Macron dévoile les ordonnances pour détruire le Code du travail

Hier, le Premier Ministre et la ministre du Travail du gouvernement Macron, Edouard Philippe et Muriel Péricaud, ont dévoilé les ordonnances détruisant le Code du travail. Un an après l’imposition par le PS de la loi El Khomri, foulant au pieds l’opposition de l’écrasante majorité des Français, Macron rétablit autoritairement toutes les mesures les plus impopulaires que le PS avait décidé de retirer face aux manifestations contre la loi.

Les ordonnances, négociées entre le gouvernement, le patronat et les syndicats, provoquent une large opposition des travailleurs. Plus de deux Français sur trois (68 pour cent) pensent que leur patron profitera des réformes pour réduire leurs droits, si elle laisse davantage de place à la négociation par accord d’entreprise, d’après un sondage d’OpinionWay publié avant la publication des ordonnances. 4 Français sur 5 disent s’attendre à une mobilisation sociale contre les décrets de Macron.

La bourgeoisie française et internationale craint l’opposition populaire aux ordonnances, mais elle les considère comme une étape décisive dans la destruction des droits sociaux acquis par les travailleurs européens au 20e siècle. Elle veut imposer ce que la bourgeoisie a fait en Allemagne avec les lois Hartz sous les social-démocrates, ou les mesures d’austérité en Grèce depuis la crise mondiale de 2008. Sur fond d’effondrement de la compétitivité du capital français et de projets pour une escalade majeure du militarisme européen, elle va à la confrontation avec les travailleurs.

En Allemagne, Die Welt a cité Jérôme Fourquet, le chef de l'institut de sondage Ifop : « Il règne comme une atmosphère comme la veille d'un grand combat. » Le quotidien ajoute : « Personne ne sait qui va le gagner. Il n'y a de sûr qu'une chose : les semaines de septembre seront un moment de vérité. Macron – qui a commencé en tant que candidat totalement sans espoir, puis a réalisé l'exploit de remporter une campagne présidentielle totalement imprévisible du début jusqu'à la fin – a une chance historique. Il n'en aura pas une deuxième. »

Le New York Daily News écrit que pour Macron, les ordonnances sont « le premier grand test de ses projets de réformer la deuxième économie de la zone euro. Depuis des décennies, des gouvernements de gauche comme de droite ont tenté des réformes de la législation du travail en France, mais ils les ont toujours diluées face aux manifestations dans la rue. »

Edouard Philippe a repris ce thème en déclarant qu’il s’agit avec ces décrets « de rattraper les années perdues, les années de rendez-vous manqués, peut-être mal négociés, peut-être mal expliqués, peut-être mal compris, mais toujours repoussés ou affadis ».

Les méthodes qu’utilise Macron pour imposer ses ordonnances témoignent de l’effondrement de la démocratie en France sous le diktat de l’aristocratie financière. L’Assemblée, dominée par les soutiens de Macron et produite par des élections législatives auxquelles seule une minorité des Français a participé, a voté une loi d’habilitation qui permet à Macron d’imposer ses ordonnances sans avoir recours à un vote parlementaire.

Les ordonnances facilitent les licenciements de masse en limitant les contraintes pour les entreprises. Elle prévoit le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif et un délai de recours aux prud’hommes qui passera de vingt-quatre à douze mois. Pour apprécier les difficultés financières d’une entreprise qui veut lancer un plan social, désormais seule sa santé dans l’Hexagone fera foi. Ainsi des faillites organisées ou des montages complexes pour noircir le tableau des comptes des filiales françaises faciliteront les licenciements.

Les ordonnances permettent également aux entreprises de généraliser la précarité et de passer outre le Code du travail et les accords de branche. Les patrons individuels peuvent négocier des accords d’entreprise qui dérogent aux accords de branche et au Code du travail, qui perdent ainsi leur substance. Les branches récupèrent la possibilité de déterminer les modalités des contrats courts, et celle d’étendre le recours au contrat de chantier, un contrat précaire créé par Macron.

En présentant ces réformes, Macron mise gros sur la transformation, déjà largement accomplie, des bureaucraties syndicales en appareils corporatistes liés au patronat, au PS, et à sa périphérie petite-bourgeoise de « gauche », notamment Jean-Luc Mélenchon et le Nouveau parti anticapitaliste.

Les ordonnances renforcent l’intégration des syndicats dans les entreprises par la fusion des instances représentatives du personnel (IRP). De quatre, les IRP passeront donc à deux – d’un côté les délégués syndicaux, de l’autre les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Un salarié syndiqué ou voulant se syndiquer pourra obtenir des formations renforcées sur le sujet, et l’Etat créera un observatoire de la négociation collective proche du modèle allemand, afin d’acheter la loyauté sans faille des appareils syndicaux locaux. Ces appareils sont en effet appelés à jouer un rôle-clé dans l’imposition d’accords d’entreprise, et des limites à la majoration pour les heures supplémentaires à 10 plutôt que 25 pour cent.

Les sommes massives ainsi dégagées de l’exploitation accrue des travailleurs serviraient à grossir les profits des milliardaires qui dominent l’Europe, ainsi qu’à financer l’effort de défense et la militarisation du continent. La publication des ordonnances s’est faite deux jours après l’intervention de Macron à une conférence des ambassadeurs de France. Là, il a présenté des plans pour une une politique mondiale agressive et militariste face à la montée des conflits entre les grandes puissances, notamment en Europe.

Macron y a déclaré : « Nous avons oublié que les 70 dernières années de paix sur le continent européen étaient une aberration de notre histoire collective. ... la menace est à portée de main, et la guerre est sur notre continent ». Il a appelé à faire de l’armée française « l’une des meilleures au monde ».

Macron compte manifestement sur l’état d’urgence et avant tout sur la complicité des appareils syndicaux pour tenter d’imposer son diktat malgré l’opposition des masses. Les confédérations syndicales, qui ont longuement négocié ces mesures avec Macron, n’ont pas l’intention de mener une lutte sérieuse contre lui.

Laurent Berger de la CFDT s’est dit « déçu », mais sa centrale, tout comme FO, ne compte même pas organiser de baroud d’honneur syndical pour tenter de sauver la face. La CGT, qui a aussi participé aux négociations, a hypocritement déclaré que « Toutes les craintes que nous avions sont confirmées, et la crainte supplémentaire c'est évident et c'est écrit: c'est la fin du contrat de travail ». La centrale stalinienne a lancé un appel à manifester le 12 septembre.

Le Parti de l’égalité socialiste souligne que les travailleurs ne peuvent pas compter sur une lutte contestataire et symbolique organisée par les appareils syndicaux sur le sol national. Les alliés naturels des travailleurs français en lutte contre les ordonnances anti-sociales, le militarisme, et la répression policière sous l’état d’urgence sont les travailleurs européens et internationaux. C’est là la base social objective d’une lutte révolutionnaire et véritablement socialiste contre la politique militariste et austéritaire de l’Union européenne.

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