Il faut s'opposer à Trudeau et Trump, à l'alliance Canada-États-Unis et à la guerre impérialiste!

Pour une contre-offensive de la classe ouvrière basée sur l'internationalisme socialiste

1. Il y a deux ans le mois dernier, le Congrès du travail du Canada, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et d'autres syndicats québécois, les Verts, de nombreux ONG et groupes de la pseudo-gauche ainsi que le Nouveau Parti démocratique (malgré sa propre débâcle électorale) célébraient l'entrée au pouvoir du gouvernement libéral de Justin Trudeau. D'une seule voix, ils affirmèrent que le retour au pouvoir du parti traditionnel de gouvernement de la grande entreprise canadienne – un parti qui lors de son dernier mandat avait imposé certaines des plus importantes coupes sociales de l'histoire du Canada et déployé les troupes canadiennes dans une série de guerres et d'opérations de changement de régime dirigées par les États-Unis – constituait un changement «progressiste».

Le Parti de l'égalité socialiste s'opposa à ce frauduleux consensus «libéral de gauche». Le jour de l'élection, nous avons mis en garde dans une déclaration qu'«un gouvernement “progressiste” appuyé par les syndicats, peu importe sa composition précise (un gouvernement formé uniquement par les libéraux ou le NPD, ou une coalition formelle ou une alliance informelle entre eux), serait un instrument de la grande entreprise pour attaquer la classe ouvrière».

2. Cette analyse a été plus que confirmée. Le «véritable changement» réalisé par le gouvernement libéral, marqué par la «parité hommes-femmes», la diversité ethnique, sa posture pro-environnementale, pro-réfugiés et pro-«réconciliation avec les autochtones», s'est avéré une supercherie monumentale. Comme le gouvernement conservateur de Stephen Harper avant eux, les libéraux mènent une politique étrangère et nationale agressive et militariste qui vise à rendre le capitalisme canadien plus concurrentiel à l'échelle mondiale aux dépens des travailleurs.

Le gouvernement Trudeau a officialisé encore plus le régime fiscal réactionnaire d'austérité dans les dépenses sociales et d'impôt minimal pour la grande entreprise et les riches instauré par les précédents gouvernements libéraux et conservateurs. Suivant les conseils de BlackRock, Goldman Sachs, du McKinsey Group et d'autres divisions importantes du capital financier mondial, les libéraux ont mis en place la Banque de l'infrastructure du Canada, un outil servant à privatiser les transports, les réseaux énergétiques et les infrastructures sociales. Avec quelques légers ajustements, ils ont imposé le plan de financement de santé fédéral-provincial de Harper, qui va réduire le financement du réseau public de santé de dizaines de milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, et ils ont approuvé de nouveaux projets d'oléoducs socialement destructeurs et néfastes pour l’environnement, tout en rassurant en privé les pétrolières qu'ils étaient prêts à utiliser l'armée pour réprimer toute opposition populaire.

3. Le véritable caractère du gouvernement Trudeau en tant que gouvernement de réaction impérialiste est illustré par sa politique étrangère et de défense et sa détermination à renforcer le partenariat économique et militaro-stratégique du Canada avec Washington sous l'administration Trump, le gouvernement le plus à droite de l'histoire américaine moderne.

Poursuivant dans la foulée du précédent gouvernement conservateur et presque entièrement à l'insu de la population, le gouvernement libéral développe le rôle du Canada dans les principales offensives militaro-stratégiques de l'impérialisme américain – au Moyen-Orient, région riche en pétrole, et contre la Russie et la Chine. Ces offensives ont rasé des sociétés entières dans la grande région du Moyen-Orient, de l'Afghanistan à l'Irak, jusqu'à la Libye, et menacent maintenant de déclencher une guerre contre la Russie et la Chine, respectivement les deuxième et quatrième puissances nucléaires.

Le gouvernement Trudeau, comme l'a récemment révélé le ministre de la Défense Harjit Sajjan, se prépare à participer à une guerre catastrophique des États-Unis contre la Corée du Nord, utilisant le prétexte du rôle qu'avait joué le Canada dans la coalition, dirigée par les États-Unis, qui avait mené la guerre de Corée de 1950 à 1953. Politiquement, le Canada donne déjà un appui indéfectible à Washington. Trudeau et ses ministres ont joint à maintes reprises leurs voix à celles des États-Unis pour condamner la Corée du Nord, la qualifiant de menace particulière à la paix mondiale, et ce au moment même où Trump et le secrétaire à la Défense James Mattis menacent d'anéantir le pays appauvri de 25 millions d'habitants, et où les États-Unis et leurs alliés dans la région effectuent des exercices militaires pour inciter Pyongyang à déclencher une guerre.

4. Harper se vantait souvent du fait que le Canada est une «nation guerrière». Trudeau et ses ministres tentent de masquer les ambitions et les intérêts prédateurs de la classe dirigeante canadienne à l'aide d'une rhétorique qui fait référence au droit international et aux droits de l'homme. Mais leur politique est, au contraire, encore plus agressive.

Dans un important discours en juin dernier, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland déclara que la guerre demeurait toute aussi vitale pour défendre les «intérêts nationaux» du Canada au 21e qu'au 20e siècle. Le lendemain, les libéraux concrétisaient leur promesse de recourir à la «force» en présentant une nouvelle politique de défense. Elle engage le gouvernement à hausser les dépenses militaires de plus de 70% d'ici 2026, à acquérir de nouveaux navires et avions de guerre ainsi que de nouveaux drones, à développer de nouvelles armes de cyberguerre et à collaborer avec l'administration Trump pour «moderniser» NORAD.

5. Il y a de cela quatre décennies, la rhétorique de la «société juste» du premier ministre Pierre-Elliott Trudeau s'avéra une cruelle blague. Avec l'effondrement du boom économique d'après-guerre, le gouvernement de Trudeau père entra en collision frontale avec la classe ouvrière. Il imposa des mesures de «contrôle salarial» et, trois ans avant que Ronald Reagan congédie les contrôleurs aériens de PATCO, menaça de licencier en masse les travailleurs des postes qui défièrent la loi de retour au travail.

Aujourd'hui, la crise du capitalisme mondial est beaucoup plus profonde. Au nom de l'austérité, les gouvernements de partout dans le monde tentent d'éradiquer ce qui reste des droits sociaux acquis par les travailleurs dans les luttes de masse et révolutionnaires du siècle dernier. Comme lors de la Grande Dépression des années 1930, la détermination à faire payer la classe ouvrière pour la faillite du capitalisme va de pair avec les efforts de chaque clique capitaliste nationale pour améliorer sa position aux dépens de ses rivaux, à travers le protectionnisme et la guerre commerciale, et en s'assurant un accès aux marchés, aux ressources naturelles et à la main-d’œuvre bon marché à travers les politiques de grande puissance et la guerre.

6. Ce programme de guerre de classe et de militarisme est incompatible avec le maintien des règles démocratiques. La bourgeoisie s'oriente de plus en plus vers des formes de pouvoir autoritaire et encourage le développement de forces d'extrême droite qui font des immigrants des boucs émissaires, telles que le Front national en France et l'AfD en Allemagne. Au nom de la lutte contre les «fausses nouvelles», les gouvernements occidentaux sont en train de censurer Internet et les médias sociaux, surtout le contenu socialiste et antiguerre. Le World Socialist Web Site est l'une des principales cibles de cette campagne.

Au Canada, l'opposition sociale est de plus en plus criminalisée et la structure d'un État policier mise en place. Le droit de grève – comme l'a récemment démontré la criminalisation des grèves de 175.000 travailleurs de la construction au Québec et de 12.000 enseignants de collèges en Ontario – a été aboli dans les faits, ou du moins lorsque les travailleurs sont en position de force. Les libéraux de Trudeau ont conservé toutes les principales clauses antidémocratiques du projet de loi autoritaire C-51 de Harper, y compris donner le droit au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) de violer pratiquement n'importe quelle loi pour «contrer» de supposées menaces à la «sécurité publique» et accorder à l'appareil de sécurité nationale un accès total aux renseignements que détient le gouvernement sur chaque Canadien.

En refusant d'abroger ou même suspendre l'accord réactionnaire Canada-États-Unis sur les «tiers pays sûrs» et les réfugiés, et en s'empressant de mettre en place des mesures visant à dissuader les demandeurs d'asile de quitter les États-Unis pour le Canada, le gouvernement Trudeau aide à faire respecter la chasse aux sorcières anti-immigrante de Trump. Tout aussi révélateur est l'appui total donné par Trudeau au gouvernement espagnol, à sa répression violente du référendum catalan d'indépendance et à son imposition d'un régime militaire en Catalogne.

