Les travailleurs grecs font grève contre le nouveau projet d'austérité de l'UE

Hier, les travailleurs à travers la Grèce se sont mobilisés pour une grève générale d'un jour à l'appel des syndicats grecs contre de nouvelles mesures d'austérité dictées par l'Union européenne (UE) et imposées par le gouvernement Syriza (la « Coalition de la gauche radicale »).

Le projet de loi préparé par l'UE et par Syriza, qui fait environ 900 pages, contient encore une réduction des retraites, de 9 à 18 pour cent ; l'imposition de l'impôt sur le revenu à tous ceux qui gagneraient plus de €5.681 par an ; des réductions allant jusqu'à 50 pour cent des subventions pour le chauffage, des allocations-chômage ; des mesures pour faciliter les licenciements de masse ; et davantage de privatisations. L'accord contiendrait également des promesses de Syriza d'introduire des lois pour limiter le droit de grève et faciliter l'interdiction des grèves.

C'est une étape de plus dans la trahison par Syriza de toutes les promesses qu'elle avait faites au peuple grec de mettre fin à l'austérité, en arrivant au pouvoir en janvier 2015. Le premier ministre, Alexis Tsipras a déclaré hier que ces mesures provoqueraient « un tsunami d'investissement », manifestement parce que les capitaux seraient attirés par une main d'oeuvre grecque surexploitée et payée à des salaires comparables à ceux de ses frères et soeurs de classe en Chine.

Parmi les travailleurs, par contre, la colère monte contre Syriza, et le grève a été largement suivie sur fond de tensions explosives également au sein de l'appareil de l'Etat bourgeois. Hier, les trains, les bus, les transports en commun d'Athènes et les hôpitaux publics étaient tous en grève ou fonctionnaient avec des équipes et des horaires réduits. Les aiguilleurs du ciel ont fait grève pendant quatre heures hier et le feront à nouveau aujourd'hui.

Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans plusieurs manifestations à Athènes organisées par les différents appareils syndicaux : le syndicat de la fonction publique Adedy, le syndicat du privé GSEE, et le syndicat PAME lié au Parti communiste grec (KKE) stalinien.

La Fédération panhellénique de marins a annoncé la prolongation de leur grève, projetée pour mardi et mercredi, jusqu'à vendredi. Dans un communiqué, le syndicat a demandé « la compréhension et le soutien des usagers voyageurs et de tous les travailleurs grecs », expliquant que les nouvelles mesures exposeraient les marins « à la pauvreté et à la misère ». Leur grève touche notamment les îles grecques, privées de ferries et donc isolées du continent.

A Thessalonique, la deuxième ville du pays, les travailleurs des transports en commun ont continué une grève lancée lundi. Les 2.300 travailleurs des Transports Publics de Thessalonique (OASTh) exigent le paiement de leurs salaires de mars et avril 2017, que leur refuse toujours la direction, qui a riposté en exigeant aux tribunaux l'interdiction de la grève. La direction a été déboutée par le tribunal de première instance, qui a estimé que sa requête n'avait aucun fondement juridique et a remis la prochaine audience au 26 septembre.

Une confrontation tendue s'est déroulée à Athènes entre les forces de l'ordre et des grévistes en uniforme – pompiers, soldats, et policiers – qui perçoivent des « salaires spéciaux » menacés par la réforme actuelle. A midi, les représentants syndicaux de la police, des militaires et des autres forces de l'ordre ont occupé le Bureau général des comptes et ont insisté à voir le ministre adjoint des Finances, Georges Chouliarakis.

Ils ont aussi déployé une bannière qui demandait au premier ministre Alexis Tsipras en grec, et à la chancelière Angela Merkel en allemand : « Combien vaut la vie d'un policier grec » ?

Ils ont finalement marché sur le parlement. Trois escadrons de gardes mobiles non-grévistes les ont bloqués à la porte Vasilissis Sofias du parlement pour les empêcher de prendre le bâtiment d'assaut.

