Des milliers de manifestants contre le congrès du parti Alternative pour l’Allemagne

Des milliers de gens, principalement des jeunes, ont protesté ce week-end à Hanovre, en Allemagne, contre l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti extrémiste de droite qui organisait son premier congrès depuis son entrée au parlement lors des élections fédérales de septembre. Si la police a estimé le nombre de manifestants à 6500, les organisateurs en a revendiqué plus de 10 000.

La police a sécurisé le lieu de réunion pour le congrès du parti avec un important déploiement de forces. Des policiers armés en tenue de combat complète, au moins huit canons à eau et des véhicules blindés – des « véhicules d’opérations spéciales » comme les appelle la police – ont protégé le centre des congrès de Hanovre et ont bordé la route de la manifestation.

Samedi matin, les manifestants ont cherché à bloquer les routes d’accès au centre de congrès. La police a réagi aux blocus assis de l’événement par des charges à la matraque et au gaz poivré, et en déployant des canons à eau, par temps de gel. Selon les médias, un manifestant a subi une fracture à la jambe et a dû être opéré à l’hôpital. Les agents ont arrêté quatre personnes et en ont mis six en détention.

Les blocus ont entravé samedi matin l’accès des délégués de l’AfD au centre de congrès, entouré de barbelés. Cela a retardé le début du congrès.

Les manifestations ont été appelées par une large coalition d’églises, de syndicats, de groupes militants et de partis politiques sous le mot d’ordre « Notre Hanovre : divers et solidaire ! Protestez contre l’extrémisme de droite et le populisme de droite ! » Samedi après-midi, une manifestation a défilé du lieu du congrès de l’AfD au centre de Hanovre, la capitale de la Basse-Saxe. La manifestation et le petit rassemblement qui a suivi dans le centre-ville sont restés pacifiques, malgré les unités de police militarisées qui ont cerné la manifestation.

Les sociaux-démocrates, les Verts, le Parti de gauche et les syndicats ont mobilisé leurs organisations de jeunesse. Le parti de gauche et certains syndicats avaient apporté à la manifestation leurs propres véhicules avec des haut-parleurs.

Le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP) et son organisation de jeunes et d’étudiants l’IYSSE ont distribué un tract soulignant la responsabilité des partis établis pour la montée de l’AfD.

« Pendant la campagne électorale, tous les partis, de la CDU / CSU conservatrice au Parti de gauche, ont fait campagne contre les réfugiés et ont préconisé une augmentation massive de la police et de l’appareil d’État », indique le tract. « Maintenant, ils intègrent l’AfD dans l’élaboration des politiques gouvernementales. Au Bundestag (Parlement), ils ont créé une grande commission, qui comprend des représentants de tous les partis, du parti de gauche à l’AfD. Le président social-démocrate allemand Frank-Walter Steinmeier et les médias saluent le dirigeant de l’AfD, Alexander Gauland, qui a appelé pendant la campagne électorale à une évaluation positive de la Wehrmacht de Hitler ».

Beaucoup de jeunes et d’étudiants qui ont participé à la manifestation étaient conscients de la responsabilité des partis établis dans le renforcement de l’AfD.

Sina, Birte et Ole étudient la philosophie à Hanovre. Sina a déclaré sur l’histoire de l’AfD : « Émergeant d’abord comme un parti anti-euro, rassemblé autour d’économistes privilégiés, l’AfD n’avait rien en commun avec le peuple, auquel il se réfère toujours maintenant pour justifier sa politique ». Les forces de l’extrême droite ont envahi le parti et s’en servent, a poursuivi Sina.

Elle pense qu’il faut investir plus d’argent dans l’éducation pour expliquer le danger que représente l’extrême droite et dans les dépenses sociales, afin de contrer la droite. « Sinon, ceux qui pensent que les partis établis ne les écoutent pas continueront à voter pour l’AfD », a-t-elle dit.

Birte a ajouté que c’était ça précisément le problème. « Les grands partis font sentir aux pauvres qu’ils ne sont pas écoutés », a-t-elle dit.

Ole pensait que la montée de l’extrême droite était un problème social et politique. « C’est pourquoi je suis ici aujourd’hui pour montrer ma présence », a-t-il déclaré. « Je ne soutiens pas l’idée d’empêcher le congrès de l’AfD. Cela ne résoudra pas le problème ».

Tous les trois ont constaté que les manifestations contre les néonazis et les forces de droite sont très répandues. « Parmi les étudiants, le sentiment d’opposition à la droite, en opposition aux coupes, etc., est fort », a dit Sina. Cependant, elle a reconnu, « C’est moins vrai chez les professeurs ».

Maria et Lina sont membres de l’organisation Save the children qui, jusqu’à récemment, avait son propre bateau en Méditerranée, la Juventa, qui a sauvé quelque 14 000 réfugiés. Le bateau a été immobilisé par la marine italienne début août parce que l’organisation a refusé de signer le « code de conduite » du gouvernement italien. Le code non seulement contredit le droit international de la mer, mais exige également que la police armée et les agents des frontières soient autorisés à monter à bord du navire.

Maria a trouvé très triste que l’extrême droite se montre de nouveau si ouvertement. « Nous ne pouvons pas leur permettre d’être vus et reconnus comme étant tout à fait normaux », a-t-elle dit. « Ce sont des gens de droite. Mais tous les partis les traitent comme s’ils étaient normaux. Selon la maxime : « Bon, ils sont plus à droite que la CDU / CSU, mais ça va ». Elle a entendu dire que beaucoup de gens ont postulé pour un emploi au sein du groupe parlementaire de l’AfD. « Ils disent que c’est juste un travail comme un autre. Mais ce n’est pas le cas. Je considère que traiter les forces de droite comme tout à fait normales constitue un réel danger ».

Lina pensait que les coupes sociales, en particulier en Allemagne de l’Est, étaient parmi les principales raisons de la montée de la droite. L’AfD exploite cela maintenant. « Maintenant, ce ne sont pas seulement des nazis avec la tête rasée et des bottes, mais des membres de l’establishment en costume et cravate qui disent : « Je ne suis pas nazi mais… » et qui commencent à répandre leur propagande de droite. C’est un vrai danger ».

(Article paru en anglais le 5 décembre 2017)

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