7. La classe ouvrière et le gouvernement Trudeau vont entrer en collision

Il n'existe pas d'appui populaire pour une participation du Canada dans les offensives militaro-stratégiques de l'impérialisme américain. C'est pourquoi l'intégration du Canada dans ces offensives se fait à l'insu de la population canadienne. Aucun des déséquilibres et contradictions qui ont amené l'économie mondiale au bord du gouffre en 2008 n'a été résolu. Le FMI et la Banque des règlements internationaux, entre autres, ont averti à maintes reprises que le Canada était particulièrement vulnérable à une nouvelle crise financière, car les Canadiens ordinaires, tentant de joindre les deux bouts dans un contexte où les salaires stagnent ou baissent et où le prix des maisons explose, ont accumulé une dette à la consommation et une dette hypothécaire sans précédent.

Au Canada, comme à l'échelle internationale, l'opposition sociale et les sentiments anticapitalistes grandissent. Dans les derniers mois, des grèves ont éclaté parmi diverses couches de la classe ouvrière, y compris parmi les travailleurs de la construction au Québec, les travailleurs de l'usine GM CAMI, les bagagistes de l'aéroport de Toronto employés par la multinationale Swissport ainsi que les enseignants des collèges communautaires de l'Ontario.

8. La même logique de classe qui pousse la classe ouvrière à entrer en lutte contre le gouvernement Trudeau va l'entraîner dans un conflit direct avec les syndicats et le NPD social-démocrate. Depuis des décennies, ces organisations complotent avec le patronat pour imposer les reculs et démanteler les services publics et les protections sociales.

La collaboration étroite des syndicats avec le gouvernement libéral Trudeau marque une nouvelle étape dans leur alliance tripartite «syndicats-gouvernement-patronat» contre la classe ouvrière. Les dirigeants du Congrès du travail du Canada (CTC), d'Unifor, du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), des Métallos et du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) ont rapidement fait la transition entre leur appui à Trudeau dans les élections de 2015, dans le cadre de leur campagne «N'importe qui sauf les conservateurs», et leur engagement à travailler avec le nouveau gouvernement lors d'une rencontre en novembre 2015 avec le tout nouveau premier ministre.

Les syndicats collaborent étroitement avec le gouvernement canadien dans les renégociations de l'ALÉNA et partagent son objectif de concevoir une entente qui pourrait à la fois répondre aux demandes de la grande entreprise canadienne et aux plans de Trump de forger un bloc commercial nord-américain plus explicitement protectionniste qui servirait mieux le capital américain dans sa lutte mondiale pour les marchés contre la Chine, l'Allemagne et le Japon.

Le NPD, en raison de son rôle de rival électoral des libéraux et de soupape de sûreté politique pour la bourgeoisie, se trouve officiellement dans l'opposition. Mais les politiciens sociaux-démocrates ne sont pas moins redevables à la grande entreprise ou farouchement opposés à toute opposition sérieuse de la classe ouvrière envers les libéraux que leurs traditionnels alliés des syndicats. Le gouvernement néo-démocrate albertain est un proche partenaire des libéraux fédéraux dans sa collaboration avec, et pour, les grandes pétrolières. En gardant un silence total sur l'examen de la politique de défense des libéraux, les sociaux-démocrates donnent un appui vital à la classe dirigeante canadienne et à ses plans de réarmement et de guerre.

9. Aux États-Unis, en Europe et partout dans le monde, la classe ouvrière fait face au même problème fondamental. Les partis et les organisations politiques qui sont traditionnellement associés à la gauche, les syndicats avant tout, ont systématiquement étouffé la lutte de classe et soutenu la guerre impérialiste. Cela s’applique tout autant au Parti travailliste britannique, au Parti socialiste en France et au Parti social-démocrate en Allemagne qu’aux néo-démocrates au Canada.

Pour que la classe ouvrière puisse lancer une contre-offensive victorieuse contre le gouvernement Trudeau et l’assaut de la classe dirigeante canadienne sur les niveaux de vie et les droits démocratiques, et contre la poussée dangereuse de la classe dirigeante vers la guerre, une nouvelle perspective politique et de nouvelles organisations de lutte sont requises.

Cette déclaration se penche sur des questions fondamentales de stratégie pour la classe ouvrière, y compris: comment s’opposer à la guerre, développer une contre-offensive contre l’assaut de la grande entreprise sur les droits démocratiques et sociaux et mobiliser la classe ouvrière en tant que force politique indépendante capable d’imposer sa propre solution à la crise du système capitaliste. La pierre angulaire de cette stratégie est l’internationalisme socialiste. Les travailleurs canadiens doivent lier leurs luttes à leurs frères et sœurs de classe aux États-Unis, au Mexique et internationalement dans la lutte pour mettre un terme au capitalisme et faire de la satisfaction des besoins sociaux, et non l’enrichissement d’une petite clique de capitalistes, le principe moteur de la vie socio-économique – en d’autres termes, remplacer le capitalisme par le socialisme.

La montée du militarisme canadien et le danger de guerre mondiale

10. Alors que l’année 2017 tire à sa fin, l’humanité n’a pas fait face à une aussi grande menace de conflagration mondiale depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L’ «impensable» – une guerre nucléaire dans la péninsule coréenne ou en Russie ou en Chine – est maintenant ouvertement discuté dans les médias et frénétiquement préparé.

Trump, qui emploie un langage qui n’a pas été utilisé par un leader mondial depuis les diatribes du Fürher nazi Adolf Hitler, menace la Corée du Nord de «destruction totale», tandis que le Commandement pacifique américain, qui serait à la tête d’une guerre contre la Corée du Nord ou la Chine, se vante qu’elle est «prête à se battre cette nuit».

11. L’impérialisme américain a répondu à la dissolution de l’URSS par la bureaucratie stalinienne en 1991 en lançant une campagne pour l’hégémonie mondiale. Il a cherché à compenser son déclin économique relatif, déjà très avancé, en employant la force militaire. Il a lancé une série de guerres dévastatrices et a rapidement implanté l’OTAN en l’Europe de l’Est.

Ces guerres, qui ont ciblé les Balkans, le Moyen-Orient, l’Asie centrale et l’Afrique du Nord, n’ont manifestement pas réussi à renverser l’érosion du pouvoir mondial américain. En réponse, l’administration Obama a lancé des offensives militaires et stratégiques qui ciblent directement la Russie et la Chine.

12. La bourgeoisie canadienne est entièrement complice de cette entreprise criminelle. C’est parce qu’elle voit le maintient de la domination globale américaine et son propre partenariat privilégié avec Washington, à travers l’ALÉNA, l’OTAN et NORAD, comme étant vital pour défendre ses propres intérêts et ambitions impérialistes.

En fait, dans des conditions où l’importance relative du Canada vis-à-vis les États-Unis en tant que partenaire économique a décliné en raison de la montée des liens commerciaux des États-Unis avec la Chine et le Mexique et de leurs nouvelles réserves de pétrole et de gaz de schiste, la grande entreprise canadienne a vu l’expansion du partenariat militaire entre le Canada et les États-Unis comme étant un moyen central pour garder son influence à Washington et obtenir une part du butin de la guerre impérialiste.

Le Conseil canadien des chefs d’entreprise (CCCE, maintenant le Conseil canadien des affaires) a émis une série d’analyses politiques pendant la première décennie de ce siècle qui demandaient qu’Ottawa développe des façons de déployer une «force crédible» partout dans le monde. Une telle «portée mondiale», soutenait le CCCE, «va préserver notre habileté d’avoir de l’influence sur la scène mondiale». Le CCCE, le lobby d’affaires le plus puissant au pays, a aussi travaillé avec les gouvernements libéraux de Chrétien-Martin et les conservateurs de Harper afin d’élaborer des plans pour créer un «périmètre économique et de sécurité» nord-américain. Ces plans ont été largement, mais pas complètement, réalisés.

13. Le Canada a été en guerre presque continuellement depuis 1999. Le déploiement d’avions de combat canadiens par le gouvernement Chrétien dans le but de participer au bombardement par l’OTAN de la Yougoslavie a été suivi de l’invasion et de la guerre de contre-insurrection en Afghanistan menées par les Forces armées canadiennes pendant 10 ans. En 2004, l’armée canadienne a participé au renversement du gouvernement démocratiquement élu d’Haïti. Un général canadien a dirigé la guerre de changement de régime menée par l’OTAN en Libye en 2011 qui, au nom des «droits de l’Homme» et de la «responsabilité de protéger», a tué des dizaines de milliers de personnes et a plongé le pays dans la tourmente. Les FAC sont retournées en guerre dans le Moyen-Orient en 2014 dans le cadre d’une opération touchant la Syrie et l’Irak et qui se poursuit jusqu’à ce jour.

