Le Canada prépare la guerre contre la Corée du Nord

Pendant que l’administration Trump continue d’augmenter de façon imprudente les tensions sur la péninsule coréenne, le gouvernement libéral canadien a indiqué son intention plus clairement que jamais que des troupes canadiennes participeraient à tout effort de guerre contre la Corée du Nord – un conflit qui pourrait entrainer des millions de morts et une guerre nucléaire entre les grandes puissances. 

Le ministre de la Défense Harjit Sajjan révélait le 21 avril qu’en cas de conflit entre les États-Unis et la Corée du Nord, Washington pourrait bien utiliser le Commandement des Nations Unies en Corée du Sud qu’il dirige pour mobiliser des troupes et du matériel de ses alliés. Ce commandement, dont le Canada fait partie, a été établi au début de la Guerre de Corée de 1950-1953. 

Sajjan a soutenu qu’Ottawa se concentre sur la «diplomatie» d’abord, mais il a également souligné que des plans de réaction militaire en cas de situations de crise dans la péninsule coréenne ont été préparés. Selon la Presse canadienne, les documents de politique préparés pour l’ancien ministre de la Défense Peter MacKay en 2010 soutiennent que si des combats venaient à éclater, la structure du Commandement des Nations Unies (CNU) serait utilisée afin de mettre sur pied une force, et recevoir et déployer toute contribution que les États du CNU choisiraient d’apporter.»

Ces propos de Sajjan suivent les remarques belliqueuses anti-nord-coréennes du premier ministre Justin Trudeau. En France le mois dernier pour commémorer la bataille de la Crête de Vimy, une bataille de la Première Guerre mondiale dans laquelle 10.000 Canadiens ont été tués ou blessés, Trudeau a dénoncé le «régime dangereux et instable de la Corée du Nord». S’alignant pleinement sur les actions provocatrices de Washington comprenant notamment le déploiement dans la région d’un groupe d’attaque aéronaval assemblé autour d’un porte-avions et du système de défense antimissile THAAD en Corée du Sud, Trudeau a poursuivi: «Le régime rebelle de la Corée du Nord est un danger non seulement pour la région immédiate, mais aussi pour le monde entier.» 

Invitée à l’émission Question Period du réseau CTV diffusée le 16 avril, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a refusé d’exclure le soutien du Canada à une attaque militaire dirigée par les États-Unis contre la Corée du Nord sous prétexte de cibler son arsenal d’armes nucléaires. «Ce que je dis, c’est que nous condamnons sans équivoque les essais de missiles de la Corée du Nord. La Corée du Nord enfreint le droit international et ses propres engagements», a-t-elle ajouté, faisant écho à la ligne de l’administration Trump. 

Freeland a également salué la décision de la Chine de s’abstenir de s’opposer à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Syrie, suggérant que cela marquait un changement et que Beijing s’éloignait de la Russie. Elle a exhorté la Chine à intercéder auprès de Pyongyang pour trouver une solution à l’impasse politique et militaire actuelle.

La volonté du gouvernement libéral de s’aligner directement derrière les actions agressives de l’administration Trump en Corée – principalement destinées à intimider la Chine et à légitimer le déploiement de forces en Asie du Nord-Est – est conforme au rôle du Canada en tant que proche partenaire de l’impérialisme américain dans toutes les grandes offensives militaires et stratégiques menées par celui-ci dans le monde. Au cours des 18 mois qui se sont écoulés depuis qu’il a pris le pouvoir, le gouvernement Trudeau a accru le soutien du Canada à la coalition américaine menant la guerre au Moyen-Orient et déployé encore plus de forces spéciales et de personnel militaire en Irak, notamment des planificateurs stratégiques dans la région. Le Canada sous les libéraux joue également un rôle important dans l’encerclement stratégique de la Russie en Europe de l’Est, prolongeant la mission d’entrainement des Forces armées canadiennes en Ukraine et avec l’envoi de centaines de militaires en Lettonie pour diriger l’un des quatre nouveaux bataillons de l’OTAN stationnés aux frontières mêmes de la Russie.

Vue dans le contexte de l’ensemble de ces prises de position agressives, la politique des libéraux en Corée souligne une fois de plus la continuité essentielle des conservateurs de Harper et des libéraux de Trudeau de l’affirmation impitoyable des intérêts géopolitiques mondiaux de l’impérialisme canadien. En 2013, dans la lignée du «pivot vers l’Asie» de l’administration Obama – une stratégie économique, géopolitique et militaire visant à isoler et à se préparer à un conflit militaire avec la Chine – le gouvernement Harper a conclu un accord militaire secret avec les États-Unis pour une collaboration accrue dans le Pacifique. Cet accord comprend des dispositions pour effectuer des opérations militaires interarmées dans la région de l’Asie-Pacifique et a été révélé lorsque le Canada a finalisé des accords avec Singapour et la Corée du Sud pour permettre à Ottawa d’établir des bases militaires avancées dans ces deux pays, au besoin.

Les Forces armées canadiennes participent fréquemment à des exercices militaires dirigés par les États-Unis en Corée du Sud et dans la région de l’Asie-Pacifique, notamment dans le cadre d’un exercice naval majeur qui s’est tenu l’été dernier. Trudeau a également accepté de resserrer la coopération en matière de sécurité avec le Japon, l'allié impérialiste principal de Washington dans la région. 

