George Monbiot, du Guardian, rejoint à la campagne de « fake news »

Semaine après semaine, les médias du monde entier bombardent les téléspectateurs et les lecteurs de dénonciations et d’avertissements sur les dangers des « fake news ».

La grande majorité de ces articles régurgitent les affirmations non fondées émanant de Washington, Londres et d’autres capitales que le président Vladimir Poutine a mis en place une armée de trolls Internet pour subvertir le processus démocratique, dans les intérêts de la Russie.

Un article de George Monbiot dans le journal britannique The Guardian souligne que l’objectif politique de la campagne anti-russe est de faire taire toutes les voix opposées au militarisme, à la guerre et à la réaction sociale.

Monbiot s’aligne sur l’appareil politique et de renseignement américain et britannique et se concentre sur la défense de l’intervention impérialiste en Syrie, à la fois directement et via des truchements islamistes pour renverser le gouvernement de Bachar al-Assad. Il dénonce des journalistes et des commentateurs politiques renommés de fournisseurs de « fake news ».

Dans son article, « Une leçon de Syrie : il ne faut pas alimenter les théories conspirationnistes d’extrême droite, ou, comment une attaque chimique en Syrie a engendré une série honteuse de théories du complot », Monbiot prendre la pose d’un défenseur de la démocratie. C’est un article paresseux et malhonnête.

Monbiot accuse le journaliste chevronné, Seymour Hersh, qui a démasqué les fausses déclarations de Washington selon lesquelles la gouvernement syrien avait lancé des attaques chimiques en août 2013 et encore le 4 avril 2017, d’avoir alimenté les théoriciens du complot de droite.

Il accuse le journaliste John Pilger et le professeur Noam Chomsky d’avoir cité Theodore Postol, professeur émérite de science, technologie et de sécurité internationale au « Massachusetts Institute of Technology » (M.I.T.), qui a critiqué l’analyse de Washington sur l’attaque chimique dans la Ghouta en Syrie en 2013.

Selon Postol, le gouvernement syrien n’aurait pas pu mener l’attaque de Khan Cheikhoun en 2017 parce que Damas s’était débarrassé de son stock d’armes chimiques sous la supervision de l'ONU ; l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) l’avait confirmé en janvier 2016. Il a noté que les djihadistes utilisaient des gaz neurotoxiques et le sarin depuis quelques années et a suggéré qu’un engin explosif posé sur le sol a vraisemblablement mis feu à un dépôt d’armes appartenant aux rebelles.

Monbiot accuse Pilger, Chomsky et Postol de créer « une atmosphère toxique » sur cette question. Il fait grand cas du fait que plusieurs politiciens américains de droite, dont l’ancien représentant Ron Paul et le représentant Thomas Massie, ont également demandé pourquoi Assad aurait lancé une attaque chimique sur son propre peuple dont il ne tirerait aucun avantage.

Monbiot établit ainsi un amalgame entre les voix de droite et de gauche afin d’empêcher ceux qui sont sceptiques des médias traditionnels à chercher et de trouver des sources d’informations honnêtes, progressistes et socialistes.

Il ne prend aucune position sur l’incident sur lequel il concentre l’attention de ses lecteurs.

L’explosion à Khan Cheikhoun, une villetenue par les rebelles dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie, a fait au moins 83 morts et de nombreux blessés. Les victimes semblaient avoir souffert d’une attaque chimique, peut-être du sarin, un gaz incolore et inodore interdit en vertu du droit international, et qui provoque un arrêt respiratoire et la mort.

Washington a utilisé l’attaque pour justifier une escalade militaire en Syrie. Sans aucune investigation des faits, les États-Unis ont lancé 59 missiles Tomahawk sur la base aérienne de Shayrat, d’où l’attaque au sarin aurait été lancée selon Washington, et tué cinq soldats et neuf civils.

L’attaque chimique avait toutes les caractéristiques d’une fausse opération destinée à justifier une telle attaque.

Monbiot est un écologiste qui s'est fait une réputation en tant que journaliste d’investigation. Mais les méthodes qu’il utilise dans son article sont une parodie de l’honnêteté et de la rigueur auxquelles on peut raisonnablement s’attendre.

Il accepte sans critique la ligne officielle de Washington et de ses alliés, qui fait porter la responsabilité pour l'attaque chimiques sur Damas, et les conclusions très limitées du rapport de l’OIAC, basé sur sa mission d’enquête, sans examiner soigneusement ses preuves. On n'a même psa l'impression qu’il ait pris la peine de lire ce rapport.

Monbiot écrit que l’OIAC a conclu dans son rapport en octobre « que l’atrocité avait été causée par une bombe remplie de sarin, larguée par le gouvernement syrien ». Mais il ne dit rien sur l’enquête de la mission FFM.

Le communiqué du FFM déclare que son objectif était «d’établir les faits entourant les allégations d’utilisation de produits chimiques toxiques à des fins hostiles dans le pays, elle [la mission] n’avait pas pour mandat de tirer des conclusions quant à l’attribution des armes chimiques».

Le FFM a basé son rapport sur des entretiens, des échantillons biomédicaux des victimes, des rapports dans les médias, des documents, et des échantillons, y compris ceux fournis par Damas.

Le FFM déclare explicitement qu’il n’a pas visité Khan Cheikhoun parce qu’il était et est encore tenu par des rebelles islamistes, y compris Hayat Tahrir al-Cham et Ahrar al-Cham et leurs affiliés, ce qui le rend trop dangereux. Aucun groupe de surveillance international n’a pu entrer dans Idlib pour accéder au site de l’attaque présumée.