14. Les ordres de bataille ont été donnés par des gouvernements libéraux et conservateurs successifs. Mais, tout l’establishment politique a embrassé le militarisme et la fausse «guerre contre le terrorisme», qui a été utilisée pour justifier des agressions impérialistes à l’étranger et de vastes attaques contre les droits démocratiques au pays. Le NPD a endossé chacune des interventions impérialistes canadiennes depuis la guerre en Yougoslavie, appuyé les hausses dans les dépenses militaires et défendu le partenariat militaire canado-américain qui est la pierre angulaire de la stratégie impérialiste canadienne.

Le Bloc Québécois et le Parti Québécois, les partis souverainistes du Québec, ont été encore plus belliqueux. Le BQ a régulièrement critiqué le NPD pour ne pas être suffisamment ferme dans son appui aux guerres du Canada et, de concert avec les conservateurs, le PQ et le BQ ont été à l’avant-scène de la promotion de sentiments antimusulmans qui a servi de couverture pour faire renaître le militarisme.

15. Pendant la campagne électorale de 2015, Trudeau a tenu un double discours, promettant d’étendre le partenariat stratégique du Canada avec les États-Unis tout en critiquant la «mission de combat» du gouvernement Harper au Moyen-Orient. De façon prévisible, cela s’est avéré être une ruse électorale. Les Libéraux ont annoncé de multiples prolongations du déploiement au Moyen-Orient, ont triplé la quantité de Forces spéciales en Irak et ont augmenté la contribution du Canada aux opérations stratégiques et de surveillance entreprises par la coalition de guerre menée par les États-Unis.

De façon similaire, le gouvernement Trudeau a étendu le rôle du Canada dans les deux autres offensives militaires et stratégiques des États-Unis. Les Forces armées canadiennes ont assumé la direction de l’un des quatre bataillons «avancés» que l’OTAN a positionnés de façon menaçante à la frontière de la Russie dans les États baltes et en Pologne. De plus, les FAC entrainent l’armée ukrainienne et la garde nationale afin de «libérer» l’Est de l’Ukraine, pour reprendre les mots de Trudeau.

S’appuyant sur un accord secret signé en 2013 entre le gouvernement Harper et Washington sur la coopération militaire dans le Pacifique, le Canada, sous les Libéraux de Trudeau, a intensifié son implication dans la planification et les provocations militaires de Washington en Asie de l’Est. La marine canadienne a récemment réalisé des exercices militaires dans la Mer de Chine méridionale et dans le Détroit de Malacca afin de tester son niveau de préparation pour la participation à un blocus économique de la Chine qu’imposeraient les États-Unis en cas de crise militaire, ainsi qu’avec la marine sud-coréenne plus au nord. En expliquant pourquoi la marine canadienne s’entraîne pour des opérations dans ce détroit qui relie les océans indien et pacifique, le chef d’état-major de la Défense, Jon Vance, a déclaré: «Si vous voulez avoir du respect et être pris au sérieux, vous devez être présent dans cette région.»

16. Tant Washington qu’Ottawa voient la Chine comme le vrai obstacle à la domination continuelle des États-Unis sur la région économique ayant la croissance la plus rapide et ils voient aussi la crise nord-coréenne incitée par Trump comme un moyen de mettre la pression sur la Chine, qui est depuis longtemps l’alliée principale de Pyongyang.

La classe dirigeante canadienne, menée par le haut commandement de l’armée, utilise également la crise coréenne pour essayer de faire basculer le public derrière la participation au bouclier antimissile américain. Malgré son nom, le bouclier antimissile vise à développer les moyens, pour les États-Unis, de lancer une guerre nucléaire «gagnable» et s’inscrit pleinement dans les préparatifs du Pentagone de dépenser 1000 milliards de dollars sur la «modernisation» de son arsenal nucléaire.

17. Devant le tonnerre d’applaudissements provenant de l’establishment politique et de la sécurité nationale, incluant Conrad Black et les néo-conservateurs du comité de rédaction du National Post, Freeland, dans son discours donné en juin sur la politique étrangère, a élaboré une stratégie agressive basée sur «l’emploi de la force» par l’impérialisme canadien dans des conditions où l’ordre international sous direction américaine s’écroule. Freeland a appelé à la construction des capacités militaires indépendantes du Canada afin de soutenir un partenaire américain qui ne peut plus porter seul le poids du «leadership mondial», mais aussi pour s’assurer de la capacité de la bourgeoisie canadienne à défendre ses propres «intérêts nationaux» sur la scène mondiale et son rôle de second violon dans le partenariat bilatéral des puissances impérialistes nord-américaines. Pour sa part, le Globe and Mail a déclaré que le Canada doit être à l’intérieur des «murs» de Trump.

L’impérialisme canadien et l’effondrement du capitalisme

18. L’arrivée au pouvoir de Trump, un milliardaire aux tendances fascistes, reflète le tournant de la bourgeoisie internationale vers la réaction. Avec son programme «L’Amérique d’abord» et ses appels à «redonner sa grandeur à l’Amérique», Trump ne fait que défendre, d’une façon plus éhontée et crue, la réponse de toutes les cliques capitalistes nationales rivales à l’effondrement du capitalisme. Dans une lutte de tous contre tous, chacun tente impitoyablement de défendre ses intérêts contre des rivaux stratégiques avoués et des alliés apparents.

Ces conflits sont enracinés dans les fondements mêmes du système de profit. Comme le Comité international de la Quatrième Internationale l’a écrit en 2016 dans une déclaration qui appelait à la construction d’un mouvement international mené par la classe ouvrière contre la guerre et l’impérialisme: «La cause essentielle du militarisme et de la guerre réside dans les profondes contradictions du système capitaliste mondial: 1) la contradiction entre une économie mondiale intégrée et interdépendante, et sa division en États-nations antagonistes; et 2) la contradiction entre le caractère social de la production mondiale et sa subordination, par la propriété privée des moyens de production, à l'accumulation de profit par la classe dirigeante capitaliste. De puissants consortiums de banques et de sociétés capitalistes utilisent «leur» État pour mener une lutte commerciale et, en fin de compte, militaire pour le contrôle des matières premières, des oléoducs et gazoducs, des routes commerciales et de l'accès à la main-d’œuvre pas chère et aux marchés qui sont essentiels à l'accumulation du profit.»

19. Toutes les puissances impérialistes défendent agressivement leurs intérêts mondiaux et sont conséquemment plongées dans une course au réarmement.

L’Allemagne, avec le soutien de la France, pousse pour le développement d’une armée européenne dans le but de faire valoir ses intérêts indépendamment des États-Unis et, si nécessaire, contre eux.

Le Japon appuie avec enthousiasme la campagne de guerre des États-Unis contre la Corée du Nord, utilisant la montée des tensions de guerre comme prétexte pour se débarrasser des derniers obstacles constitutionnels à une politique étrangère militaire et agressive.

L’Australie – une puissance impérialiste de second rang dont le développement et l’orientation stratégique sont en plusieurs points semblables à ceux du Canada – joue un rôle majeur dans les préparatifs de Washington pour une guerre contre la Chine. Les deux principaux partis de l’élite australienne ont déclaré que Canberra prendrait part à toute guerre que Washington déclencherait sur la péninsule coréenne.

20. La résurgence aussi ouverte de politiques militaristes, qui ont mené à deux reprises au cours du dernier siècle à une conflagration mondiale, est le produit de l’effondrement historique du capitalisme. La crise économique mondiale de 2008 n’était pas qu’un simple ralentissement conjoncturel, mais plutôt l’éruption d’une crise fondamentale. L’incapacité des puissances impérialistes de rétablir la croissance et les taux de profits d’avant 2008 imprègne la lutte pour les marchés et les profits d’un caractère encore plus conflictuel, alimentant les rivalités économiques et géopolitiques à travers le monde.

21. Le conflit commercial entre Boeing et Bombardier jette une lumière sur l’état véritable des relations commerciales entre les États, et particulièrement sur la façon dont les transnationales, dans un contexte de compétitivité frénétique croissante, travaillent avec leurs gouvernements respectifs pour défendre et élargir leur part de marché.

