Les néo-fascistes français présentent un programme anti-UE et xénophobe aux élections de 2017

Ayant lancé sa campagne à Lyon, la candidate présidentielle du Front National (FN), Marine Le Pen, a dévoilé 144 engagements dans son programme électoral. Elle préconise des mesures brutales contre les immigrants et en particulier contre les musulmans, une politique intérieure sécuritaire, une augmentation des dépenses militaires, et une rupture avec l’OTAN et avec l’Union Européenne (UE).

Malgré l’hostilité massive envers ce programme dans la population française, Marine Le Pen a encore de fortes chances de remporter les présidentielles. Selon un sondage Ipsos publié ce jeudi, elle arriverait en tête au premier tour de l'élection, avec 25 à 26 pour cent des voix, devant Emmanuel Macron, avec 20 à 23 pourcent.

Cela reflète l’impopularité et la banqueroute du Parti Socialiste (PS) de Hollande, qui entre dans les derniers mois d’une présidence dominée par la guerre, l’austérité et son imposition de l’état d’urgence. Le parti est divisé au sujet du vainqueur des primaires, Benoît Hamon ; une section importante du parti soutient Macron, un ancien banquier d'investissement.

Les Républicains (LR) sont aussi en pleine crise, après la publication d'allégations que leur candidat, François Fillon, a rémunéré sa femme à la hauteur d'un million d'euros pour un travail fictif en tant qu'attachée parlementaire. Le Pen cherche a bénéficier de l’effondrement de la démocratie bourgeoise en France et du dégoût populaire croissant contre l’establishment politique en France et à travers l'Europe.

Macron, l’ex-ministre de l’économie sous Hollande, a aussi profité de la crise des deux partis ; les sondages montrent qu'actuellement il vaincrait Le Pen au second tour. Cependant, en évoquant une enquête Ifop selon laquelle seulement 36 pourcent des électeurs de Macron sont sûrs de voter pour lui, Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l'Ifop, a déclaré : « Marine Le Pen, est la candidature la plus sérieuse pour le second tour, compte tenu de la continuité du score du FN depuis 2012 ».

Macron « bénéficie de l'attente de renouvellement, il bénéficie de la difficulté des candidats des partis de gouvernement, Benoît Hamon et surtout François Fillon, mais il a la part d'électeurs la moins sûre de leur choix, les plus indécis », a-t-il ajouté.

L’élite dirigeante française, et surtout le PS, s' inquiète de plus en plus de la large désillusion avec les partis traditionnels et de la possibilité croissante d’une victoire du FN. Le Monde a écrit jeudi : « Au Parti socialiste, c'est la panique. Pas tellement parce que Hamon serait un mauvais candidat, mais parce que tout sourit à Marine Le Pen […] La victoire de Donald Trump, le candidat anti-élite, à la tête d'une démocratie aussi ancienne et puissante que les États-Unis démontre que le populisme peut gagner un peuple éduqué, à la pointe de la technologie la plus avancé. »

L’élection de Trump a intensifié l’incertitude profonde et les tensions politiques en Europe. Le Pen soutient activement Trump, dont l’administration soutient le FN – les milieux médiatiques et politiques passent largement sous silence le soutien qu'offre le FN à Trump, malgré l’impopularité écrasante de Trump en France. Le programme du FN évoque la condamnation de l’UE par Trump en tant qu'un outil de l’Allemagne, ainsi que sa célébration du vote Brexit l’année dernière.

Dans le tout premier article de son programme, le FN s'engage à organiser un référendum sur un retrait français de l’UE. Il déclare que la France doit « retrouver notre liberté et la maîtrise de notre destin ». Le FN prétend vouloir quitter l’OTAN, ce qui renvoie aux remarques de Trump selon lesquelles l’alliance est « obsolète », et mener une politique étrangère plus indépendante, avec « une capacité de Défense autonome dans tous les domaines ».

