Conflits virulents au FN après le premier tour des législatives

Suite au premier tour de l‘élection législative dimanche où le Front national (FN) néo-fasciste a obtenu moins de 14 pour cent des voix, les conflits internes qui avaient éclaté au grand jour après la défaite de Marine Le Pen au second tour de l‘élection présidentielle du 7 mai, ont redoublé d‘intensité. On assiste en particulier depuis lundi à des échanges virulents entre le secrétaire général du FN, Nicolas Bay et le vice-président du parti, Florian Philippot. 

Ce dernier, issu du mouvement souverainiste de l‘ex-dirigeant du Parti socialiste (PS) Jean-Pierre Chevènement, est connu pour être l‘architecte de la tactique de « dédiabolisation du parti », destinée à faire croire qu‘il a rompu avec ses origines fascistes et pétainistes. Bay était responsable de la campagne électorale du FN pour ces législatives, Philippot avait dirigé celle de la présidentielle. 

Dans une interview au Parisien, Bay a attaqué Philippot lundi, disant « regretter que certains aient fait entendre des voix discordantes au sein du parti au lieu de se concentrer sur la campagne des législatives ». Ce à quoi Philippot a répondu, en visant Bay, éliminé dès le premier tour des législatives dans sa circonscription : « Moi je suis arrivé en tête dans ma circonscription, je me sens visé en rien. Mais chacun a sa part de responsabilité, y compris ceux qui ont dirigé la campagne de ces législatives.“ 

Si les heurts publics entre des dirigeants du FN ont eu ces derniers mois des prétextes divers comme l‘accord électoral de la présidentielle avec le souverainiste Dupont-Aignan, certains prenant pour cible Marine Le Pen, la dirigeante néo-fasciste elle-même, c‘est la ligne du parti envers l‘Union européenne et l‘euro qui émerge comme la cause principale du dernier affrontement. 

Le changement de position du FN sous la pression des banques en faveur du maintien dans l‘UE et l‘eurozone en pleine campagne présidentielle, passant d‘une sortie de l‘euro et de l‘UE (Frexit) à un maintien de l‘euro, avait déjà donné lieu à d‘intenses frictions dans l‘appareil néo-fasciste. A la mi-mai, le principal économiste du FN, Bernard Monot déclarait finalement dans une interview au quotidien britannique Telegraph qu‘il « n‘y aurait pas de Frexit » avec le FN. 

Juste après le second tour de la présidentielle début mai, Philippot avait menacé de quitter le FN si celui-ci renonçait à une sortie de l‘UE et de l‘euro. Une semaine plus tard, il décidait de constituer sa propre association au sein du FN, Les patriotes, avec lui comme secrétaire général. 

Robert Ménard, le maire de Béziers, un politicien influent au FN, a reproché mardi 13 juin à Philippot et à sa ligne de sortie de l‘euro d‘être « responsable de l‘échec à la présidentielle et du résultat de dimanche » au premier tour des législatives. Il a appelé à « trancher définitivement le débat sur la sortie de l'euro et la ligne économique ». 

Si une majorité du FN a décidé d‘adopter une politique plus européiste suite à l'opposition à un Frexit exprimée par les banques, l‘adoption d‘une telle politique est aussi due au revirement pro-allemand de la politique de l‘impérialisme français, mise en avant, entre autres, par Macron. Les critiques les plus bruyants de Philippot ces derniers jours parlent pour cette majorité. Ils cherchent à intégrer le néofascisme français dans un militarisme européen, surtout allemand, aspirant à dominer l‘Europe, et qui entre de plus en plus ouvertement en conflit avec les Etats-Unis. 

La politique représentée par Philippot est celle d‘une fracion du FN qui considère que le retour au franc permettra de mieux rétablir la compétitivité de l‘industrie francaise en « tonifiant » ses exportations, principalement contre l‘Allemagne, grâce a une monnaie faible, c‘est à dire en détruisant le pouvoir d‘achat des travailleurs. En novembre 2016, Marine Le Pen avait encore défendu, approuvant Trump qui venait d‘être élu, une politique du « protectionnisme intelligent » et de « patriotisme économique ». 

Une des critiques les plus en vue de Philippot durant la campagne électorale présidentielle avait été la députée FN et petite-fille du fondateur du parti néo-fasciste Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal Le Pen. Celle-ci avait déclaré après la présidentielle vouloir se retirer de la politique, avait renoncé à ses mandats et à présenter aux législatives. La presse avait suggéré à l‘époque que derrière les raisons officielles, il y avait celle de ne pas apparaitre en conflit avec sa tante, Marine Le Pen. 

Le FN ne cesse pas, malgré ses revers électoraux et la crise qui l‘agite, de représenter un énorme danger pour la classe ouvrière. Ce parti est passé par de nombreuses phases, selon que la bourgeoisie en avait un besoin immédiat ou pas. Il est fermement intégré au système politique et à l‘Etat. Il a constamment accru son influence dans les 25 dernières années, principalement dû à la politique réactionnaire menée par le PS et ses alliés staliniens et de la pseudo-gauche.

Ses dirigeants savent que la bourgeoisie impérialiste aura d'une façon ou d'une autre besoin de leurs services lorsque la situation changera. La bulle politique représentée par La République en Marche et par Macron, qui se gonfle pour essayer de cacher la fragilité du système politique tout entier, risque de se dégonfler vite ou d‘éclater au premier conflit politique sérieux avec la classe ouvrière. 

Tant que des charlatans politiques comme Mélenchon, soutenu par la pseudo-gauche continueront de bloquer une lutter politiquement indépendante des travailleurs contre la bourgeoisie, des partis comme le FN pourront se poser en défenseur des « petites gens » et gagner de l‘influence. 

Le clan Le Pen qui dirige le FN n‘a pas les conflits que suggèrent les médias. Marine Le Pen n'a jamais condamné le contenu des déclarations négationnistes de son père, elle a juste observé qu'il n'était pas opportun de les faire dans la situation où il les faisait. La direction du FN n‘a pas de conflit avec Marion Marechal Le Pen quand elle déclare devant l‘Action française royaliste et maurrassienne que « Le FN est le plus monarchiste des partis français », ni avec son catholicisme anti-avortement.

Cela reste un parti d‘extrême-droite, anti-parlementaire, virulemment opposé à la classe ouvrière, magré ses professions de foi « républicaines » qu‘il a pu d‘autant plus facilement faire que le PS lui-même, soutenu par la pseudo-gauche, instaurait l'état d'urgence, abolissait les droits démocratiques et l‘intégrait à la politique officielle en invitant Le Pen à l'Elysée.

Si le FN actuel a des problèmes à se mettre en phase avec les revirements politiques en France, sa priorité reste un agenda ultra-réactionnaire dont les deux piliers sont la défense de l‘impérialisme français à l‘extérieur et la répression violente de la classe ouvrière à l‘intérieur, une politique tout à fait compatible avec un maintien de l‘euro.

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