Alors que Washington s’apprêtait à imposer des droits compensatoires et antidumping préliminaires de 300 pour cent sur les appareils de la C Series de Bombardier, le gouvernement libéral a facilité des négociations entre Boeing et Bombardier, espérant que le constructeur américain abandonne sa plainte commerciale en échange d’une participation dans la C Series ou d’une entente conjointe visant à modifier les règles d’échange nord-américaines aux dépens de leur rivaux commerciaux.

Mais Boeing s’est soudainement retiré des discussions, sans doute après avoir appris que l’administration Trump se préparait à imposer des mesures punitives encore plus importantes que ce que prévoyait Boeing dans le but d’envoyer un message au monde entier sur ce que signifiait «l’Amérique d’abord». Bombardier a ensuite conclu une entente avec Airbus, le plus grand rival de Boeing, encore une fois avec la participation du gouvernement Trudeau, qui a joué un rôle clé pour éviter la disparition d’un «joyau» canadien et empêcher celui-ci de s’allier à une compagnie contrôlée par l’État chinois.

22. Dans son ouvrage fondamental L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine parle d’un «petit nombre d’États financièrement “puissants” par rapport à tous les autres» qui se trouvent au cœur des intrigues et agressions impérialistes. Le Canada est un de ces États.

Le Canada a été un belligérant majeur dans les deux guerres mondiales du siècle dernier. Alors que ces guerres furent pour la classe ouvrière des catastrophes sans précédent, la bourgeoisie, elle, a profité du massacre. Les guerres ont été les périodes où la croissance industrielle du capitalisme canadien a été le plus rapide et ont eu pour conséquence de renforcer la position mondiale de la bourgeoisie canadienne.

23. Au cours du dernier quart de siècle, le Canada est devenu un important exportateur de capital, étendant les tentacules de l’impérialisme canadien à travers le monde. Alors qu’en 1971 les investissements directs étrangers du Canada étaient de 6,8 milliards de dollars, ceux-ci ont augmenté à 435 milliards en 2002, puis à 1,050 milliards en 2016. C’est l’équivalent d’un peu plus de 50 pour cent du PIB canadien.

Les banques et autres institutions financières canadiennes, ainsi que les entreprises énergétiques, minières et d’infrastructure, sont particulièrement actives sur la scène mondiale. En Amérique latine et dans les Caraïbes, où le capital canadien est présent depuis plus d’un siècle, Ottawa a joué un rôle clé pour encourager la privatisation, les garanties aux investisseurs étrangers et autres politiques néolibérales. La classe dirigeante canadienne est également déterminée à devenir une puissance économique et militaire stratégique dans la région de l’Asie-Pacifique, alors que sa lourde présence dans les secteurs miniers et énergétiques pousse le Canada a joué un rôle de plus en plus actif en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique.

La bourgeoisie canadienne convoite également les ressources naturelles de l’Arctique qui, en raison des effets pervers du changement climatique, devient davantage accessible à l’exploitation. Cette volonté fait de plus en plus partie de la stratégie géopolitique et militaire canadienne et constitue un facteur dans la position agressive qu’Ottawa adopte à l’égard de la Russie.

24. D’un point de vue historique, la bourgeoisie canadienne a été privilégiée, ayant successivement servi de proche partenaire (à certains égards de plus proche partenaire) des deux plus grandes puissances capitalistes: la Grande-Bretagne au 19e siècle et les États-Unis au 20e.

Aujourd’hui, toutefois, les États-Unis sont au centre de la crise capitaliste mondiale et les politiques de «l’Amérique d’abord» de Trump déstabilisent la bourgeoisie canadienne.

25. Bien qu’ils tendent la main à Trump et cherchent à approfondir la collaboration militaire stratégique avec Washington, le gouvernement libéral et la bourgeoisie canadienne tentent de travailler avec les nombreux et puissants éléments au seins des partis démocrates et républicains et de la grande entreprise qui croient que Trump nuit aux intérêts impérialistes américains à long terme en voulant restructurer radicalement ou même répudier totalement les alliances traditionnelles menées par les États-Unis comme l’OTAN et l’ALENA.

Ces divergences mèneront possiblement à des secousses politiques majeures à Washington au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Mais peu importe les désaccords sur tel ou tel aspect des politiques de Trump, il n’y a aucun désaccord au sein de la classe dirigeante américaine quant à la volonté de défendre l’hégémonie américaine à travers le monde. C’est un secret de polichinelle qu’une administration dirigée par Hillary Clinton aurait intensifié l’intervention militaire en Syrie dans le cadre d’une politique plus agressive au Moyen-Orient et contre la Russie. En prévision d’une victoire électorale de Clinton, l’armée canadienne avait préparé des options pour que le gouvernement Trudeau intervienne en Syrie. En nommant Chrystia Freeland, un faucon anti-russe notoire, comme ministre des Affaires étrangères, Trudeau envoyait un signal à l’administration Trump que le Canada ne s’associerait pas à un quelconque rapprochement avec Moscou.

26. D’importants éléments de la stratégie de la classe dirigeante canadienne sont mis en péril. Au cours du dernier quart de siècle, le Canada s’est appuyé sur l’ALENA pour développer des «joueurs mondiaux» en fournissant aux entreprises un accès important à un grand marché «interne» et une plateforme pour accéder aux marchés en Amérique du Sud, en Europe et ailleurs. Bien que Trump agisse comme accélérant, les tensions grandissantes entre l’Europe et les États-Unis, tout comme celles avec l’OTAN et l’alliance transatlantique plus globalement, sont apparues bien avant son arrivée au pouvoir. Leur source remonte aussi loin que la dissolution de l’Union soviétique. La fin de l’URSS, qui éliminait une menace commune aux grandes puissances, a ouvert la voie à la résurgence des antagonismes inter-impérialistes. Pour la bourgeoisie canadienne, l’adhésion à la plus importante alliance militaire mondiale et ses relations étroites avec les puissances européennes lui ont servi non seulement à augmenter son influence sur la scène mondiale, mais également à contrebalancer l’asymétrie radicale dans ses relations avec Washington et Wall Street.

27. La réponse de la bourgeoisie canadienne aux pressions croissantes des États-Unis sera de déchaîner plus de violence sur la scène mondiale – comme elle l’a fait en menaçant de jeter le Mexique aux lions et de signer une entente bilatérale avec Washington si les discussions sur l’ALENA venaient à échouer – et plus de violence contre la classe ouvrière au pays. Déjà, le Conseil canadien des affaires, mené par l’ancien Vice-premier ministre libéral John Manley, ainsi qu’une série de représentants de la grande entreprise insistent que le Canada doit réduire les impôts des sociétés et des riches aussi drastiquement que Trump. Cela sera nécessairement remboursé par un assaut sur les services publics et les programmes sociaux.

Au même moment, la classe dirigeante, avec le soutien de la bureaucratie syndicale, le NPD et Québec solidaire, va utiliser les frictions avec ses rivaux américains pour mettre de l’avant un nationalisme canadien et québécois afin de subordonner la classe ouvrière à sa politique agressive.

28. La classe ouvrière doit s’opposer à toutes les factions de la bourgeoisie qui se font la guerre pour les marchés, les profits et les avantages géostratégiques, que ce soit sous la forme du protectionnisme national, de la consolidation de blocs commerciaux comme l’ALENA et l’Union européenne, ou du réarmement et de la guerre militaire. En réponse aux capitalistes, qui dressent les travailleurs les uns contre les autres dans la lutte commerciale et militaire, la classe ouvrière doit adopter le cri de guerre: «Travailleurs de tous les pays, unissez-vous».

Les travailleurs canadiens doivent prendre part à la construction d’un mouvement international contre la guerre. Un tel mouvement, comme le CIQI l’a expliqué, doit être basé sur la classe ouvrière, la grande force révolutionnaire de la société, unissant derrière elle toutes les forces progressives de la population. Cette démarche doit être résolument anti-capitaliste. Le seul moyen d’empêcher le capitalisme de plonger l’humanité dans une nouvelle guerre mondiale comme il l’a fait à deux reprises au siècle dernier est de désarmer la bourgeoisie par une révolution socialiste.

Par conséquent, le nouveau mouvement anti-guerre ne peut être bâti qu’à travers une lutte irréconciliable contre toutes les factions de l’élite dirigeante et leurs partis politiques. Cette lutte doit être liée à la défense des droits démocratiques et à l’opposition grandissante à l’insécurité économique et aux inégalités sociales. Elle doit finalement servir de fer-de-lance dans la lutte pour que la classe ouvrière devienne une force politique indépendante.