En matière de militarisme, Le Pen propose d'augmenter le budget de la défense à 2 pour cent du PIB dès sa première année en fonction, puis à 3 pour cent avant la fin de son mandat ; le rétablissement du service militaire obligatoire d’un minimum de 3 mois ; et la pérennisation de l’arsenal nucléaire français.

La militarisation de la France ne vise pas seulement des cibles extérieures, mais aussi la classe ouvrière à l’intérieur. Le FN promet de « réarmer massivement les forces de l’ordre », de recruter 15 000 policiers et gendarmes et d'effectuer la « modernisation » de leurs armes. Il propose de cibler les banlieues et d'organiser « la reprise en main par l’État des zones de non-droit ».

Le Pen a aussi indiqué vouloir développer des liens plus étroits avec la Russie, et a appelé, à plusieurs reprises, à lever les sanctions américaines et européennes contre la Russie. Son orientation vers Moscou a entraîné des accusations sans preuves dans la presse que le Kremlin s’ingère dans les élections françaises pour favoriser Le Pen contre Macron, des allégations qui font écho à celles mobilisées contre la campagne de Trump.

Des divisions intenses éclatent au sein de l’élite dirigeante européenne sur la façon de répondre à la crise de l’UE et l’élection de Trump. Certains éléments de la classe dirigeante française veulent à tout prix éviter une présidence FN, qui pourrait entraîner la désintégration totale de l’EU.

Cependant, des sections importantes de la bourgeoisie française, que représente Le Pen, ont conclu que la monnaie unique nuit à la France et favorise l’Allemagne. Face à la faiblesse économique croissante française vis-à-vis de l’Allemagne, ils envisagent une stratégie qui consisterait à s’allier avec la Russie, l’administration Trump, ou les deux, pour faire pression sur Berlin.

Cet effondrement de l’ordre capitaliste international d'après-guerre a donné l'occasion au FN de se développer comme force centrale de la politique bourgeoise. Il se présente comme en un parti fiable à la bourgeoisie ; il a expulsé son fondateur, Jean-Marie Le Pen, en 2015 en raison de remarques qui défendaient le régime de Vichy et minimisaient l’Holocauste. L’expulsion de Le Pen père était une décision tactique de la part du FN, car ses opinions ouvertement réactionnaires nuisaient à la campagne de sa fille Marine pour « dédiaboliser » le parti.

Les tentatives du PS de constitutionnaliser la déchéance de nationalité, un principe invoqué lors de la déportation des Juifs vers les camps de concentration pendant l’Occupation, soulignent l’adaptation ouverte du PS à la politique du FN. Le PS a aussi imposé l’état d’urgence, brutalement démantelé le camp de réfugiés à Calais et soutenu l’interdiction du voile et des maillots de bain pour musulmanes dits « burkinis ». Après les attentats à Paris de novembre 2015, Hollande a invité Marine Le Pen à l’Elysée à plusieurs reprises, prétendument afin de construire « l’unité nationale ».

Les partis de la pseudo-gauche, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et Lutte Ouvrière (LO) ont joué un rôle tout aussi sale. En indiquant plus ou moins explicitement leur soutien pour Hollande en 2012, et en travaillant avec les syndicats pour étouffer la colère ouvrière contre la politique du PS, y compris la Loi travail de 2016, ils ont bloqué une opposition de gauche au PS, et ont ainsi laissé l’initiative politique aux mains de l’extrême-droite.

Le soutien du NPA et plus explicitement de LO à l’interdiction du voile et des burkinis, au nom de la laïcité et l’égalité des sexes, a ouvert un boulevard à Le Pen pour formuler davantage de politiques xénophobes et anti-musulmans. Dans la section de son programme intitulée « Refaire de la France un pays de libertés », le FN exige davantage d’attaques contre les musulmans ; il envisage de défendre les droits des femmes en « [luttant] contre l’islamisme ».

Le programme brutal et anti-immigrants du FN propose également l’augmentation des contrôles frontaliers ; la suppression du droit du sol ; l'interdiction de la naturalisation des étrangers en situation irrégulière ; et la simplification du processus de leur expulsion.

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