Trump annonce le retrait américain de l’accord de Paris sur le climat

Le président Trump a annoncé jeudi que les États-Unis vont se retirer de l’accord de Paris sur le changement climatique. L’action, qui répudie même les engagements les plus modestes et non contraignants pour les réductions des émissions de gaz à effet de serre, a lieu en plein pendant des conflits croissants entre les grandes puissances capitalistes et une intense crise politique aux États-Unis.

Dans un important discours de 30 minutes dans le Rose Garden, Trump a justifié ce retrait par une réaffirmation retentissante du nationalisme de « l’Amérique d’abord », reprenant les thèmes fascistes déjà présents dans son discours inaugural et dans d’autres discours.

L’accord de Paris, selon Trump, est une « redistribution massive de la richesse des États-Unis vers d’autres pays ». L’accord, non contraignant, représente une grave menace pour la souveraineté américaine, a-t-il affirmé, et éliminerait selon lui des millions d’emplois, délocalisant l’extraction minière du charbon des États-Unis vers l’Inde, la Chine et l’Europe.

« Les villes américaines croulant sous la dette de 20 mille milliards de dollars ne peuvent pas embaucher suffisamment de policiers ou réparer des infrastructures vitales », a poursuivi Trump. « Des millions de nos citoyens sont au chômage, et pourtant, dans le cadre de l’accord de Paris, des milliards de dollars qui devraient être investis ici en Amérique seront envoyés aux pays qui nous ont confisqué nos usines et nos emplois. »

« L’accord de Paris nuit à l’économie des États-Unis afin d’obtenir les éloges des capitales étrangères et des militants internationaux qui ont longtemps cherché à s’enrichir au détriment de notre pays », a ajouté Trump. « Nous ne voulons plus que d’autres dirigeants et d’autres pays se moquent de nous […] J’ai été élu pour représenter les citoyens de Pittsburgh et pas ceux de Paris. »

Le langage du discours de Trump porte la marque indéniable du stratège en chef de ce président aux abois, Stephen Bannon, qui a été l’une des rares voix de premier plan du gouvernement à pousser pour le retrait. Bannon a occupé une place bien en vue hier lors de l’adresse, ainsi que l’administrateur de l’Agence de protection de l’environnement du gouvernement, Scott Pruitt.

Le président a laissé les conditions réelles de retrait entourées d’ambiguïté. Si les États-Unis vont cesser de mettre en œuvre l’accord sur le climat, il a laissé ouverte la possibilité de relancer l’accord de Paris selon de nouveaux critères ou de renégocier un nouveau pacte.

Ce discours a été prononcé au cours d’un conflit grandissant au sein de l’État américain en grande partie axé sur les questions de politique étrangère. Cela signifie un effort de Trump pour renforcer sa « base » par la promotion d’un nationalisme démagogique extrême, en essayant de détourner les tensions sociales aux États-Unis vers l’extérieur.

Dans la guerre politique à Washington, il n’y a pas de faction démocratique ou progressiste. Le gouvernement Trump est composé d’oligarques et de généraux qui incarnent le gangstérisme qui caractérise l’oligarchie financière et du grand patronat américain.

L’attitude que prend Trump en tant que défenseur de « l’homme laissé-pour-compte », une phrase utilisée hier à plusieurs reprises, est une fraude. Le rejet de toute mesure visant à lutter contre le changement climatique va de pair avec un programme consistant à réduire ou éliminer les programmes sociaux essentiels pour financer une expansion de l’armée et des cadeaux fiscaux pour les riches. Pruitt, un sceptique du changement climatique, mène un effort pour détruire la réglementation environnementale qui pèse sur les entreprises énergétiques qui mettent en danger la santé et le bien-être de millions de personnes.

Alors que les adversaires de Trump au sein l’establishment politique ont saisi hier l’occasion de se positionner en tant que défenseurs de l’environnement, l’accord de Paris conclu avec la participation du gouvernement Obama n’impose aucune contrainte importante sur les émissions de gaz à effet de serre.

En effet, le New York Times, dans un éditorial dénonçant la décision de Trump de se retirer, l’a avoué. « En vérité, l’accord n’impose à aucun pays à faire quoi que ce soit ; après l’échec de l’Accord de Kyoto de 1997, les Nations Unies, qui supervisent les négociations sur le changement climatique, ont décidé qu’elles n’avaient tout simplement pas l’autorité nécessaire pour faire adopter un accord juridiquement contraignant. »

Le soutien quasi universel de l’accord de Paris par les principaux géants de la finance et des grandes entreprises, y compris plusieurs des grandes transnationales de l’énergie, révèle sa nature : il protège avant tout les profits.

Les réactions des grandes entreprises hier ont été largement critiques. Elon Musk, le PDG du fabricant d’automobile électrique Tesla, et le PDG de Disney, Robert Iger, ont annoncé qu’ils démissionneraient du conseil consultatif économique du président. Le PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, a envoyé son tout premier tweet dénonçant une action de Trump. « La décision d’aujourd’hui est un revers pour l’environnement et pour la position de leader des États-Unis dans le monde », a-t-il écrit.

L’accord avait également bénéficié du soutien du géant énergétique ExxonMobil, ainsi que de son ancien directeur général et du secrétaire d’État actuel du gouvernement Trump, Rex Tillerson.

L’opposition au retrait par les entreprises est motivée en partie par des problèmes économiques, y compris les soucis des sociétés américaines qu’elles pourraient être confrontées à des taxes ou des droits de douanes en raison de ne pas être couvertes par l’accord international.

Plus fondamentales sont les préoccupations au sein de la classe dirigeante que les actions du gouvernement Trump, dont le retrait de l’accord de Paris, vont porter plus atteinte aux intérêts géostratégiques américains et à la position mondiale de l’impérialisme américain.

En particulier, la décision de jeudi intensifie le conflit avec l’Allemagne et l’Union européenne, qui ont historiquement joué un rôle de premier plan dans les accords internationaux sur le climat. Ces tensions ont été bien ressenties pendant les récentes rencontres de l’OTAN et du G7, à la suite de quoi la chancelière allemande Angela Merkel a souligné que l’Europe « doit prendre son destin en main. »

La réponse internationale à l’annonce du jeudi était rapide et combative. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a plaisanté : « tout n’est pas de fausses nouvelles dans les accords internationaux. » Hua Chunying, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a déclaré : « Le changement climatique est un défi mondial. Aucun pays ne peut se placer en dehors de cela. » L’Union européenne et la Chine prévoient de publier une déclaration conjointe vendredi à Bruxelles réaffirmant leur engagement envers l’accord de Paris, suite à des rencontres entre des responsables chinois et allemands pour discuter du développement de leur coopération en matière de politique économique et étrangère.

Nicholas Burns, un diplomate de carrière à la retraite et un sous-secrétaire d’État sous le président George W. Bush, a exprimé les préoccupations de sections de la classe dirigeante américaine dans un entretien avec le New York Times. « Du point de vue de la politique étrangère », a-t-il dit, « c’est une erreur colossale – une abdication du leadership américain. Le succès de notre politique étrangère – dans le commerce, l’armée, tout autre type de négociation – dépend de notre crédibilité. Je ne peux penser à rien de plus dévastateur pour notre crédibilité que cela. »

Dans un entretien accordé au Financial Times, Burns a décrit le retrait de l’accord de Paris comme « dévastateur », ajoutant que ce serait un « cadeau » pour la Russie et la Chine.

(Article paru en anglais le 2 juin 2017)

 

 

 

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