Les travailleurs ont besoin de leur propre parti politique indépendant, guidé par la compréhension que pour mettre un frein à la guerre et à toutes ses conséquences désastreuses, il est nécessaire de lutter contre sa source, l’ordre capitaliste mondial. Ceci ne peut être accompli que par la lutte pour un programme socialiste visant à mettre le pouvoir entre les mains de la classe ouvrière.

Les syndicats et le gouvernement Trudeau

30. Le gouvernement Trudeau a les liens les plus étroits avec la bureaucratie syndicale que tout autre gouvernement fédéral depuis des décennies. Alors que les libéraux de Trudeau poursuivent une politique étrangère agressive et militariste et que leurs proches alliés provinciaux, les gouvernements libéraux du Québec et de l’Ontario, imposent des programmes d’austérité, le président du Congrès du travail du Canada (CTC), Hassan Yussuff et le dirigeant d’Unifor, Jerry Dias, se vantent de leur accès sans précédent à Trudeau et à ses ministres. «Justin Trudeau et le gouvernement libéral nous voient comme des parties prenantes», s’exclame Dias. « Des parties prenantes légitimes et dotées d’une voix au chapitre».

Le partenariat des syndicats avec ce qui a traditionnellement été le gouvernement préféré de la bourgeoisie canadienne est le résultat d’une longue évolution de plusieurs décennies vers la droite de la part des syndicats et de leurs alliés dans le Nouveau Parti démocrate (NPD) social-démocrate. Les syndicats ont repoussé toutes les traditions de lutte ouvrière indépendante, se sont intégrés au patronat et à des structures tripartites syndicales-gouvernementales-patronales, et ont développé des sources de revenus qui leur donnent un intérêt direct dans l’exploitation de la classe ouvrière. Avec des actions valant plus de 10 milliards de dollars, le Fonds de solidarité de la Fédération du Travail du Québec est de loin le plus important fonds d’investissement de la province. Le NPD a activement participé au démantèlement des services publics et sociaux qu’ils présentaient dans le passé comme étant des preuves que le capitalisme pouvait être humanisé ou transformé « graduellement » en « socialisme», et il a abandonné son opposition même formelle à l’OTAN et à la participation américaine aux guerres d’agression.

31. Ceci fait partie d’un processus mondial. La fin du boom d’après-guerre et le tournant de la bourgeoisie vers de nouvelles technologies numériques, de télécommunications, et de transport dans la mondialisation de la production – afin de maximiser les profits à travers l’exploitation planifiée des ressources et de la main-d’œuvre mondiales – sape, sous les pieds mêmes des syndicats et sociaux-démocrates, le terrain national-réformiste visant à «contrôler» le capitalisme à travers la régulation étatique, la négociation collective, et l’État-providence.

La résistance syndicale à la grande entreprise s’est effondrée, et avec elle, le pourcentage de travailleurs inscrits aux syndicats. La confédération syndicale britannique (British Trade-Union Congress) a perdu plus de la moitié de ses membres en passant de 13 millions de travailleurs en 1979 à 5.6 millions aujourd’hui. Aux États-Unis, les syndicats représentent moins de 7 pour cent des travailleurs du secteur privé, et au Canada seulement 15 pour cent. Les partis réformistes traditionnels sont devenus des instruments pour la redistribution de la richesse des travailleurs vers l’oligarchie capitaliste. En Grande-Bretagne, ce fut le gouvernement travailliste Blair-Brown qui lança les guerres en Afghanistan et en Irak, privatisa une grande partie du secteur public, et en réponse à la crise financière de 2008, organisa le plus important sauvetage de l’élite financière dans l’histoire. En Allemagne, les sociaux-démocrates ont imposé des réformes du marché de travail qui ont créé le plus important secteur de main d’œuvre à bon marché en Europe et ont décimé l’État-providence, tout en organisant la première intervention étrangère de l’armée allemande depuis la Seconde Guerre mondiale.

32. Le partenariat entre syndicats et libéraux provient directement de l’étranglement par les syndicats du mouvement contre la Révolution du bon sens du premier ministre de l’Ontario Mike Harris et de son gouvernement conservateur. Craignant que les grèves et manifestations de 1996 et 1997, qui attiraient des milliers dans les rues, échappent à leur contrôle pour devenir un défi direct au gouvernement, les syndicats y ont mis fin. Peu après, ils ont formé un réseau, subséquemment renommé Working Families Ontario (Familles de travailleurs en Ontario), afin de promouvoir le «vote stratégique» pour les libéraux. Depuis 2003, les syndicats ont contribué à l’élection et au maintien de gouvernements libéraux successifs dans la plus importante province du pays qui ont démantelé les dépenses sociales, dépassé Harris dans la réduction d’impôts sur la grande entreprise et les riches, criminalisé les grèves d’enseignants et autres travailleurs, et lancé un vaste programme de privatisations.

En tandem avec ses alliés syndicaux, le NPD s’est également rapproché des libéraux. Peu après être devenu dirigeant du parti fédéral en 2003, Jack Layton a désigné un puissant comité chargé d’élaborer des «scénarios», dirigé par des éminences grises du parti comme l’ancien dirigeant fédéral Ed Broadbent et l’ex-premier ministre de la Saskatchewan Allan Blakeney, afin d’explorer les opportunités et technicalités d’une «coalition progressiste» avec les libéraux dirigés par Paul Martin.

Les syndicats et le NPD ont réagi à la crise financière de 2008 par une tentative avortée de créer un gouvernement de coalition Libéral-NPD, voué à « la responsabilité fiscale», à une réduction d’impôts de $50 milliards, et à la guerre en Afghanistan jusqu’en 2011. Quand la grande entreprise a signalé son appui pour la prorogation du parlement par Harper afin d’empêcher l’opposition de tenir un vote de défiance contre son gouvernement (ce qui revient à un coup constitutionnel), le NPD et les syndicats ont timidement consenti.

33. Les conservateurs sont ouvertement hostiles aux syndicats et prêts à éliminer les exemptions d’impôts sur les fonds d’investissement sponsorisés par les syndicats, ce qui réduirait les privilèges de la bureaucratie syndicale. Quant aux libéraux de Trudeau, ils tentent de renforcer l’appareil syndical en tant qu’outil de contrôle sur la classe ouvrière. Ils calculent que la position compétitive de l’impérialisme canadien à l’intérieur et à l’étranger peut être mieux défendue par l’intégration des syndicats en tant que «partenaires». Dans son discours de juin 2017 sur la politique étrangère, la ministre des Affaires étrangères Freeland a souligné un aspect important à ce sujet. Elle a décrit la perte d’appui populaire pour l’ordre capitaliste mondial causé par la croissance des inégalités sociales comme l’une des deux principales menaces auxquelles fait face la bourgeoisie canadienne, la deuxième étant le déclin de la domination mondiale des États-Unis. Les libéraux dépendent de leurs partenaires dans les syndicats pour exorciser le spectre de l’agitation sociale.

34. L’opposition des syndicats et du NPD à toute véritable résistance de la classe ouvrière à l’austérité a été illustrée par leur sabotage de la grève étudiante de 2012 au Québec. Les syndicats ont isolé les étudiants face à la violence policière croissante, tandis que le NPD n’a même pas offert le prétexte d’un appui verbal pour la lutte contre l’augmentation des frais universitaires, ou d’une condamnation de la loi du gouvernement libéral criminalisant la grève (loi 78). C’est précisément au moment où la grève menaçait de devenir l’étincelle d’un soulèvement de la classe ouvrière, des milliers de travailleurs sortant dans la rue contre la loi 78, que les syndicats sont devenus les promoteurs les plus énergiques de la fin de la grève. Sous le slogan «Après la rue, les urnes», les syndicats ont éteint le mouvement de masse embryonnaire, tout en rattachant politiquement l’opposition émergente à l’austérité au Parti Québécois, représentant du patronat québécois. De retour au pouvoir en septembre 2012 grâce à ses alliés syndicaux traditionnels, sans surprise le PQ a promptement continué les mesures d’austérité de leurs supposés opposants du Parti libéral fédéraliste.

