Des centaines de milliers de personnes manifestent contre Macron

Environ 400.000 personnes ont manifesté hier contre les ordonnances d'Emmanuel Macron pour détruire le Code du Travail, ainsi que les autres attaques sociales annoncées par son gouvernement. C'était la première manifestation organisée par les appareils syndicaux depuis l'élection de Macron en mai.

Il y a eu de larges mobilisations à Paris (60.000 selon les syndicats), Marseille (60.000), Toulouse (16.000), Nantes (15.000), Bordeaux (12.000), Lyon (10.000), Rennes (10.000), Nice (5.000), et Le Havre, la ville du premier ministre Edouard Philippe (3.400). Plusieurs incidents ont émaillé les manifestations. La police a utilisé un canon à eau à Paris pour attaquer des manifestants devant le commissariat du 13e arrondissement, et il y a eu des échauffourées à Lyon ainsi qu'à Nantes.

Des correspondants du WSWS ont rejoint les cortèges à Paris, à Marseille et dans le Nord. Les manifestants interviewés par le WSWS ont souligné leur hostilité non seulement à la destruction le Code du Travail, mais aussi envers la poussée vers la guerre et la dictature, ainsi que leur méfiance envers les syndicats et les partis politiques établis. Après la présidentielle entre le candidat militariste et ultra-libéral Macron et la candidate néo-fasciste Marine Le Pen, de nombreux jeunes sont écœurés par le système politique français.

A Paris, le WSWS a parlé à Nathanaël, un lycéen, qui a dit : « On n'a plus que ça comme moyen de lutter, de manifester notre mécontentement. Les institutions représentatives de la Ve République ont échoué, elles le font depuis des années. Je suis lycéen, je ne vote pas, et puis même si je votais, je ne vois pas le plus, je ne vois pas l'intérêt. Ce n'est pas comme ça que ça marche le social, ce n'est pas comme cela que ça marche, l'Etat de droit. ... on est obligé maintenent de descendre dans la rue, de manifester pour se faire entendre. Et je le déplore. »

Interrogé sur l'appel du Parti de l'égalité socialiste (PES) à un boycott actif des élections afin de donner une perspective pour mobiliser la classe ouvrière en lutte contre le prochain président, il a dit : « Je suis assez d'accord avec cela. Je suis absolument contre les idées nocives et mortifères du FN, mais voter c'est cautionner. Voter c'est cautionner un candidat, c'est cautionner un système, c'est cautionner les institutions. »

Sur fond d'effondrement de Macron dans les sondages, Nathanaël a évoqué l'exemple de la grève générale de mai 1968 : « C'est la seule chose à faire, mobiliser la classe ouvrière. On n'est plus dans une lutte syndicale, on est dans une lutte politique. ... On est un peu proche d'une lutte à la mai 68. »

Nathanaël a dénoncé le projet de Macron de pérenniser l'état d'urgence en l'inscrivant dans le droit commun : « C'est la violation ultime de l'Etat de droit dans un Etat de droit. ... Il ne faut absolument pas l'inscrire dans le droit commun, ça. Moi je le vois très bien, dans mon lycée, c'est tous les jours contrôle de sac, contrôle d'identité, il y a des militaires, il y a des grilles, de nouveux trucs. Ce n'est pas sain comme environnement pour les lycéens ou des collégiens. Apprendre la soumission dès le lycée, dès le collège, ce n'est pas cela la liberté, ce n'est pas cela l'État de droit. »

Il a aussi évoqué la crise coréenne pour souligner les inquiétudes des jeunes face au danger de guerre : « Pour moi la menace ne vient pas tellement de la Corée du Nord seule que de la relation entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. On a Trump qui est impulsif et égocentrique et maniaque, et cette personne ne mérite même pas tous les mots qu'on utilise pour la qualifier. »

Il a également souligné son hostilité envers la dénonciation ultra-sécuritaires des manifestants par les médias : « Moi je ne suis pas un casseur, je ne vais pas balancer des pavés dans les vitrines des commerçants ... Il y a toute une rhétorique, toute un langage de l'extrême-droite qui déboule dans le champ médiatique. »

