Perspectives

Le mouvement populaire contre Trump et la chasse aux sorcières anti-Russie des médias capitalistes

Un jour après la conférence de presse extraordinaire de Donald Trump, la bataille au sein de l’État américain n’a fait que s’intensifier. Le conflit oppose un président des États-Unis d’ultra-droite à de puissants secteurs de l’appareil militaire et de renseignement, avec les médias capitalistes, le Parti démocrate et une partie des républicains servant de porte-parole de la CIA.

Il n’y a pas de faction progressiste dans ce différend, qui se concentre sur les questions de politique étrangère et de guerre. Trump est un représentant nocif de l’oligarchie financière. Il a truffé son administration de PDG et de milliardaires, aux côtés d’anciens généraux, de réactionnaires et de fascistes éhontés. Ses opposants dans l’establishment politique et médiatique sont eux-mêmes des réactionnaires, motivés non pas par des principes démocratiques, mais par la crainte que Trump s’éloigne de la politique agressive et militariste envers la Russie soutenue par l’establishment du renseignement et menée par le gouvernement précédent.

Vendredi, Trump a redoublé ses dénonciations des médias, déclarant sur Twitter que les « médias […] ne sont pas mes ennemis, ce sont les ennemis du peuple américain ! » Il a cité le New York Times, CNN et les principaux réseaux d’actualités.

Les médias, quant à eux, ont intensifié leur campagne contre le nouveau président, en le qualifiant d’allié, voire d’agent, du président russe Vladimir Poutine. La logique de cette opération, aux relents du maccarthysme, est la guerre. La diabolisation médiatique de Poutine, comme les opérations médiatiques similaires contre Noriega, Milosevic, Saddam Hussein, Kadhafi et Assad, est une préparation à l’agression militaire – cette fois contre la deuxième puissance nucléaire mondiale.

Pour ses propres raisons factionnelles, Trump a dit une vérité à la conférence de presse quand il a dénoncé les médias comme des menteurs et des canaux pour les coups tordus des agences de renseignement.

Le barrage de propagande est illustré par les pages éditoriales du New York Times, qui est devenu un organe de facto du Parti démocrate. L’éditorial principal et quatre des sept articles d’opinion publiés dans l’édition de vendredi ont été consacrés à un portrait de Trump en agent russe.

L’éditorial, « Appelons le Procureur spécial », est un cas d’école du journalisme jaune et de diffamation. Il utilise la méthode éprouvée consistant à affirmer une allégation non étayée comme si c’était un fait incontesté. Ainsi, il commence, « la question n’est pas de savoir si les liens de l’administration Trump avec le gouvernement russe doivent être étudiés […] ».

Quels liens ? Aucun n’a été prouvé, et certainement pas par le Times. Cela n’empêche pas le journal de traiter ses accusations comme des faits incontestables.

Plus loin, l’éditorial cite « les nouvelles selon lesquelles les membres du cercle intérieur de la campagne Trump ont été en contact répété avec des agents de renseignement russes l’an dernier […] », mais la « nouvelle » à laquelle le Times fait référence est sa Une publiée mardi, qui ne contient aucune preuve. Elle ne s’appuie que sur des assertions faites par « quatre fonctionnaires américains actuels et anciens », tous anonymes.

Même le Times s’est senti obligé de traiter ses « nouvelles » avec des réserves, comme la reconnaissance que « plusieurs associés de M. Trump […] ont fait des affaires en Russie », où « il n’est pas inhabituel pour les hommes d’affaires américains d’entrer en contact avec des agents de renseignements étrangers, parfois sans le savoir. »

Ces « faits » conduisent à la conclusion de l’éditorial selon laquelle « L’allégeance inexpliquée de M. Trump à ce pays [la Russie] et à son voyou de président, Vladimir Poutine », est une « préoccupation majeure ». C’est le modus operandi du maccarthysme. Le journal ne s’intéresse pas à la vérité, mais aux exigences de l’impérialisme américain par rapport à la campagne contre la Russie.