35. Le rôle d’Unifor (anciennement Travailleurs canadiens de l’automobile ou TCA) dans l’isolement et le déraillement politique de la grève de cet automne à l’usine CAMI de GM, la première grève au Canada dans un lieu de travail des Trois grands de Detroit depuis plus de deux décennies, n’est pas moins révélateur. Les travailleurs étaient déterminés à mettre fin aux différents paliers de salaires et avantages et à d’autres concessions, mais Unifor n’a pas soulevé les revendications des travailleurs, et encore moins lutté pour elles. Au lieu de cela, il a qualifié la grève de lutte pour les «emplois canadiens» et s’est exclusivement concentré sur la demande de faire de CAMI le «principal producteur» de l’Equinox, afin de s’assurer que les travailleurs mexicains qui produisent le même modèle soient les premiers à perdre leur emploi lors du prochain ralentissement économique.

Cette demande réactionnaire représentait un renforcement de la stratégie nationaliste désastreuse que TCA/Unifor a adoptée depuis sa séparation des Travailleurs unis de l’automobile (TUA) en 1985 et la rupture des liens organisationnels entre les travailleurs de l’auto américains et canadiens forgés dans les luttes militantes des années 1930 et 1940. Pendant les trois dernières décennies, TAC/Unifor et les TUA ont affiné la stratégie de division des patrons de l’auto, dressant les travailleurs les uns aux autres dans une course vers la misère.

Le nationalisme d’Unifor – son opposition véhémente à la mobilisation de travailleurs de l’automobile canadiens, américains et mexicains contre toutes les réductions d’emplois et concessions – a laissé les travailleurs de CAMI sans défense. Quand GM a menacé de fermer l’usine et de transférer toute la production vers le Mexique si la grève continuait, Unifor a immédiatement mis fin à la grève et imposé une autre convention collective pleine de concessions aux travailleurs de CAMI.

36. Le rôle des syndicats en tant qu’agents de la grande entreprise canadienne est mis en lumière par leur intégration aux négociations de l’ALÉNA. Le président du CTC, Yussuff, siège au conseil gouvernemental de Trudeau pour l’ALÉNA aux côtés de l’apparatchik du NPD Brian Topp, de l’ex-leader provisoire des conservateurs Rona Ambrose, et de Linda Hasenfratz, PDG du deuxième plus important fabriquant de pièces d’automobiles canadiennes, Linamar. Dias de Unifor et le président du syndicat des métallos Leo Gerard sont «parties prenantes» des négociations et rencontrent régulièrement non seulement des représentants canadiens, mais également Wilbur Ross, le ministre milliardaire du Commerce de Trump.

Les syndicats accueillent la renégociation de l’ALÉNA à bras ouverts, présentant Trudeau et même le fascisant Trump comme des alliés de la classe ouvrière dans la protection du «commerce équitable». Ils partagent les objectifs de Trump de punir le Mexique et de faire de l’ALÉNA un bloc explicitement protectionniste visant les compétiteurs européens et asiatiques de la grande entreprise nord-américaine, en mettant de l’avant des mesures pour renforcer les manufacturiers canadiens aux dépens des ouvriers mexicains appauvris.

L’ALÉNA est un bloc réactionnaire des dirigeants impérialistes des États-Unis et du Canada et de la bourgeoisie mexicaine vénale pour mener la guerre de classe au pays et la guerre économique au-delà des côtes de l’Amérique du Nord. Mais il doit être combattu par la classe ouvrière du point de vue de l’internationalisme socialiste, et non pas du nationalisme économique.

37. Comme les travailleurs du monde n’ont aucun intérêt à devenir de la chair à canon dans les guerres que les capitalistes mènent pour les marchés, les ressources et le positionnement stratégique, ils doivent rejeter les tentatives des syndicats pour inciter des divisions nationalistes avec leurs frères et sœurs de classe et les piéger dans une guerre commerciale.

Si Washington, ou en l’occurrence le gouvernement Trudeau, devait abroger l’ALENA, ce serait dans le but de renforcer économiquement et politiquement l’élite capitaliste nationale. Notamment en attisant le nationalisme afin de détourner la colère montante sur les inégalités sociales, en légitimant une politique étrangère plus belliqueuse et en justifiant de nouvelles attaques sur la classe ouvrière afin d’aider «nos» compagnies. Les premières victimes de la guerre commerciale et de la réorganisation du capitalisme nord-américain qui résulterait de l’abrogation de l’ALENA seraient les travailleurs du Canada, des États-Unis et du Mexique.

38. Il ne peut y avoir de «commerce équitable» sous le capitalisme, un ordre social qui s’appuie sur l’exploitation et le pillage. Comme il ne peut y avoir de solution nationale à la crise à laquelle fait face la classe ouvrière. Le système dépassé des États-nations avec des cliques capitalistes rivales et leurs armées, frontières et tarifs douaniers est en soi une cause fondamentale de la crise.

L’intégration mondiale de la production et la révolution technologique qui l’a permise ont un immense potentiel de progrès social. En effet, ils ont créé les conditions objectives préalables pour une économie planifiée mondiale sous le contrôle démocratique des travailleurs où le travail et les ressources du monde sont systématiquement déployés pour servir les besoins humains. Mais sous le capitalisme, ils sont utilisés pour intensifier l’exploitation des travailleurs partout dans le monde et pour créer des instruments de guerre encore plus puissants.

39. Pour vaincre les sociétés transnationales, qui parcourent le monde afin d’implanter la production là où la main-d’œuvre, les taxes et les autres coûts sont les plus bas, et les gouvernements qui agissent comme leurs mercenaires, les travailleurs ont besoin de leur propre stratégie mondiale. Les travailleurs au Canada et dans toute l’Amérique du nord doivent s’unir avec les travailleurs en Amérique latine, en Europe, en Afrique et en Asie dans une lutte commune contre l’austérité et la guerre.

Les alliés des travailleurs canadiens ne sont pas les capitalistes et les PDG canadiens et leurs représentants politiques, mais les travailleurs américains et mexicains qui, comme eux, font face à un assaut acharné de l’État et des employeurs sur leurs droits sociaux et démocratiques et qui souvent travaillent pour les mêmes entreprises. En opposition à toutes les factions dans le conflit de la classe dirigeante sur l’ALÉNA, les travailleurs au Canada, aux États-Unis et au Mexique doivent mener une lutte commune pour des gouvernements ouvriers à Ottawa, Washington et Mexico au sein des États unis socialistes de l’Amérique du nord.

40. Les travailleurs doivent prendre garde: ceux aujourd’hui qui brandissent les drapeau canadien et québécois, incitant les travailleurs à se joindre à leurs patrons contre les travailleurs mexicains et chinois, seront demain les sergents-recruteurs pour la guerre. Les syndicats, comme le NPD, sont complices dans le renouveau du militarisme canadien. Lorsque le chef du NPD, Thomas Mulcair, a cherché à marquer certains points politiques dans les élections de 2015 en critiquant le contrat d’armement de 15 milliards de dollars du Canada avec l’Arabie Saoudite, Unifor a demandé qu’il se taise.

La pseudo-gauche et le NPD

41. Les syndicats et le NPD étant de plus en plus démasqués comme serviteurs de la grande entreprise, la pseudo-gauche joue un rôle crucial pour renforcer leur autorité et surtout empêcher le développement d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière. C’est à cette fin qu’elle fait la promotion d’une politique identitaire (l’obsession sur les questions liées au genre ou sur les personnes dites «racisées») qui est devenue, comme en attestent la rhétorique et les actions du gouvernement Trudeau, un pilier de la politique bourgeoise. La pseudo-gauche cherche, par le biais de Québec solidaire, à raviver le nationalisme indépendantiste québécois qui a été largement discrédité par les dures mesures d’austérité du Parti québécois. Elle est indifférente et hostile à la lutte contre la guerre impérialiste et le militarisme canadien.

Malgré sa rhétorique «radicale» et même «socialiste», la pseudo-gauche ne parle pas pour la classe ouvrière mais pour des couches mécontentes parmi les 10 pour cent au sommet de la société. Ces couches cherchent une redistribution des richesses et du pouvoir parmi les échelons supérieurs de la société, notamment en utilisant une politique identitaire pour obtenir une «juste part» des emplois professionnels et de gestionnaires au sein du régime capitaliste. De concert avec ces couches enrichies et égoïstes, la pseudo-gauche s’est déplacé rapidement vers la droite, en s’intégrant encore plus complètement dans la politique officielle et en faisant la promotion de l’impérialisme des «droits de l’homme.»