Des responsables syndicaux et des dirigeants d'associations de professions libérales ont toutefois pu pénétrer dans le parlement pour dénoncer les parlementaires Syriza qui discutaient du projet de loi. Des cris de « Vous n'avez pas honte ? », « Vous n'avez rien à voir avec la gauche », et « Vous trahissez tout » ont fusé dans l'assemblée.

Un membre d'Adedy a pris à part l'ex-ministre du Travail Giorgios Katrougalos, qui avait promis lors de l'arrivée au pouvoir de Syriza qu'il n'a aurait plus de réformes des retraites. Le dirigeant du syndicat des handicapés grecs a dénoncé la réduction des aides sociales, et les représentants des syndicats des soldats et des policiers ont dénoncé l'appauvrissement de leurs membres et la trahison des promesses faites par Syriza au peuple grec.

La responsabilité de cette crise politique aigüe en Grèce appartient avant tout à Syriza. Dans des conditions d'effondrement économique et de chômage de masse, quand la faillite du capitalisme grec et européen était évidente après six ans d'austérité, Syriza a pris le pouvoir en promettant de mettre fin à l'austérité, mais en insistant sur la nécessité d'un accord avec l'UE. Ils ont refusé de faire un appel plus large aux travailleurs européens pour défendre les travailleurs grecs contre l'UE, qui menaçait de couper les flux de crédit vers la Grèce et d'imposer la faillite au pays.

Il y avait sans aucun doute une base objective puissante pour une politique révolutionnaire. Un an après l'arrivée de Syriza au pouvoir, un mouvement des jeunes et des travailleurs faisait éruption en France contre la loi travail réactionnaire du PS. Selon un sondage plus récent des jeunes européens, une majorité accepterait de participer à une insurrection contre les régimes établis.

Syriza a refusé une pareille stratégie, préférant travailler dans les intérêts de la classe capitaliste grecque. Elle a immédiatement répudié sa promesse de mettre fin au Memorandum d'austérité entre la Grèce et l'UE et organisé un referendum sur l'austérité en juillet 2015 afin d'obtenir un vote populaire pour l'austérité et justifier une capitulation face à Bruxelles. Quand les Grecs ont voté contre l'austérité, à leur grande surprise, Syriza a foulé le vote aux pieds et a imposé des mesures d'austérité féroces afin de garder l'euro et la place du capitalisme grec dans l'UE et l'OTAN.

Ces événements historiques ont justifié les mises en garde adressées au travailleurs par le Comité international de la Quatriéme Internationale, la seule organisation politique ayant dit avant l'élection de Syriza que ce parti, tiré des classes moyennes aisées et nourri de théories antimarxistes et postmodernistes, trahirait toutes ses promesses. Pour aller de l'avant, les travailleurs grecs ne peuvent pas compter sur des manifestations ponctuelles organisées par les appareils syndicaux proches de Syriza ou du KKE ; il s'agit de construire une avant-garde révolutionnaire qui peut mobiliser les travailleurs européens en lutte pour les socialisme et le renversement du capitalisme.

Cette stratégie de lancer des manifestations syndicales et de faire appel à des sections de l'Etat grec afin d'influencer le pouvoir grec ou l'UE s'est avérée impuissante. Depuis 2008, la Grèce a connu 14 réformes des retraites qui ont collectivement réduit les retraites de 40 pour cent en moyenne. Alors que le quart des travailleurs et la moitié des jeunes sont au chômage, et dépendent donc des retraites de leurs parents, cette dernière réforme aura un impact dévastateur.

Les manifestations et les appels à la conscience de l'UE n'ont rien donné, et seule une politique révolutionnaire peut indiquer un chemin qui permettra aux travailleurs de sortir de cette crise.

A Athènes, le Comité parlementaire scientifique a décidé qur le nouveau projet de loi, qui attaque les retraites et les « salaires spéciaux », est anticonstitutionnelle. Toutefois, Syriza et l'UE se préparent à fouler aux pieds la constitution, comme ils l'ont fait avec le vote de leur referendum en 2015, pour amadouer l'UE et maintenir les alliances du capitalisme grec avec Washington et l'UE.

 

 

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