Perspectives

Les discours à 400.000 $ d’Obama: Sans complexe. Éhontés. Provocateurs.

Sans complexe. Éhontés. Provocateurs.

De tels mots commencent sans doute à faire justice à la décision, par l’ancien président Barack Obama, d’accepter des paiements de 400.000 $ pour chacune de ses apparitions publiques. Deux jusqu’à maintenant.

Un chercheur a suggéré plus tôt cette année, que les Obama «pourraient gagner jusqu’à 242,5 millions $ en discours, contrat de livres et pensions». Mais ce modeste calcul était basé sur les rémunérations littéraires estimées à 40 millions $ pour le couple et sur des paiements de 200.000 $ par apparition. En réalité, le contrat de livres vaut finalement beaucoup plus, 65 millions $, et l'on voit maintenant ce que les firmes de Wall Street et les grandes sociétés sont prêtes à payer l’ex-président pour ses doses de sagesse.

Les cachets des deux discours, à eux seuls, ont placé l’ancien candidat du «changement» dans le 1% des plus riches salariés aux États-Unis, en fait, un seul des deux aurait presque fait le travail.

C’est extraordinaire. Un éventail d’éléments politiques et des médias corporatifs ont investi beaucoup de temps, d’énergie et d’argent dans la vente d’Obama au public américain en 2007-2008 comme une figure progressiste, bien au-dessus de Georges W.Bush et Dick Cheney, un homme de compassion qui comprendrait la douleur de l’Américain moyen. Bien sûr, huit ans de l’actuel Obama, qui a régné exclusivement dans les intérêts de l’oligarchie et de l’appareil militaire et du renseignement, ont désabusé et désillusionné des millions de personnes, ouvrant ainsi la porte à Donald Trump.

Mais encore, on pourrait penser, étant donné le caractère épouvantable et réactionnaire de la nouvelle administration, que le prédécesseur de Trump se garderait une certaine réserve politique – qu’il maintiendrait, après tout, une certaine valeur d’usage politique pour confondre et désorienter l’opposition de masse qui va nécessairement émerger.

Mais cette cuvée de politiciens américains ne peut apparemment pas s'en empêcher. Ils ne représentent pas seulement d’énormes richesses, ils sont eux-mêmes énormément fortunés. Ils sont la chaire de la chaire de l’oligarchie, le sang de son sang. Exhiber leurs richesses et leurs privilèges au visage du public est un mode d’existence; cela est presque aussi naturel pour eux que de respirer.

Le New York Times, en cœur avec divers démocrates et autres, a exprimé une certaine nervosité à propos des actions d’Obama. Le Times a tenté, de manière impossible, d'harmoniser les «deux Barack Obama post-présidentiels», l’un évidemment cupide à l'extrême et l’autre, «empreint du devoir civique»: «À travers ses années à la Maison-Blanche, M. Obama a lutté contre les problèmes des pauvres, même en démontrant une affinité pour les superstars d’Hollywood, les artistes de l'élite et les milliardaires des technologies.» Il n’a jamais «lutté contre» les problèmes des pauvres, il leur a apporté un soutien de façade, la spécialité trompeuse du Parti démocrate.

La sénatrice Elizabeth Warren, une démocrate du Massachusetts et une «progressiste d’influence», selon CNN, s’est dite elle-même «troublée» par les gains d’Obama. Warren a récemment fait la découverte étonnante que «l’influence de l’argent» à Washington est un problème sérieux. Elle a dit à CNN que l’argent était «un serpent qui se faufile» dans la capitale de la nation qui «apparaît de tant de façons différentes».

Le sénateur du Vermont Bernie Sanders, officiellement «indépendant», a dit à CNN le 5 mai qu’il avait trouvé «répugnant» le plan d’Obama de recevoir 400.000 $ pour parler à une conférence de Wall Street. Avec éloquence, il a ajouté: «À un moment où nous avons tant d’inégalités de revenus et de richesse… Je crois ça parait très mal.»

C’était également le thème du commentaire de Jill Abramson dans le Guardian: «L’optique de certaines décisions d’Obama depuis son départ de la présidence a été dommageable», incluant «ses vacances... L’ancien président méritait bien sûr un congé. Mais est-ce que cela devait être avec le Club des milliardaires? Il y a eu de nombreux reportages sur son séjour chez Richard Branson dans les Îles vierges britanniques pour faire du kitesurf, des photos qui ont fait le tour du globe. En Polynésie française, il a ensuite fait une escapade sur le yacht de 45 pieds [en fait 454 pieds!] de David Geffen avec des célébrités, dont Tom Hanks, Oprah Winfrey et Bruce Springsteen.»