L’éditorial principal était accompagné d’un autre morceau d’hystérie anti-Trump de droite, celui-ci écrit par l’économiste « de gauche » et défenseur d’Obama et de Clinton Paul Krugman. Dans un article intitulé « Le silence des écrivaillons », il déclare : « Un dictateur étranger est intervenu en faveur d’un candidat à la présidentielle américaine – et ce candidat a gagné ». Il ajoute que « les associés du nouveau président étaient en contact avec des responsables d’espionnage du dictateur pendant la campagne » et « le président semble étrangement favorable aux intérêts du dictateur ».

Qualifier Poutine de « dictateur » est faux. C’est un nationaliste de droite et un représentant autoritaire de l’oligarchie russe. Cependant, il a gagné plusieurs élections, obtenant de l’appui en profitant de l’hostilité envers l’agression des États-Unis en Europe orientale. L’utilisation de termes tels que « dictateur » (et, dans l’éditorial, « voyou ») vise à créer la justification idéologique pour une guerre de un changement de régime supplémentaire.

Poutine est le produit de la restauration du capitalisme en Russie, soutenu avec enthousiasme par le Times et la classe dirigeante américaine, qui a eu des conséquences désastreuses pour la classe ouvrière russe. En 1993, le Times pouvait à peine dissimuler son enthousiasme pour le bombardement par Boris Eltsine du parlement russe, au prix de 2000 morts. Aucun ressentiment démocratique à l’époque, puisque Eltsine était jugé le meilleur véhicule pour implanter la « thérapie de choc » afin de démanteler l’industrie nationalisée et de détruire le réseau de protection sociale.

Rien de cette histoire n’a d’importance pour Paul « McCarthy » Krugman. Il révèle le sentiment pro-guerre qui anime ses critiques sur Trump quand il écrit que rien de ce que Trump « a fait depuis l’inauguration ne diminue les craintes selon lesquelles il est en fait une marionnette de Poutine. Comment un dirigeant sous un tel nuage de suspicion peut-il envoyer mourir des soldats américains ? »

Dans la couverture des événements par le Times et d’autres médias, il n’y a pas le moindre indice que les déclarations d’agents de renseignements anonymes devraient être traitées avec un certain scepticisme. C’est comme si les mensonges de la CIA au sujet des armes de destruction massive irakiennes (que le Times avait aidé à promouvoir) n’avaient jamais eu lieu.

Krugman est l’exemple de la corruption intellectuelle, politique et morale de ce qui passe pour l’intelligentsia libérale de gauche. Les couches sociales privilégiées pour lesquelles Krugman parle ont vu leurs revenus grimper régulièrement avec le marché boursier, tandis que les revenus des travailleurs se sont effondrés. Ils sont devenus des défenseurs ouverts de l’impérialisme, de l’État capitaliste et de la CIA. L’intégralité de la « gauche » officielle, de Michael Moore, qui a qualifié Trump de « traître russe », à Bernie Sanders et Elizabeth Warren, qui ont émis leurs propres déclarations anti-Poutine, affiche son soutien de la campagne anti-russe.

Il y a un fossé infranchissable entre l’opposition aux politiques réactionnaires et antidémocratiques de Trump parmi les masses ouvrières et les jeunes d’un côté et le programme de droite et de guerre des agences de renseignement et de leurs représentants au sein du Parti démocratique et des médias de l’autre.

Les critiques de Trump qui font partie de l’establishment font tout ce qu’ils peuvent pour infecter la conscience publique avec le virus du militarisme et pour détourner un mouvement populaire à des fins réactionnaires. Une mise en garde est nécessaire contre tout adaptation à leur sale campagne.

La tâche pressante dans la lutte contre l’administration Trump est une rupture claire et sans équivoque d’avec le Parti démocrate. Cette lutte doit s’appuyer sur la classe ouvrière, rassemblant derrière elle tous les éléments véritablement progressistes de la société sur la base d’un programme politique socialiste et d’une opposition intraitable à l’impérialisme américain.

(Article paru en anglais le 18 février 2017)

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