L'audience de Sessions: Une autre diversion anti-russe alors que s'intensifie la contre-révolution sociale en Amérique

La comparution de trois heures du procureur général, Jeff Sessions, devant le Comité du renseignement du Sénat était peut-être l'exemple le plus flagrant de la tentative de l'établissement de Washington et des médias institutionnels de détourner l'attention des Américains de l'agression frontale de l'administration Trump sur la démocratie, les droits démocratiques et les conditions sociales des travailleurs.

Pendant que l’administration arrête et déporte des milliers d'immigrés, dont la plupart risquent une mort imminente en retournant au Moyen-Orient et en Amérique centrale, et que le Sénat américain est dans les étapes finales du démantèlement de la couverture de santé pour des dizaines de millions de personnes, le Parti démocrate et les médias sont entièrement occupés à faire escalader des tensions entre les États-Unis et la Russie et à attiser une frénésie guerrière anti-russe.

Sessions a été bombardé de questions sur un sujet qui n’en était pas un: ses contacts présumés avec les responsables du gouvernement russe l'année dernière dans le cadre de son rôle de conseiller principal de la campagne présidentielle Trump. Au cours de cette campagne, Sessions s’est retrouvé en présence de l'ambassadeur de Russie, Sergey Kislyak, exactement trois fois: une réunion en face à face, et deux fois où Kislyak et lui étaient dans la même pièce dans le cadre d'une activité de campagne de Trump.

L'ancien sénateur d'Alabama a grandi dans le sud profond des années 1960, où il a appris que le mouvement des droits civils était une «conspiration communiste» dirigée par Moscou pour promouvoir le «mélange des races». La notion que ce réactionnaire convaincu a été séduit par les appâts du régime de Vladimir Poutine serait ridicule si elle n'était pas promue à des fins politiques si dégoûtantes.

Un démocrate après l'autre a cherché à coller l'étiquette de Poutine sur Sessions ou son patron, le président Trump, en cherchant à faire de l’audience une nouvelle étape, après le témoignage la semaine dernière du directeur limogé du FBI, James Comey, dans une divulgation à la Watergate des activités de la Maison-Blanche de Trump.

À la différence du Watergate, cependant, il n'y a aucune question de droits démocratiques dans la campagne anti-Russie. Deux factions réactionnaires de politiciens bourgeois et d'agents de «l'État profond» se battent sur des questions de la politique étrangère impérialiste: les États-Unis devraient-ils continuer la ligne anti-russe adoptée au cours du deuxième mandat d'Obama, soit confronter la Russie sur la Syrie, l'Ukraine, les pays baltes et d’autres enjeux, ou plutôt l'accent immédiat de l'agression diplomatique américaine devrait-il être mis sur la Chine et son allié la Corée du Nord.

Pas moins importante, la campagne anti-russe sert de diversion politique pour diriger l'attention du public américain vers une question complètement fausse et fabriquée de toutes pièces: la Russie est-elle intervenue aux élections présidentielles américaines pour aider Trump à gagner? Ainsi, le conflit bruyant qui se poursuit dans l'établissement à Washington masque en même temps les attaques systématiques de l'administration Trump sur la classe ouvrière.

Il suffit de considérer les questions qui n'ont PAS été soulevées. Les sénateurs démocrates n'ont pas demandé au procureur général de reconnaître que le «cirque» de mercredi au Congrès était un excellent exemple de ce processus de diversion. Sessions est responsable de certaines des politiques antidémocratiques les plus brutales de l'administration Trump. Malgré cela, aucun démocrate ne lui a demandé de justifier les interdictions de voyage anti-musulmanes que son ministère de la Justice a préparées et qui ont été rejetées à deux reprises pour inconstitutionnalité par les tribunaux fédéraux.

Sessions est un des principaux défenseurs des mesures anti-immigrées sauvages et le ministère de la Justice est l'agence gouvernementale principale qui tente de pénaliser les villes et les comtés qui ont cherché à protéger les immigrés contre le harcèlement fédéral en refusant de coopérer avec le Service de l'immigration et des douanes (ICE). Sessions a ciblé ces «villes sanctuaires» en leur retirant des fonds fédéraux, une autre action antidémocratique qui a été temporairement bloquée par les tribunaux.

Aucun démocrate n'a questionné Sessions sur les raids du week-end dernier effectués par les agents de l'ICE au Michigan et au Tennessee, où des centaines d'immigrés irakiens, dont la majorité sont catholiques Chaldéens, ont été rassemblés et envoyés dans des centres de détention fédéraux pour être expulsés en Irak, où ils seront en danger imminent de mort aux mains de l’État islamique (EI) ou des milices chiites. Et dire que l'administration Trump (et les démocrates) prétendent s'opposer à l’EI et défendre les intérêts des chrétiens!

Au cours des dernières semaines, Sessions a fait les grands titres des journaux pour ses opinions extrêmes en matière de «la loi» et de «l'ordre». Il a abrogé même les mesures largement symboliques contre la violence policière adoptées par l'administration Obama, tout en exigeant que des peines d'emprisonnement maximales soient imposées à tous les délinquants en toxicomanie, peu importe si leurs infractions sont mineures. Aucun démocrate n'a choisi d'interroger le procureur général sur ces questions lors de l'audience de mardi.

Cela fait partie d'une tendance plus large dans laquelle le Parti démocrate se concentre uniquement sur la campagne anti-russe pour miner l'opposition à Trump sur toutes les autres questions. Comme l'a fait remarquer l'article de perspective d’hier du World Socialist Web Site: «Les démocrates ne demandent pas des auditions sur l’assaut contre les soins de santé, les attaques contre les travailleurs immigrés, l’élévation des forces nationalistes d’extrême droite au sein de l’administration ou les plans de guerre contre la Corée du Nord, l’Iran et la Chine.»

Le New York Times a commenté, dans un éditorial publié mardi, que les républicains du Sénat rédigeaient un plan de soins de santé qui priverait 23 millions de personnes de l'assurance maladie, dans le but de le voter avant le 4 juillet sans audience ni débat public sur les dispositions de la loi. Les questions débattues à huis clos entre les dirigeants républicains sont limitées à des questions telles que de savoir si les soins «Medicaid» pour 10 millions de personnes devraient être progressivement éliminées sur trois ans ou sept ans: en d'autres termes, comment présenter la destruction des soins de santé afin d'embrouiller le public au sujet de l'impact réel du projet de loi.

Un article dans le même numéro du Times a noté le relatif silence des groupes opposés à la fois à la loi adoptée par la Chambre plus tôt cette année et au projet de loi complémentaire qui est débattu maintenant par le Sénat, y compris parmi ces organisations «presque tous les principaux groupes d'intérêt pour les soins de santé: les groupes de lobbying pour les médecins, les infirmières et les hôpitaux, ainsi que les défenseurs des patients atteints de cancer, de diabète, de maladie pulmonaire, de maladies cardiaques ou de malformations congénitales».

Le silence le plus important, cependant, est celui du Parti démocrate, la présumée opposition dans l'établissement politique à Trump et aux républicains. Les démocrates voteront probablement contre l'abrogation d'«Obamacare» et émettront de nombreuses protestations. Mais ils ne font rien pour s'opposer réellement à la destruction de la couverture médicale pour des dizaines de millions de personnes.

Au lieu de cela, les démocrates redoublent d'ardeur pour pousser l'administration Trump encore plus à droite sur la politique étrangère, vers une position anti-russe plus agressive qui entraîne le danger bien réel d'une guerre qui serait combattue avec des armes nucléaires.

(Article paru d’abord en anglais le 14 juin 2017)

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[13 juin 2017]

 

 

 

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