Le meneur de l’attaque terroriste de Barcelone était un informateur des renseignements espagnol

Les médias espagnols ont confirmé qu’Abdelbaki Es Satty, le cerveau des attentats terroristes du 17 août 2017 à Barcelone était un informateur de la police.

Satty, un trafiquant de drogue directement lié aux membres d’Al-Qaïda qui ont mené les attentats à la bombe du 11 mars 2004 à Madrid, aurait fourni des informations et reçu des paiements des services de renseignements espagnols jusqu’à peu de temps avant l’attentat de 2017. Il aurait été le chef politique ou religieux des jeunes qui ont perpétré les attentats de Barcelone, au cours desquels 16 personnes sont mortes et 152 ont été blessées. Satty lui-même est mort peu de temps avant les attentats, lorsque de grandes bombes artisanales qu’ils préparaient dans une maison d’Alcanar ont accidentellement explosé.

Cette révélation remarquable souligne le caractère totalement mensonger de l’insistance de la bourgeoisie européenne pour que des attaques profondes contre les droits démocratiques soient nécessaires pour mener une « guerre contre le terrorisme ». À Barcelone, comme avec Charlie Hebdo et l’attentat du 13 novembre à Paris, et l’attentat de Manchester le 22 mai, les terroristes étaient connus à la police. Ils ont œuvré pour les services de renseignement et ont été les instruments des guerres impérialistes européennes en Syrie et en Irak, sous protection officielle.

Le démasquage de Satty comme informateur des renseignements espagnol est particulièrement important compte tenu de la situation explosive en Catalogne, où Madrid a suspendu le gouvernement régional élu et imposé le pouvoir direct de la police après le référendum sur l’indépendance catalane du 1ᵉʳ octobre. Ces révélations soulèvent la question de savoir si les forces de Madrid ou de Barcelone ont permis que l’attaque se poursuive afin de gagner un avantage politique dans la bataille acharnée qui s’est intensifiée à l’approche du référendum.

Le 16 novembre, le site populiste de droite OkDiario a rapporté pour la première fois que Satty, qui avait servi comme imam dans la ville de Ripoll, était un informateur du Centre national de renseignement (CNI) d’Espagne. « En même temps qu’il fournissait des informations aux services secrets et recevait un financement spécial pour ce travail, l’imam mettait en place la cellule terroriste qui a perpétré la deuxième attaque la plus sanglante de l’histoire du terrorisme en Catalogne », écrit OkDiario citant des documents détenus par des magistrats instructeurs espagnols.

OkDiario a déclaré que les responsables espagnols étaient prêts à tout pour cacher ces informations. « L’obsession pendant des semaines a été que le statut de l’imam en tant qu’agent ne devrait pas sortir, ne devait pas être connu de l’opinion publique », écrit-il.

OkDiario a également allégué que les Mossos d’Esquadra, la police régionale catalane basée à Barcelone, étaient en contact étroit avec Satty. Il a rapporté qu’« un agent des Mossos a parlé pendant quatre minutes de son bureau à Barcelone avec l’auteur du massacre de Barcelone seulement deux heures avant l’attaque ».

Le 17 novembre, El País, le principal journal pro-social-démocrate d’Espagne, a publié un article concis dans lequel les responsables du renseignement ont confirmé plusieurs des révélations d’OkDiario. Des sources du CNI ont déclaré à El País que le CNI avait « maintenu le contact » avec Satty alors qu’il était à la prison de Castellón pour trafic de drogue, de 2010 à 2014. Cette relation était conforme aux « protocoles établis pour le traitement des condamnés ».

Il semble que Satty ait été en contact avec les services de sécurité bien avant et après la période 2010-2014. El País poursuit : « De nouvelles preuves issues de l’enquête sur les attaques, que la Cour nationale garde secrètes, montrent qu’Es Satty était presque une vieille connaissance des forces de sécurité depuis son arrivée en Espagne en 2002. Son nom figurait déjà dans la liste de contacts téléphoniques de certains des détenus pour les attaques du 11 mars, selon des sources dans les agences antiterroristes ».

En 2006, Satty a été arrêté en tant que membre d’une cellule terroriste basée à Vilanova. Il semble que son statut de « vieille connaissance » des services de renseignement lui ait bien servi ; il a été libéré et son affaire a été classée. Plus tard, cependant, il a été arrêté pour avoir tenté d’amener 121 kilogrammes de haschisch en Espagne dans sa voiture depuis le Maroc et emprisonné pendant quatre ans en 2010.