Après avoir noté que la «servitude habituelle de démocrates en vue envers la classe des milliardaires a amené leur parti au bord de la faillite morale», Abramson a argumenté qu’«Obama se doit d'être le chef du Parti démocrate maintenant.» La révélation de sa corruption personnelle, cependant, risque de laisser les démocrates encore plus exposés et vulnérables.

De façon grotesque, alors qu'il existe un sentiment de dégoût largement répandu envers Obama , le Nation a également proposé que l’ancien président dût être le dirigeant moral et intellectuel de l’opposition envers Trump («Avons-nous besoin d’Obama dans la résistance à Trump?») Éduquer le public sur «le réinvestissement dans les soins de santé ou les changements climatiques», peut-on lire dans le commentaire, «serait une réprimande sévère de l’administration actuelle, mais pas tout à fait une attaque ad hominem envers le président en place. Une telle campagne pourrait préserver l’héritage d’Obama tout en catapultant l’agenda libéral vers l’avant.»

L’International Socialist Organization et son site socialistworker.org, qui avait proclamé l’élection d’Obama comme étant un «événement transformateur» en 2008, ont évité toute référence au «faufilage» à la «servitude» et au «catapultage». En fait, comme par habitude lorsque des choses compliquées et inconfortables arrivent, le groupe omet de dire quoi que ce soit: la marque de commerce de complicité politique qui est propre à l’ISO.

Obama a également des défenseurs ouverts dans les médias libéraux, comme il se doit, étant donné leur dégénérescence morale actuelle. Daniel Gross de Slate a avancé divers arguments grotesques. «Parler pour de l’argent est une très grande industrie», a-t-il commenté. «Plusieurs d’entre nous, moi y compris, participent à cette économie. La valeur des cachets varie incroyablement, mais c’est extrêmement lucratif. Il est plus difficile de faire de l'argent légalement en une heure qu'en donnant un discours.» En d’autres mots, je suis un salaud, Obama est un salaud, nous sommes tous des salauds.

Gross était lui aussi inquiet de «l’optique». Mais «accepter un cachet pour un discours ne compromet naturellement pas l'intégrité de quelqu'un, et il n’y a pas de conflit direct entre avoir ou faire de l’argent et être massivement investi dans des causes progressistes.» Obama, raisonne-t-il, «était le président populiste le plus efficace, oui, populiste, depuis Lyndon B. Johnson.» Gross argumente ensuite, merveilleusement, que puisqu’Obama va faire beaucoup d’argent et «reçoit tous ces revenus comme un salaire ordinaire», il va payer beaucoup d'impôt!

Michael Harriot de Root a proclamé que les critiques envers la cupidité d’Obama étaient du moins en partie racialement motivées. «Obama est noir, ce qui veut dire que ses critiques sont comme un remix de P. Diddy: They can’t stop, won’t stop. (Ils ne peuvent s'arrêter, et ne s’arrêteront pas.)»

Est-ce qu'accepter 400.000 $ de Wall Street mine «ses (celles d’Obama) attaques sur l’inégalité des revenus» ou fait de lui «un hypocrite»? Est-ce que «de recevoir de gros cachets pour des discours le rend inaccessible à l’Américain moyen?» Harriot ne s'en préoccupait pas. Il a demandé de manière rhétorique: «Est-ce que les démocrates et les progressistes devraient céder toute influence sur Wall Street aux républicains qui ont adopté la théorie des effets de retombée et les principes du libre marché? Parlant de “libre marché”… Obama ne devrait-il pas être libre de demander ce que quelqu’un est prêt à payer?»

Peu importe les excuses avancées, les montants énormes qu'Obama reçoit des grandes sociétés dégoûtent un grand nombre de gens et ébranlent encore plus le système économique et politique américain, le domaine clôturé de ceux qui sont fabuleusement riches.

Les classes dirigeantes condamnées par l’histoire ne peuvent s'en empêcher, c’est dans leur nature. Un historien plutôt conformiste a écrit sur ce qui était alors considéré comme un truisme dans un ouvrage écrit il y a plus d’un siècle sur l’avènement de la Révolution française de 1789: «C’était la luxure et l’extravagance de l’aristocratie des vieux régimes et l’insolence, l’affichage vaniteux de leurs richesses, qui ont créé l’envie et la haine dans les cœurs des gens ordinaires; mais les leçons du passé furent ignorées par les riches et leur conduite à ce moment ne fit qu’augmenter le mécontentement général.»

L’aristocratie américaine est tout aussi vaniteuse et insouciante qu’elle est historiquement condamnée.

(Article paru en anglais le 29 avril 2017)

 

 

 

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