Jerry Smith, l’enquêteur principal sur le terrain pour l’opération de retrait des armes chimiques de la Syrie en 2013, a averti que sans accès au site, il était impossible de collecter des données empiriques de manière objective.

Monbiot cite un journaliste du Guardian qui est apparemment allé à Khan Cheikhoun et a conclu qu’il n’y avait pas de dépôt d’armes près de la scène de la contamination qui aurait pu causer l’explosion du gaz sarin. Le journal est « la seule organisation de presse au monde à le faire », déclare M. Monbiot. Comment était-ce possible — en dehors de la collusion avec les rebelles dans le contrôle de la zone ? Il n'aborde pas cette question pourtant évidente.

La Mission FFM a conclu qu’un grand nombre de personnes, dont certaines étaient décédées, « avaient été exposées à du sarin ou à une substance semblable au sarin, et que ceci ne pouvait provenir que de l’utilisation du sarin comme arme chimique ».

Elle n’a pas dit qui elle pensait être responsable de la diffusion du gaz. Mais elle a également noté que les différents hôpitaux semblaient avoir commencé à admettre 57 victimes de l’attaque entre 6h40 et 6h45, soit avant l’attaque présumée. 10 des patients sont allés dans un hôpital à 125 kilomètres de Khan Cheikhoun et 42 patients dans un hôpital à 30 kilomètres de la ville.

L’OIAC a également signalé l’utilisation du sarin dans un autre « incident » dans le village d’al-Lataminah, à 25 kilomètres au sud de Khan Cheikhoun, cinq jours avant l’attaque principale, ce que les médias traditionnels ont étouffé. Elle n’a pas considéré les implications de ces faits pour son enquête sur Khan Cheikhoun. Mais la version officielle des faits déclare que l’attaque de Khan Cheikhoun était la première attaque sarin depuis l’attaque d’août 2013 sur Ghouta, près de Damas.

Monbiot écarte simplement la possibilité que les rebelles aient organisé l'attaque. Il écrit : « Je n’ai trouvé aucune preuve crédible que les djihadistes syriens aient eu accès au sarin ». Pourtant, même la mission de l’ONU a déclaré dans son rapport après l’attaque sarin d’août 2013 sur Ghouta que les deux forces s’opposant dans la guerre possédaient des armes chimiques en quantité. En outre, elle a fait observer que dans cinq sites où des armes chimiques étaient utilisées jusque-là, aucune des victimes n’était membre de l’opposition rebelle armée, tandis que sur trois sites, les victimes étaient des membres des forces syriennes. Ainsi, il était hautement improbable que le régime syrien ait lancé les attaques.

Le rapport confirme ainsi les soupçons de Carla Del Ponte, membre éminent de la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur la Syrie, qui a été l’une des premières, en mai 2013, à évoquer la possibilité que les rebelles aient utilisé l’agent neurotoxique sarin. Elle avait dit qu’il y avait « des soupçons forts et concrets, mais pas encore une preuve irréfutable ».

Dans son article « Le sarin de qui ? » dans le London Review of Books de décembre 2013, Seymour Hersh, le journaliste et lauréat du prix Pulitzer, a écrit : « Dans les mois précédant l’attaque, les agences de renseignement américaines ont produit une série de rapports hautement classifiés et culminants dans un ordre d’opérations officielles – un document de planification qui précède une invasion terrestre – citant des preuves que le Front al Nosra, un groupe djihadiste lié à al-Qaïda, maîtrisait la mécanique de la création du sarin et était capable de le fabriquer en quantité ».

« Quand l’attaque s’est produite, al Nosra aurait dû être un suspect, mais l’Administration [d’Obama] a sélectionné des renseignements pour justifier une attaque contre Assad ».

Tout récemment, le Département d’État américain a averti les voyageurs syriens que les principaux groupes rebelles du nord-ouest de la Syrie, qu’il dirige depuis la Turquie, possédaient non seulement des armes chimiques, mais les ont aussi utilisées : « Les tactiques de l’État islamique, de Hayat Tahrir al-Cham et d’autres groupes extrémistes violents incluent le recours à des kamikazes, des enlèvements, des armes légères et de petit calibre, des engins explosifs improvisés et des armes chimiques ».

L’OIAC déclare avoir reçu 15 allégations relatives à l’acquisition, la possession ou le transfert d’armes chimiques ou de produits chimiques toxiques par des groupes rebelles, dont deux visaient l’État islamique et sept al Nosra depuis juin dernier. Si Monbiot « n’a trouvé aucune preuve crédible que les djihadistes syriens ont accès au sarin », c’est parce qu’il a choisi de l’ignorer.

De représenter des critiques valables de la ligne officielle sur l’attentat de Khan Cheikhoun comme alimentant des théories de conspiration d’extrême droite est politiquement criminel. C’est une tentative transparente du Guardian de bloquer toute contestation des guerres, ouvertes et secrètes, menées par l’impérialisme américain et britannique et leurs alliés régionaux au Moyen-Orient sous couvert de préoccupations « humanitaires ».

The Guardian parle pour la bourgeoisie prétendument libérale. Tout en prétendant défendre l’opinion progressiste, son véritable rôle est de tenter de véroufiller l'opinion et de soutenir les impératifs stratégiques de l’impérialisme. C’est pourquoi il attaque « certains des plus célèbres croisés du monde contre la propagande », déclarant ainsi que toute critique des guerres de l'Otan est hors de portée et ne peut être tolérée. Le Guardian participe à la création d'un climat politique qui permet de faire avancer un programme de guerre, de censure et de répression intérieure.

(Article paru d’abord en anglais le 22 novembre 2017)

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