L’alliance du Canada avec l’impérialisme américain dans la région de l’Asie-Pacifique n’a rien de nouveau. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis ont supplanté la Grande-Bretagne en tant que principal partenaire de sécurité militaire de l’élite canadienne. À la fin de la guerre, le Canada s’apprêtait à envoyer des dizaines de milliers de soldats et une armada de 60 navires pour participer à la guerre aux côtés des États-Unis contre le Japon pour assurer la domination de la région de l’Asie-Pacifique.

Le Canada a été un allié précoce et important des États-Unis pendant la guerre de Corée, un conflit qui s’est accompagné de mort et de destruction à grande échelle, qui a scellé la partition de la péninsule coréenne et jeté les bases des conflits acerbes qui menacent aujourd’hui de plonger la région dans une autre guerre catastrophique. 

Après la Révolution chinoise de 1949 et dans des conditions où la Guerre froide avec l’Union soviétique s’approfondissait, les États-Unis ont abandonné leur engagement à unir la Corée après avoir mis fin à près d’un demi-siècle d’occupation coloniale japonaise. Les démocrates, les républicains et l’appareil de renseignement militaire en plein essor se sont alors unis pour déclarer qu’en Corée, comme en Asie et dans le monde entier, l’objectif primordial de la politique étrangère américaine devait être d’enrayer le «communisme mondial». 

Quelque 26.000 soldats, marins et aviateurs canadiens ont servi pendant la guerre de Corée sous le commandement du général Douglas MacArthur, un impérialiste archiréactionnaire. La guerre de Corée a opposé les forces armées de l’État sud-coréen parrainées par les États-Unis, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada ainsi que d’autres États alliés occidentaux, aux troupes nord-coréennes de l’Armée populaire de la Corée du Nord, mais aussi aux troupes chinoises. Des sections du haut commandement militaire américain avaient alors réclamé une intervention beaucoup plus agressive, et certains comme MacArthur préconisaient même l’exécution de raids aériens contre la Chine et l’utilisation d’armes nucléaires. 

Le 7 août 1950, le premier ministre libéral Louis Saint-Laurent a annoncé la création de la Force spéciale de l’Armée canadienne (FSAC) pour déployer des soldats en Corée. Afin d’encourager alors les jeunes recrues à aller à la guerre, l’Armée canadienne avait même abaissé ses normes de recrutement. Au total, 516 soldats canadiens ont perdu la vie dans ce conflit. 

Reflétant le soutien accablant qui règne au sein des milieux dirigeants canadiens à la volonté de Washington de forcer la Corée du Nord à s’incliner devant la domination des

États-Unis, quand bien même cela impliquerait le déclenchement d’une guerre totale, l’article de la CBC qui rapporte les commentaires de Sajjan sur la participation éventuelle du Canada à un tel conflit n’a pas suscité le moindre débat au sein des médias corporatifs. Seule une autre organisation de nouvelles, et clairement, pour ses propres raisons politiques, la publication américaine d’extrême droite Daily Caller, a jugé utile de prendre note des commentaires du ministre de la Défense et de la révélation selon laquelle le Canada envisageait de participer à une guerre en Corée. 

L’éditeur adjoint de l’Institut Macdonald-Laurier, David McDonough, a toutefois rédigé un article le 18 avril dans lequel il décrit les tensions croissantes de guerre entre Washington et Pyongyang comme «l’occasion» de pousser le Canada à rejoindre le bouclier antimissile balistique américain, à faire des dépenses militaires et à développer ses capacités de cyberguerre. 

La volonté des libéraux d’aligner le Canada sur l’escalade militaire imprudente de l’administration Trump en Corée démontre le rôle politiquement criminel joué par toutes les forces politiques qui, d’une façon ou d’une autre, ont promu Trudeau comme une alternative «progressiste» aux conservateurs lors des élections de 2015. La bureaucratie syndicale, qui colporte un nationalisme canadien de plus en plus virulent à mesure que le protectionnisme économique s’élève à l’échelle internationale, a dépensé des millions de dollars dans ses campagnes publicitaires appelant à voter pour «N’importe qui sauf les conservateurs», tandis que le NPD a annoncé qu’il était prêt à former un gouvernement de coalition avec les libéraux. 

Dans les jours qui ont suivi l’élection de Trudeau, la direction du Congrès du travail du Canada a rencontré celui-ci pour lui offrir soutien et assistance, tandis qu’Unifor, le plus important syndicat du secteur privé au Canada, a donné à Trudeau une ovation debout à tout rompre lors de son congrès d’août 2016.

Le ton guerrier du gouvernement Trudeau, que ce soit en Corée, au Moyen-Orient ou en Europe de l’Est, ne suscite pas la moindre critique parmi ces couches. C’est parce qu’elles sont fondamentalement d’accord avec la nécessité de défendre les intérêts mondiaux du capitalisme canadien en fournissant aux grandes entreprises les travailleurs canadiens comme main-d’œuvre à bon marché, tout en montant ces derniers contre leurs frères et sœurs de classe au niveau international avec le poison du nationalisme canadien.

Le NPD, qui a soutenu toutes les interventions militaires impérialistes canadiennes depuis la fin des années 1990, n’a pas publié la moindre déclaration sur la menace imminente de guerre avec la Corée du Nord. Il poursuit ainsi son rôle dans la défense des intérêts canadiens en matière de politique étrangère impérialiste et le soutien du programme d’austérité et de guerre de la classe dominante.

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