Mélenchon et Hamon peinent à s'allier aux présidentielles face à la crise du PS

Malgré les tentatives de part et d'autre de nouer un accord entre le candidat présidentiel du PS, Benoît Hamon, et celui de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, les deux candidats peinent à s'entendre sur une alliance entre leurs appareils aux présidentielles. Face au discrédit du PS, les vieux mécanismes cyniques de la politique social-démocrate, qui visent à bloquer toute expression de l'opposition des travailleurs sur la gauche du PS, sont en crise.

Alors que Hamon et Mélenchon pèsent autour de 14 et de 11 pour cent dans les sondages, leur stratégie d'alliance a jusqu'ici fait naufrage, face à des contradictions insolubles. Elu candidat PS aux primaires du 29 janvier à cause du rejet par l'électorat PS de son opposant, l'ex-premier ministre et bras droit de Hollande Manuel Valls, Hamon veut maintenir la politique du PS, tout en promettant de lancer une candidature de renouveau. Mélenchon est censé apporter au PS les voix nécessaires pour percer au second tour, tout en se faisant passer pour un radical.

Hamon se voit obligé d'assumer de plus en plus ouvertement le bilan du quinquennat de Hollande pour conserver le soutien de l'appareil social-démocrate. Ayant proposé une augmentation des budgets de défense voulue par l'OTAN, ainsi qu'un recrutement massif de policiers, Hamon laisse tomber sa promesse d'abroger la loi travail de Myriam El Khomri, citant les « aspects positifs » de la loi. Dimanche sur RTL, il a déclaré : « Ce que je veux, c'est une nouvelle loi travail ».

En même temps, des informations filtrent selon lesquelles des conflits opposeraient Hamon aux membres de l'entourage de Valls qui dirigent le PS et qui participent à sa campagne électorate.

Mélenchon, pour sa part, tente de faire peser une pression toujours plus grande sur Hamon pour négocier un accord avec lui mais n'ose pas pour l'heure accepter l'accord que pourrait lui proposer Hamon. Jeudi, il a publié un nouvel appel pour une réunion publique avec Hamon, que Mélenchon aurait rédigé parce qu'il « devenait difficile de s'épargner le ridicule d'une situation qui semblait bloquée ».

Cette ligne de conduite est réactionnaire et fausse, car elle ne vise en fait qu'à stimuler des illusions sur un PS réactionnaire et moribond. Mélenchon a proposé une série d'engagements manifestement inacceptables au PS, dont l'abandon du nucléaire, de la Loi travail et de l'état d'urgence. Puis il a exigé de Hamon, en tant que préalable à un accord, des garanties que le candidat PS respecterait ces engagements.

« Je te fais de bon cœur crédit de ta bonne foi », a déclaré Mélenchon à Hamon, « Mais nous ne pouvons avoir la naïveté de te croire sur parole alors même que tu es et reste le candidat d’un parti et d’élus majoritairement hostiles à l’orientation que tu défends. Il est donc légitime et honnête que nous te demandions des garanties politiques précises sur ton engagement à rompre avec le quinquennat et son bilan ».

Mélenchon a laissé entrevoir d'âpres rivalités d'appareil entre le PS et son allié de longue date, le Front de gauche de Mélenchon. Il souligne que « des accords d’appareils pourraient bien, hélas, démoraliser et désorganiser ce qui a été rassemblé de part et d’autre. Voyons ce que nous pouvons faire d’utile. Nous sommes bien d’accord que la présidentielle et les législatives sont étroitement liées. Dans ces conditions, parlons-nous avec sérieux, sincérité et loyauté à l’égard de notre peuple pour éclairer la décision et le choix qu’il va faire ».

Ces désaccords témoignent d'une profonde crise qui a couvé sur une longue période. Elle traverse le PS et ses alliés, dont le Front de gauche, qui ont servi de principal pilier du régime bourgeois en France depuis la grêve générale de mai-juin 1968, ainsi que leurs homologues dans les autres puissances impérialistes de l'OTAN. La menace de désintégration qui plane sur l'OTAN et sur l'Union européenne suite à l'élection de Trump et au Brexit, sur fond de crise économique, dynamite le cadre dans lequel ces alliances politiques se sont développées pendant des décennies.

De larges sections du PS ont déjà exprimé leur opposition contre Hamon, ou même promis leur soutien à l'ex-banquier et conseiller de Hollande, Emmanuel Macron, plutôt que d'appuyer le candidat de leur propre parti. Cet effondrement du PS, ainsi que le scandale révélé par le journal satirique Le Canard Enchainé à propos de l'emploi fictif de la femme du candidat LR François Fillon, et la fragilité de Macron minent également toutes les candidatures présidentielles, à part celle du Front national.

Le PS et la France insoumise ont agi dès le départ pour essayer de s'allier afin de créer ensemble une candidature viable sans se discréditer en s'associant à Hollande. Ils savaient tous que Mélenchon n'a aucune opposition politique fondamentale contre le PS. Admirateur de Mitterrand, l'ancien haut fonctionnaire de Vichy et fondateur du PS, Mélenchon a été au PS pendant des décennies alors que ce parti menait des guerres et des politiques anti-ouvrières.

Hamon, qui avait voulu paraître de « gauche » en proposant un revenu universel de 600-800 € par mois, a lancé des appels à l'unité avec Mélenchon et les Verts dès le soir du 29 janvier. Il a dit qu'il allait « commencer, demain, en unissant la gauche », et « proposer [au candidat à la présidence du Parti Vert] Yannick Jadot et à Jean-Luc Mélenchon, en particulier, que nous créons une majorité gouvernementale, sociale, économique et démocratique ».

Mélenchon a immédiatement répondu favorablement à Hamon, mais en indiquant que l'accord ne devrait pas trop l'exposer à des critiques sur son flanc gauche : « Il sera le bienvenu pour boire un bon café, mais il y a une chose qui n’est pas négociable avec moi, c’est l’effort gigantesque que nous avons fait pour mettre au point un programme qui tient la route ».

Mélenchon a proposé de remplacer certaines figures du PS, comme Myriam El Khomri, trop clairement liées au quinquennat de Hollande, afin de former l'alliance avec Hamon. Il a ajouté, « ce n’est pas possible que vous nous demandiez de former une majorité parlementaire gouvernementale cohérente. ... comment voulez-vous former une majorité pour abolir la loi El Khomri avec madame El Khomri comme députée du PS ? ».

Néanmoins, malgré les différends sans principes entre Hamon et Mélenchon qui ont bloqué un accord jusqu'ici, les appareils PS et Front de gauche continuent à pousser pour une alliance. Un membre du PS a regretté cette « comédie » des rapports Hamon-Mélenchon dans une entrevue avec Libération : « La tactique de Benoît est vieille comme le monde : dramatiser le danger FN et surjouer le vote utile sans jamais prononcer l’expression. Jean-Luc, lui, répond "garanties", ce qui est la moindre des choses, vu le quinquennat ».

«Si on met tout le monde dans une pièce, on n’en ressortira pas avec un candidat et un programme. C’est mort», a dit Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. Toutefois, Dartigolles a proposé une stratégie qui permettrait à l'un ou l'autre des deux candidats de se faire remarquer et se détacher de l'autre : «le plus exemplaire, le plus créatif dans une démarche de rassemblement marquera des points. Et celui qui s’écartera de ce chemin-là fera une faute politique».

En fait, une éventuelle alliance Mélenchon-Hamon serait un regroupement réactionnaire et dirigé contre la classe ouvrière.

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