capacités de défense dans le mur » et « ne font que commencer à reconstruire ».

Özdemir a abondé dans le sens du directeur adjoint de la DGAP et a noté : « Les Verts pensent également que l’armée doit être correctement équipée. Nous sommes également responsables de la sécurité des soldats que nous envoyons aux interventions internationales, et il faut veiller à ce qu’ils puissent raisonnablement accomplir leur travail. Cela ne se fait pas gratuitement, cela doit être financé. »

Comme Mölling, il a lancé un appel pour une politique de défense européenne prête au combat, en alliance avec la France.

Même si les représentants de la classe dirigeante allemande qui ont participé à ce forum ont été jusqu’alors très pro-américains et ont soutenu les guerres dirigées par les États-Unis, le conflit croissant avec Washington était bien visible tout au long de l’événement.

Bernd Ulrich, rédacteur en chef adjoint de Die Zeit, a parlé depuis l’auditoire et a demandé : « Est-ce que le siècle américain a peut-être vécu ? Au moins, je dirais que ce qui a vécu c’est la prétention des États-Unis à la direction morale et militaire, à la lumière de l’instabilité interne que nous voyons maintenant. La prétention à la direction n’a-t-elle pas été abandonnée ? »

Lau a prévenu que « le gouvernement américain s’oppose effectivement à ce que ses partenaires considèrent comme correcte : le multilatéralisme, la conservation de l’Europe ». Bien que tout cela n’ait « aucune valeur pour l’Amérique, pour nous, c’est la principale valeur de la politique étrangère ».

Le gouvernement américain, a-t-il poursuivi, a « décidé qu’avec le Brexit, le début de la fin de l’Europe commence. C’était une sorte de déclaration de guerre. Et ce n’est qu’une des raisons du choc que nous éprouvons tous, le fait que rien ne peut plus être pris pour acquis.

Trump est « un monstre », a-t-il poursuivi, mais il est difficile de dire « s’il est le début de quelque chose d’où sortiront d’autres personnages terribles qui sont terribles d’une autre manière ».

Dix jours avant les élections fédérales, l’événement de la DGAP a souligné qu’il ne manque pas de « monstres » et de « personnages horribles » à Berlin, qui façonnent les débats et qui préparent la guerre. Comme au cours du siècle dernier, la classe dirigeante allemande répond aux tensions internationales croissantes et à la lutte mondiale pour les marchés et les matières premières en réarmant et en s’efforçant d’établir sa domination sur l’Europe afin d’opérer plus efficacement en tant que puissance mondiale.

Dans un document intitulé « Défis de la politique étrangère pour le prochain gouvernement fédéral », la DGAP exige que le gouvernement entrant « mette en œuvre de manière décisive l’approche globale de la politique de sécurité introduite sous la rubrique« Nouvelles responsabilités ». Il s’agit d’une référence au document « Nouveau pouvoir, nouvelles responsabilités », qui a proclamé le retour du militarisme allemand avant les dernières élections fédérales et où ont participé dans le processus de rédaction des représentants des Verts et du Parti de gauche.

(Article paru en anglais le 19 septembre 2017)

 

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