Après avoir quitté la prison en 2014, il s’est rendu dans la région de Bruxelles, où étaient basés de nombreux individus impliqués dans les attentats de 2015 à Paris. Il a été rejeté pour un poste d’imam en raison de son casier judiciaire, cependant, et est retourné prendre un emploi en tant qu’imam à Ripoll, en Catalogne. El País n’a pas confirmé le rapport d’OkDiario sur les contacts entre Satty et les Mossos. Cependant, il a écrit qu’il était inhabituel qu’il ait servi comme imam à Ripoll, car il avait « un casier judiciaire, ce qui en principe le rend inéligible pour un tel poste ».

Ces rapports montrent que les opérations criminelles de politique étrangère menées par l’OTAN depuis des décennies continuent de faire des victimes et de faciliter les attaques contre les droits démocratiques en Europe même. Depuis l’éclatement de la guerre en Syrie en 2011, des réseaux comme Al Qaïda, issu de la guerre de 1979 à 1989 de la CIA contre l’Union soviétique en Afghanistan, et l’ÉI, dont les origines remontent aux guerres impérialistes américaines en Irak et en Syrie depuis 1991, envoyer des milliers de combattants pour mener des attaques au Moyen-Orient.

Après l’attentat à la bombe du 22 mars 2016 à Bruxelles, le WSWS a écrit : « il est clair que les individus qui ont effectué les attaques à la bombe du 22 mars, les attentats du 13 novembre et celui de Charlie Hebdo à Paris font partie d’un groupe plus large de personnes à qui il est permis de faire librement l’aller-retour du Moyen-Orient. La seule conclusion que l’on puisse tirer de la facilité avec laquelle ces forces passent les frontières nationales et mènent leurs opérations est que des protocoles sont en place pour faciliter leur passage et neutraliser les signaux d’alarme. Ils opèrent sous un voile de protection officielle ».

Les dernières révélations sur Satty justifient une fois de plus cette analyse des fondements pourris de la « guerre contre la terreur » en Europe. Les interventions impérialistes, la promotion des haines anti-musulmanes et la volonté d’instaurer un régime policier et des états d’urgence à travers l’Europe reposent sur des mensonges politiques. Les islamistes ne sont pas des adversaires intransigeants et indétectables de l’impérialisme, mais des outils un peu capricieux.

Quand ils mènent des attaques en Europe, au lieu de viser des cibles choisies par les puissances de l’OTAN au Moyen-Orient, les gouvernements impérialistes s’en servent simplement comme prétextes pour davantage de mesures policières. Ceux-ci ne visent pas tant les islamistes, qui ont des liens profonds avec l’appareil d’État, mais ceux qui s’opposent à l’austérité et à la guerre dans la classe ouvrière.

Beaucoup de questions sans réponse restent basées sur les révélations au sujet de Satty jusqu’ici. Premièrement, si Satty était effectivement un informateur de la police qui « trompait » le CNI, comme l’écrit l’édition espagnole de Vanity Fair, qu’a-t-il dit à la police sur ce qu’il était en train de faire ? Pendant que sa cellule amassait une vaste collection de produits chimiques permettant de fabriquer de bombes, qui explosèrent accidentellement et prirent la vie de Satty, qui était la cible choisie d’après le CNI ?

Deuxièmement, le conflit entre Madrid et Barcelone au sujet du référendum sur l’indépendance catalane du 1ᵉʳ octobre, qui avait été annoncé le 29 juin, a-t-il joué un rôle dans la protection de Satty par le CNI ?

Le gouvernement du Premier ministre espagnol Mariano Rajoy a réagi à l’attentat du 17 août 2017 en discutant de l’imposition de la loi martiale, bien que Rajoy ait finalement décidé de ne pas l’appliquer. Après que Rajoy a lancé la répression policière sauvage sur le vote pacifique le 1ᵉʳ octobre, il a cependant suspendu le gouvernement élu de la Catalogne, le plaçant directement sous la domination de la police, au milieu des manifestations de masse à Barcelone et à travers la Catalogne.

Est-ce que certaines sections de l’appareil de sécurité, cherchant un prétexte différent pour le passage à un état policier qui était en train d’être préparé et discuté à l’intérieur de la machine d’État, ont voulu permettre une attaque afin de justifier l’imposition de la loi martiale ?

(Article paru d’abord en anglais le 20 novembre 2017)

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