Après un retard inexpliqué, l’UAW affirme la ratification de l’accord avec Caterpillar

Après un retard inexpliqué d’entre 16 et 17 heures, le syndicat des travailleurs de l’automobile UAW a annoncé lundi soir que les travailleurs de Caterpillar en Illinois et en Pennsylvanie avaient approuvé une nouvelle convention collective de six ans avec la société géante d’équipement minier et d’engins de terrassement. Le prétendu passage de l’accord, qui a été annoncé dans un communiqué de presse sommaire qui ne comprenait aucun détail de vote, a provoqué la colère et la suspicion des travailleurs de Caterpillar.

La proposition d’accord a fait l’objet d’une forte opposition de la part de la base des travailleurs, dont beaucoup n’ont pas bénéficié d’une augmentation de salaire depuis une décennie. L’accord, qui a été appuyé à l’unanimité par les comités de négociation UAW, maintient le système salarial à deux niveaux imposé pour la première fois par l’UAW en 2005, augmente les cotisations pour la santé et valide la fermeture de l’usine d’Aurora, en Illinois, éliminant ainsi 800 emplois. Pour remuer le couteau dans la plaie, l’UAW a essayé de faire passer en force le vote dimanche, quelques jours seulement après avoir publié ses « faits saillants » qui servent ses propres intérêts dans l’accord.

Lors des réunions de ratification dans les villes de Peoria, Decatur et Aurora, les travailleurs en colère se sont confrontés aux responsables locaux de l’UAW qui tentaient de vendre l’accord. Beaucoup portaient des badges demandant « votez non » et des T-shirts exprimant leur détermination à récupérer les salaires et prestations laissés à la société, qui a fait des profits record au cours de la dernière décennie et a richement récompensé ses dirigeants et actionnaires. La société est actuellement la cible d’une enquête du FBI pour avoir planqué des milliards dans les paradis fiscaux, bien qu’elle doive bénéficier grandement des propositions sur les impôts et projets d’infrastructure de Trump.

L’UAW a d’abord annoncé qu’il publierait les résultats des heures après le vote d’environ 5000 travailleurs, conclu dimanche soir. Cependant, dans un geste sans précédent, il s’est ravisé brusquement et a annoncé qu’un décompte ne serait pas rendu public avant lundi dans la journée.

« Il y a toujours des soupçons sur l’UAW », a dit Renee, une travailleuse expérimentée de Caterpillar à Peoria, au WSWS Bulletin des travailleurs de l’automobile. « N’est-il pas suspect qu’ils ne vous donnent que les « faits saillants » trois jours avant de voter ? Et les “faits saillants” n’ont rien éclairé non plus. »

« Il y a eu beaucoup d’hostilité hier aux votes de ratification, » a poursuivi Renee, « le plus que j’ai jamais vu. Les travailleurs en veulent autant à l’UAW qu’à Caterpillar. Le syndicat est de mèche avec l’entreprise, tout comme les politiciens. »

« Caterpillar parle de ses actionnaires et de combien ils touchent par trimestre, mais c’est toujours au détriment des employés. À l’usine de pièces de Morton, ils nous ont dégraissé à tel point qu’il faut littéralement bâcler le travail. La sécurité est jetée par la fenêtre. Ils ne se soucient pas des gens. Nous ne sommes que des chiffres ; nous pouvons être déplacés et remplacés. »

« Il y avait beaucoup de tension au travail aujourd’hui en raison des résultats du vote non-publiés », a déclaré Steve, un travailleur à l’usine de Decatur. « Plus nous attendions, plus la pensée d’une conspiration revenait à nos esprits. Il n’est pas difficile de compter 5000 voix si tout le monde a voté. »

« Notre vote a été très étrange. Dans le passé on présentait notre carte d’identité et se rendait dans un isoloir où on était coché. Cette fois, il y avait quatre tables où ils vous contrôlaient. Si vous le vouliez, vous pouviez passer à chaque table et obtenir un bulletin de vote. »