42. La pseudo-gauche fonctionne comme avocat et défenseur des syndicats pro-capitalistes, étant elle-même intégrée à la bureaucratie syndicale et orientée vers elle. Elle a systématiquement camouflé le soutien des syndicats aux gouvernements libéraux de Trudeau et McGuinty-Wynne. Les organisations comme Fightback (La Riposte) et International Socialists ont salué la campagne «Arrêter Hudak» qui a mené à la réélection du gouvernement libéral et servi de répétition générale à la campagne des syndicats en 2015 pour «n’importe qui sauf Harper». Leur analyse de la victoire électorale de Trudeau en 2015 a exclu toute mention du «vote stratégique» pro-libéral des syndicats, sans parler de leur suppression systématique de la lutte de classe.

Forcée d’admettre que les travailleurs sont aliénés des syndicats, la pseudo-gauche cherche à les confiner à des efforts futiles pour pousser les appareils syndicaux vers la gauche. Ils sont viscéralement opposés à l’appel du PES pour que les travailleurs construisent des comités de base indépendants des syndicats sclérosés pro-capitalistes afin de donner une expression organisationnelle et politique aux efforts des travailleurs pour faire valoir leurs intérêts de classe.

43. La pseudo-gauche a répondu à la montée du sentiment anticapitaliste en cherchant à réhabiliter politiquement le NPD. Elle a reporté sur Mulcair et son entourage toute la responsabilité du fiasco électoral du NPD en 2015, dont la véritable cause était que le NPD se présentait essentiellement comme une pâle copie de Harper. Et elle a ensuite utilisé la course pour choisir un nouveau chef fédéral du NPD pour véhiculer le mensonge que ce misérable parti social-démocrate peut être un instrument pour combattre l’austérité et même instaurer le socialisme.

La Riposte, Socialist Action et une panoplie d’autres groupes ont salué la candidature de la députée en vue Nikki Ashton. Ils ont affirmé qu’elle pourrait être la «Corbyn du Canada» – une référence au dirigeant du Parti travailliste britannique qui prend une pose de gauche – et ranimer les chances électorales du NPD. Lorsque Ashton a terminé loin derrière en troisième position, ils ont rapidement fait la transition pour promouvoir les supposées vertus du gagnant et favori de l’establishment du parti, Jagmeet Singh. Fightback a rejeté toute rupture avec le NPD, disant que Singh n’est pas «un Blairite de droite» et peut être poussé vers la «gauche», tandis que le groupe International Socialists déclarait avec enthousiasme que la victoire de Singh allait «élever la confiance» des «militants radicalisés».

44. L’évolution de Corbyn démontre clairement quels intérêts de classe sont desservis par la tentative de la pseudo-gauche de ranimer les illusions dans la social-démocratie et une perspective nationale-réformiste. Élu chef du Parti Travailliste en 2015, sur la base de fausses promesses de tourner le dos à l’austérité, de s’opposer à la guerre et de combattre l’inégalité sociale, Corbyn s’est plié à l’aile droite blairite sur toutes les grandes questions. Il a permis aux députés du Parti travaillistes de voter pour la guerre en Syrie, défendu le renouvellement de l’arsenal nucléaire britanniques et ordonné aux autorités locales contrôlées par les travaillistes d’instaurer des programmes d’austérité en coopération avec les conservateurs. Ce qui est au cœur de l’action de Corbyn a été récemment résumé par son plus proche allié et porte-parole de l’opposition travailliste sur les questions de finances, John McDonnell. Sous de fervent applaudissements, McDonnel a dit à une rencontre réunissant des représentants du Parti travailliste et des membres de la pseudo-gauche britannique que la tâche principale du parti est de «sauver le capitalisme».

45. La Grèce fournit un exemple encore plus clair de la faillite politique de la pseudo-gauche. Au Canada, comme autour du monde, la pseudo-gauche a salué l’élection en janvier 2015 de leurs co-penseurs de Syriza (Coalition de la gauche radicale) sur un programme qui combinait une promesse de mettre fin à l’austérité à un soutien de l’Union Européenne et de l’OTAN. Entièrement opposé à la mobilisation de la classe ouvrière grecque et européenne contre l’austérité et l’instrument de la grande entreprise qu’est l’UE, Syriza s’est tourné contre la classe ouvrière lorsque l’UE a ignoré ses appels à de modestes changements dans l’échéancier de remboursement de la dette grecque. Six mois après être entré au pouvoir et seulement quelques jours après que les travailleurs ont massivement rejeté les mesures d’austérité de l’UE dans un vote référendaire, Syriza a imposé un dur programme de réductions des dépenses sociales et de privatisations qui allait encore plus loin que les mesures d’austérité imposées par tous les gouvernements précédents. Soulignant leur rôle de défenseur du capitalisme contre toute menace de révolution d’en bas, les dirigeants du Projet socialiste, Leo Panitch et Sam Gindin, qui ont agi comme conseillers de Syriza en 2015, défendent le gouvernement Syriza jusqu’à ce jour comme une «expérience» incomplète d’«alternative au néolibéralisme».

46. Depuis des décennies, la pseudo-gauche fait la promotion du nationalisme québécois, étiquetant comme «progressiste» le programme de création d'une République du Québec capitaliste qui serait membre de l'OTAN, du NORAD et de l'ALÉNA. Sous la bannière de Québec solidaire (QS), ils cherchent à fournir une façade de «gauche» au mouvement d'indépendance ou de souveraineté dirigé par le Parti québécois. Un «nouveau parti de gauche» qui présente Syriza comme un allié, QS ne prétend pas être socialiste ou un parti de la classe ouvrière. Il se définit plutôt comme un «parti des citoyens», féministe, environnementaliste, souverainiste et antimondialisation.

QS a cherché à plusieurs occasions à forger des alliances électorales avec le PQ et a offert son soutien aux politiques de plus en plus explicitement anti-immigrantes et au chauvinisme anti-musulman de ce dernier, affirmant que la charte des valeurs québécoises était «légitime», quoique mal formulée. QS a joué un rôle significatif dans la mise en échec par les syndicats de la grève étudiante de 2012 avec son appel, alors que la grève battait son plein, d'une coalition électorale entre QS et le PQ. Il a aidé les syndicats en s'assurant que les luttes du secteur public en 2015-2016 demeurent contenues dans le carcan de la négociation collective et ne deviennent le fer de lance d'une opposition contre les mesures d'austérité du gouvernement Couillard. En guise de rapprochement avec le PQ et la bureaucratie syndicale qui lui est alliée, QS finalise actuellement une fusion avec Option nationale (ON), une petite faction de droite qui s'est séparée du PQ et qui presse QS d'abandonner les «enjeux sociaux» pour se concentrer exclusivement à la promotion d'une république du Québec indépendante et capitaliste.

Québec solidaire est la voix politique des couches petites-bourgeoises qui sont sous le joug de la faction de la bourgeoisie québécoise désireuse d'obtenir une plus grande autonomie d'Ottawa et de Bay Street pour conclure ses propres ententes avec Washington et Wall Street. Mais sa politique sert à soutenir la bourgeoisie canadienne dans son ensemble. QS a soutenu à la fois la coalition entre néo-démocrates et libéraux de 2008 et la campagne «N'importe quoi d'autre que conservateur» de 2015. Plus fondamentalement, avec sa promotion du nationalisme et avec ses revendications comme quoi les travailleurs québécois devraient se définir politiquement comme Québécois et s'aligner sur les capitalistes québécois comme Pierre-Karl Péladeau plutôt que sur les travailleurs du Canada anglais, QS contribue à la mise en quarantaine des luttes de la classe ouvrière québécoise et perpétue la division politique entre travailleurs québécois et canadiens-anglais qui a toujours servi de mécanisme important de l’ordre bourgeois au Canada.

Tout en défendant un Québec indépendant, QS est entièrement provincial et commente rarement les questions internationales. Néanmoins, il a appuyé à maintes reprises la politique étrangère et les guerres de l'impérialisme canadien, notamment la guerre néocoloniale en Afghanistan, la guerre de changement de régime menée par les États-Unis en Libye et ses dénonciations de la supposée agression russe en Ukraine.

47. Au cours du dernier quart de siècle, la pseudo-gauche au Canada, comme à l'échelle internationale, s’est affirmée comme une tendance de plus en plus explicitement pro-guerre et pro-impérialiste, qui a qualifié de «révolutions» diverses opérations de changement de régime en Libye, en Syrie et en Ukraine. Elle s’est arrangée avec les hauts dirigeants du NPD pour que la question de la guerre soit presque entièrement exclue de la campagne à la direction. La Riposte a été indignée lorsque le World Socialist Web Site a révélé que Nikki Ashton avait menti sans vergogne sur le fait d’avoir voté à deux reprises, avec le reste des parlementaires néo-démocrates, pour la participation du Canada à la guerre de l'OTAN contre la Libye.

