Le ministre fantôme des Finances travailliste qualifie l’incendie de Grenfell Tower de « meurtre social » : et lui, que va-t-il faire contre ça ?

S’exprimant lors de l’émission d’Andrew Marr de la BBC dimanche, le ministre fantôme des Finances du Parti travailliste, John McDonnell, a déclaré que les responsables du « meurtre social » à Grenfell Tower devraient être tenus responsables de leurs actes.

McDonnell a été interrogé par Marr pour savoir s’il maintenait ses remarques antérieures prononcées lors du débat de « la gauche » sur le site du Festival de Glastonbury, lorsqu’il a déclaré que les victimes du brasier de Grenfell Tower du 14 juin avaient été « assassinées par les décisions politiques prises au cours des dernières décennies ».

Interrogé sur un possible regret au sujet de ses déclarations, McDonnell a répondu : « Non, je ne le regrette pas […] Des décisions politiques ont été prises qui ont entraîné la mort de ces personnes. »

Plus tard, il a poursuivi : « Il y a une longue histoire dans ce pays du concept de meurtre social où les décisions sont prises sans égard pour les conséquences de celles-ci, et à cause de cela, les gens ont souffert. »

« C’est ce qui s’est passé ici, et je suis en colère […] Je crois qu’un meurtre social s’est produit dans ce cas et je crois que des gens devraient en être tenus responsables. »

McDonnell ne l’a pas dit, mais il citait Frederick Engels dans La situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845). Engels a condamné la classe dirigeante britannique pour les effets de l’approvisionnement en eau fétide, des logements exigus et des maladies sur la classe ouvrière :

« Mais lorsque la société met des centaines de prolétaires dans une situation telle qu’ils sont nécessairement exposés à une mort prématurée et anormale, à une mort aussi violente que la mort par l’épée ou par balle ; lorsqu’elle ôte à des milliers d’êtres les moyens d’existence indispensables, leur imposant d’autres conditions de vie, telles qu’il leur est impossible de subsister, lorsqu’elle les contraint par le bras puissant de la loi, à de­meu­rer dans cette situation jusqu’à ce que mort s’ensuive, ce qui en est la conséquence inévi­table ; lorsqu’elle sait, lorsqu’elle ne sait que trop, que ces milliers d’êtres seront victimes de ces conditions d’existence, et que cependant elle les laisse subsister, alors c’est bien un meur­tre, tout pareil à celui commis par un individu ».

Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer qui étaient les meurtriers, McDonnell a répondu : « Je pense qu’il y a eu une conséquence des décisions politiques au cours des années qui n’ont pas abordé la crise du logement que nous avons eu, qui ont réduit les budgets des collectivités, de sorte que les inspections appropriées n’ont pas été réalisées, et où 11 000 postes de pompiers ont également été éliminés, et même l’investissement dans les grandes échelles, et des choses comme ça dans notre pays. »

À la question franche de savoir si les responsables des coupes budgétaires étaient des meurtriers, il a ajouté : « Je crois que les politiciens doivent être tenus responsables. Je reste en colère pour le nombre de personnes qui ont perdu leur vie à la suite de décisions politiques prises au cours des années. »

McDonnell a subi les dénonciations des conservateurs, tandis que divers députés travaillistes se sont dissociés de ses commentaires.

Le ministre des Finances Philip Hammond a déclaré à Marr, « C’est une suggestion honteuse conforme à beaucoup d’autres choses que John McDonnell a dites au cours des années. Il n’y a pas la moindre preuve pour étayer cela. »

L’ancien chef du Parti conservateur Iain Duncan Smith a déclaré au Sun : « Il est tout à fait affligeant qu’il continue à faire cela », avant d’affirmer que cela faisait partie d’un complot ourdi par les partisans du dirigeant travailliste Jeremy Corbyn et par McDonnell, qui « cherchent la révolution. »

Emma Dent du Parti travailliste, députée nouvellement élue de Kensington, où se trouve la tour de Grenfell, a déclaré que l’accusation de meurtre social lancée de McDonnell « n’est pas une opinion que je partage ».