Le WSWS a aussi parlé à Sarah, qui a dénoncé la précarisation et le tournant vers un régime répressif et ultra-sécuritaire sous Macron : « Je trouve qu'en fait que c'est intolérable de mettre en place des lois comme ça. Déjà que je n'étais pas forcément pour Macron, par rapport au travail. On a une personne au pouvoir qui ne sait rien. Déjà, par rapport à ce qu'il veut faire avec les CDD, des CDD pour 5 ans, ce n'est pas normal. »

Elle a ajouté, « Je veux devenir DRH. J'étais un peu dans le côté bisounours. Je pensais que le travail est simple, voilà, il faut aider les salariés. Et voilà, le temps passe parce que je suis jeune, je me rends compte que c'est un monde vachement vicieux. Macron ramène encore plus ce vice. »

Interrogé sur l'état d'urgence, elle a dit : « Je pense que ça faire plus à faire peur à la population qu'autre chose. Ca fait peur, clairement quand on est jeune, qu'on va dans un lieu comme Bastille ... On est déjà quand même sous une forme de dictature. Ce n'est pas les dictatures que l'on connaît dans les manuels d'histoire. Je trouve qu'il y a des choses pas normales, le président comment il a son pouvoir, je ne trouve pas ça normal. »

Entre les lycéens, les étudiants, et les travailleurs qui entrent en lutte d'un côté, et les appareils syndicaux et de la pseudo-gauche de l'autre, il y a un gouffre de classe. Alors que le PS s'effondre suite au discrédit de Hollande, les appareils syndicaux et les forces politiques qui ont travaillé avec le PS, dont Jean-Luc Mélenchon de La France insoumise (LFI) tentent de se présenter en alternatives contestataires. Mais en fait, ce sont des appareils profondément intégrés dans le système politique et hostiles à une lutte révolutionnaire du prolétariat, à laquelle le PES veut fournir une direction politique.

Le WSWS a interviewé Sébastien, un syndicaliste belge du mouvement Alter-Summit. Il a expliqué, « On est venu ici montrer la solidarité des travailleurs et travailleuses de Belgique face aux attaques subies par les travailleurs et les travailleuses de France, qui sont semblables aussi à celles qui ont cours en Belgique et partout ailleurs en Europe. » Sébastien a ajouté que la loi Peeters imposée en Belgique au printemps contenait beaucoup des mêmes dispositions que les ordonnances de Macron.

Interrogé sur le rôle des syndicats, vu que Macron propose de renforcer leur financement par l'Etat et le patronat, Sébastien a dit : « Les financements d'argent public, c'est important. C'est une faiblesse dans un certain sens, ça peut permettre des chantages à l'action, et donc voilà, c'est important que l'esprit politique des luttes prenne le dessus, même si on le remarque tous les jours, c'est un frein à la mobilisation. C'est pour cela qu'il faut compter sur le reste des mouvements sociaux qui ont peut-être pas cette attache aussi forte que certains secteurs syndicaux à la gestion du système ... à la bourgeoisie, si vous l'appelez comme ça. »

A Marseille, des jeunes ont manifesté ainsi que des cortèges de travailleurs des raffineries et des ports. La CGT avait limité la manifestation en organisant une grève seulement le matin.

Un sympathisant de LFI a dit au WSWS : « Je suis très inquiet de ce qu’il se prépare et de ce qui est en train de ce mettre en place la modification des valeurs du code du travail chez nous. Je n’accepte pas, c’est tout. Je trouve que l’on n’est pas assez nombreux, j’attends que cela prenne de l’ampleur. ... Dans un contexte globale de tension ou l’on rabat les cartes politiques qui remette en ordre le pouvoir politique des dominants et du capital, [Macron] utilise tout les moyens y compris l’état d’urgence. »

Il a aussi souligné son hostilité aux tractations entre les syndicats et Macron pour attaquer le Code du Travail : « Il y a des syndicats qui ont certainement collaboré pour ces lois travail. Je ne partage pas leur raison, c’est plutôt honteux. »

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