Non à la guerre et au nationalisme! Construisons le Parti de l'égalité socialiste!

48. Dans les luttes à venir, les travailleurs du Canada, comme partout dans le monde, doivent être guidés par les leçons des immenses luttes révolutionnaires du siècle dernier, et surtout de la Révolution russe d'octobre 1917. Il y a cent ans, les ouvriers russes, sous la direction du Parti bolchevik mené par Vladimir Lénine et Léon Trotsky, démontraient dans la pratique que la classe ouvrière pouvait offrir une issue à la guerre impérialiste et à l'exploitation capitaliste: qu’elle pouvait conquérir le pouvoir, établir un gouvernement ouvrier et organiser la société autour de principes socialistes.

La révolution russe est née de l'effondrement du capitalisme mondial et a triomphé parce que, sous la direction des bolcheviks, elle a été imprégnée d'une perspective socialiste internationaliste. La révolution socialiste mondiale était la réponse de la classe ouvrière à l'impasse et à l'échec du capitalisme, à un effondrement qui allait ébranler le monde pendant les trois prochaines décennies et donner lieu à la Grande Dépression, au fascisme et à une seconde guerre mondiale. Le fait que le premier État ouvrier soit resté isolé et que le pouvoir politique ait été par la suite usurpé par une bureaucratie privilégiée dirigée par Staline ne diminue en rien la signification historique de la révolution, ni la pertinence contemporaine du programme qui l'animait.

49. Les commentateurs bourgeois se sont emparés de la dissolution de l'Union soviétique par la bureaucratie stalinienne pour déclarer la «fin de l'histoire» et l'impossibilité de toute alternative au système de profit. Un quart de siècle plus tard, les prétentions folles d'un nouvel âge d'or du progrès capitaliste sont une parodie. Le capitalisme mondial est embourbé dans une crise fondamentale. Les bourgeoisies impérialistes, dont celle du Canada, se tournent de plus en plus à droite, relancent le militarisme et se dirigent les yeux fermés vers une troisième guerre mondiale. La démocratie bourgeoise s'effondre, les élites dirigeantes rivales, incapables de trouver une base de soutien populaire à leur programme de guerre et d'austérité, se tournent vers la criminalisation de l'opposition sociale et attisent le nationalisme belliqueux, la xénophobie et toutes les formes de réaction sociale.

Mais tout comme il y a un siècle de cela, l'effondrement capitaliste produit également les conditions objectives de la révolution socialiste. Des millions de personnes se livrent à une lutte de classe acharnée pour défendre leurs emplois et leurs droits sociaux et démocratiques durement acquis. L'hostilité des travailleurs envers le gaspillage de ressources vitales par le réarmement et les intrigues de guerre de l'élite capitaliste est palpable. La mondialisation de la production a été associée à une augmentation spectaculaire de la taille et du pouvoir social de la classe ouvrière mondiale et a créé les moyens techniques pour coordonner les luttes internationales de la classe ouvrière comme jamais auparavant. C'est la tâche politique des socialistes de traduire ces tendances objectives en un programme révolutionnaire et en une organisation qui peut guider la classe ouvrière dans les luttes à venir.

50. Le rôle vital d’une direction révolutionnaire a été démontré par la Révolution russe et le rôle que le parti bolchevik a joué pour concrétiser le pouvoir créateur de la classe ouvrière. Aussi puissant que fût l'explosion révolutionnaire de 1917, un parti d'avant-garde doté d'une perspective scientifique marxiste était nécessaire pour révéler la logique de classe dans la lutte pour le pouvoir ouvrier et guider et organiser cette lutte au cours de la révolution.

Le Parti de l'égalité socialiste se consacre à la construction d'un tel parti aujourd'hui – la section canadienne du Comité international de la Quatrième Internationale. Le PES se base sur la lutte historique de la IVe Internationale, fondée par Léon Trotsky et dirigée depuis 1953 par le Comité international. Le CIQI a mené une lutte longue de plusieurs décennies pour défendre l'héritage du trotskysme orthodoxe, s'opposant à tous les efforts pour tromper la classe ouvrière par la promotion du stalinisme, du nationalisme bourgeois, de la social-démocratie et des conceptions idéalistes subjectives anti-marxistes associées au postmodernisme et à École de Francfort.

51. Nous luttons pour rallier la classe ouvrière au programme de la révolution socialiste mondiale. Cela exige une lutte sans relâche pour l'indépendance politique de la classe ouvrière envers tous les partis et organisations capitalistes. Cela inclut ceux qui, comme la pseudo-gauche, cherchent à garder les travailleurs sous l'emprise des syndicats procapitalistes et du NPD et qui font la promotion du nationalisme et de la politique identitaire au Canada et au Québec. En collaboration avec nos camarades du CIQI, nous plaçons la lutte pour construire un mouvement international dirigé par la classe ouvrière contre la guerre impérialiste au centre de notre travail politique.

Le PES se bat pour l'unité de la classe ouvrière (anglophones et francophones, immigrants et membres des Premières nations) et pour unir toutes ses luttes – contre le démantèlement des services publics, les suppressions d'emplois et les concessions, contre la violence policière et les atteintes aux droits démocratiques et contre les crimes de l'impérialisme canadien – en une mobilisation de masse pour un gouvernement ouvrier voué à une politique socialiste.

Dans toutes les luttes de la classe ouvrière, nous cherchons systématiquement à faire comprendre que les travailleurs canadiens doivent les lier à la résistance grandissante de la classe ouvrière internationale.

52. S'inspirant de cette perspective socialiste internationaliste, le PES insiste, à l'encontre de toute la gauche officielle et de la pseudo-gauche, sur le fait qu'une orientation stratégique sur les luttes de la classe ouvrière américaine doit être un élément fondamental de la stratégie de classe des travailleurs canadiens.

La défaite de l'impérialisme américain, qui est sorti des guerres mondiales et de la Grande Dépression du siècle dernier en tant que banquier et policier du capitalisme mondial, est une tâche stratégique de la classe ouvrière mondiale. En luttant de manière intransigeante contre leur «propre» bourgeoisie et en fusionnant leurs luttes avec celles de leurs frères et sœurs de classe américains, les travailleurs canadiens peuvent contribuer au développement de la classe ouvrière américaine en tant que force politique indépendante et aspirante au pouvoir. De même, les travailleurs canadiens seront énormément renforcés dans leurs luttes contre la guerre et l'assaut sur leurs droits sociaux et démocratiques par l'éruption de la lutte des classes dans le plus grand bastion du capitalisme.

Comme l'a expliqué le Parti de l'égalité socialiste américain dans une récente déclaration intitulée «Révolution de palais ou lutte des classes»: «la détérioration incessante des conditions de vie de la classe ouvrière aux États-Unis, et la violence inutile des guerres interminables menées par la classe dirigeante» sont en train de produire un «profond changement dans la conscience sociale des masses populaires ... La suppression de la lutte des classes par la bureaucratie syndicale, le Parti démocrate et les commanditaires aisés de diverses formes de politique identitaire tire à sa fin. La contre-révolution sociale des élites dirigeantes est sur le point de faire face à une résurgence de la classe ouvrière américaine».

53. La possibilité d'une action révolutionnaire commune du prolétariat nord-américain est inscrite dans son histoire et son être social. Tous les grands bouleversements de la classe ouvrière en Amérique du Nord – des Chevaliers du Travail aux grèves des années 1930 et aux bouleversements sociaux des années 1960 – ont recueilli un immense soutien des deux côtés de la frontière canado-américaine, y compris chez les travailleurs francophones du Québec. Depuis un demi-siècle, il y a une tentative concertée, menée par la bureaucratie syndicale et la pseudo-gauche, de dénigrer et d'effacer cette histoire de lutte commune. En opposition implacable à cela, et dans ses efforts pour démasquer le nationalisme canadien et le nationalisme québécois en tant que principales idéologies de la bourgeoisie canadienne, le PES se bat, en collaboration avec le SEP américain, pour que l'unité objective des travailleurs nord-américains au sein d'une économie continentale hautement intégrée devienne une stratégie révolutionnaire consciente.

54. Le PES exhorte tous nos partisans, lecteurs du WSWS et ceux qui cherchent un moyen de s'opposer à la guerre et à la réaction sociale à étudier cette déclaration. Vos questions et commentaires sont les bienvenus. Ceux qui sont d'accord devraient s'empresser de se joindre au PES et de le construire en tant que parti révolutionnaire de la classe ouvrière canadienne.

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