Jess Phillips, la coqueluche de Tony Blair de la droite travailliste a déclaré : « Les politiciens devraient choisir leurs mots prudemment sans l’intention de provoquer […] Je pense que nous devrions être très, très prudent en nous exprimant et j’ai regardé les gens, leurs faux espoirs incités par des politiciens. »

Le message commun de Phillips et Duncan Smith est : « Faites attention, n’éveillez pas les attentes publiques d’une justice bien rendue qui ne seront pas satisfaites, car cela soulève le spectre de révolution. »

Tout ce que McDonnell dit est vrai. Les morts de Grenfell sont victimes de meurtre social et les coupables sont les politiciens dont les décisions ont transformé cette grande tour et des centaines d’autres à l’échelle nationale en pièges mortels.

Mais McDonnell devrait être jugé sur ses actes, pas seulement sur ses mots.

Après avoir dit que les responsables devraient être punis, les travailleurs devraient exiger de savoir ce qu’il compte faire pour ça.

McDonnell, Corbyn et tout politicien qui prétend parler au nom de la classe ouvrière ont la responsabilité de nommer les coupables et de se battre à l’échelle nationale et au sein du parlement pour qu’ils soient traduits en justice.

Parmi ceux dont les décisions politiques ont conduit au brasier de Grenfell, il y a la direction du Parti conservateur, du passé et du présent, et celle du Parti travailliste aussi, tous ceux qui ont conjointement présidé aux privatisations sans fin et aux réductions de dépenses sociales brutales qui ont continué sans relâche depuis 1979. Parmi les coupables figurent Tony Blair, Gordon Brown, David Cameron, Theresa May et ceux qui vont probablement la remplacer, comme l’ancien maire de Londres, Boris Johnson, qui a saccagé la capacité d’intervention des pompiers de Londres.

Ce sont eux les éléments responsables de l’élimination de la législation essentielle en matière de santé et de sécurité et de la destruction des emplois non seulement des pompiers, mais aussi de million de travailleurs du secteur public depuis 2010 – qui ont transformé la Grande-Bretagne en aire de jeux pour les super-riches alors que les travailleurs étaient cantonnés dans des pièges mortels. Mais au lieu d’exiger que ces personnes et ceux qui sont les plus directement impliqués dans la tragédie de Grenfell dans le conseil municipal de Kensington et Chelsea soient convoqués pour répondre de leurs méfaits, McDonnell et Corbyn accordent un soutien crucial à l’enquête publique frauduleuse lancée par la Première ministre Theresa May.

Le document de consultation pour l’enquête indique clairement qu’il « n’entraînera pas en lui-même des poursuites pénales » et ne vise qu’à « fournir des faits et des recommandations au gouvernement et aux autres autorités ». Pour leur part, la police du Grand Londres n’a même pas placé une seule personne en garde à vue, sans parler d’une arrestation en rapport avec Grenfell.

Cependant, en réponse Corbyn s’est limité à dire que l’enquête devrait avoir un « panel ethniquement diversifié », prêtant conseil ainsi au juge Sir Martin Moore-Bick ! Parlant de la « série d’échecs systémiques pouvant s’étendre des collectivités locales au gouvernement national et au-delà » l’enquête devrait alors être menée « sur le plus long terme et d’une manière plus large » qui aiderait prétendument « à construire la confiance et à rendre justice ».

Aucune confiance ne devrait être accordée à l’enquête pourrie de Theresa May qui cherche à étouffer l’affaire, ni à la tentative des travaillistes de la rendre plus digeste. L’incendie de Grenfell est un crime de capitalisme contre la classe ouvrière. Il faut y répondre par le développement d’un mouvement politique de la classe ouvrière indépendant de tous les défenseurs politiques du système de profit.

La demande que tous les coupables de meurtre social à Grenfell dans les milieux politiques et commerciaux soient arrêtés, inculpés et jugés doit résonner partout.

Le Parti de l’égalité socialiste appelle à ce que cela soit lié à un programme socialiste élargi de demandes visant à répondre aux besoins essentiels des travailleurs en matière de logements sûrs, des emplois, une éducation et des soins de santé corrects, ce qui impliquera la réquisition immédiate de logements vides à Londres pour loger correctement les personnes sans domicile et l’inversion de toutes les réductions budgétaires pour les pompiers et autres services essentiels.

Des centaines de milliards de livres doivent être alloués pour enlever le bardage des tours d’immeuble, installer les systèmes de gicleurs et les rendre sûrs. Cela devrait faire partie d’un programme massif de travaux publics financé par la saisie des actifs des super-riches et la prise de contrôle des grandes banques et entreprises.

(Article paru en anglais le 19 juillet 2017)

 

 

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