« Nous avons seulement voté sur l’accord central, pas sur notre accord local. Je ne l’ai jamais vu de cette façon. Je les ai interrogés lors de la réunion et ils ont dit que le texte de l’accord local avait été convenu. Ça me paraissait étrange, mais tout dans cet accord a été bizarre. »

« C’est horrible la façon dont l’UAW a joué les travailleurs du premier niveau et du second niveau, les uns contre les autres. Certains travailleurs de second niveau disaient que les premiers ne méritaient pas une augmentation, même si nous n’en avons pas eu une depuis quelques années. Tout ce que l’UAW veut, c’est l’argent des cotisations, et de garder autant de membres que possible, peu importe combien ces derniers gagent. C’est ainsi que les gros richards gardent leurs emplois. L’UAW est tout aussi mauvais que Caterpillar, mais nous les payons pour prendre soin de nous et ils ne le font pas. C’était clairement exprimé dans la lettre de Norwood Jewell [vice-président UAW], qui a dit que les temps sont durs pour Caterpillar et que nous ne pouvons pas nous attendre à obtenir grande chose dans cet accord. Il n’est rien qu’un responsable des relations publiques pour l’entreprise. »

« Il y a beaucoup commandes qui arrivent maintenant, et ils embauchent des gens. Je pense que l’accord autorise jusqu’à 20 pour cent des effectifs à être des intérimaires, et il y en aura une vague qui arrive lundi prochain, rémunérés à 12 ou 13 dollars de l’heure. Merde, ils parlent d’un salaire minimum de 15 dollars chez McDonald’s, et ces gars-là obtiennent moins pour la construction d’engins géants d’exploitation minière. »

La page Facebook de la section locale de Decatur avait des postes de plusieurs travailleurs soulevant des inquiétudes sur le retard [des résultats du vote], avec un ouvrier commentant : « Ils sont en train de manigancer pour obtenir le résultat qu’ils veulent. »

Le communiqué de presse de l’UAW, publié à 15h51, heure de l’Est, se lit comme suit : « Les membres de l’UAW de Caterpillar ont voté dimanche 26 mars pour ratifier leur Accord central provisoire. Tous les accords locaux ont été ratifiés, sauf l’UAW Local 974 à Peoria. La section locale 974 de l’UAW a reporté son vote complémentaire sur l’accord local pour le 1ᵉʳ avril 2017. Les membres de l’UAW doivent vérifier le lieu et le temps avec leur syndicat local. »

Un appel téléphonique passé par le World Socialist Web Site au bureau du directeur des communications de l’UAW Brian Rothenberg afin d’obtenir une explication pour le retard et plus de détails sur le vote a été ignoré.

Le Peoria Journal Star a rapporté lundi après-midi que 55 pour cent des membres locaux qui ont voté se sont opposés à l’accord, alors que 45 pour cent étaient en faveur, selon une lettre contenant les chiffres émis par le Local 974 de l’UAW.

Le Local 751 de l’UAW à Decatur a indiqué que l’accord a été adopté par une marge de 60-40, avec environ 500 votants sur les 700 travailleurs. Sur la page Facebook du syndicat local, l’UAW a déclaré que les primes de ratification des travailleurs de Decatur dépendaient de l’adoption du contrat local par les travailleurs de Peoria, membres du local 974, ce dimanche. Les travailleurs ont réagi furieusement à ce chantage, affirmant que la brochure de l’UAW contenant les faits saillants, indiquait que la prime de ratification de 3000 dollars devrait prendre effet si tout le comité de négociation avait appuyé l’accord, ce qui était le cas.

Les représentants de la compagnie ont comme prévu salué l’accord. « Globalement, nous sommes heureux du vote d’aujourd’hui visant à ratifier une nouvelle convention collective de six ans, qui offre des salaires et des avantages compétitifs à nos employés et à leurs familles », a déclaré Jon Ginzel, directeur des relations de travail chez Caterpillar.

Les travailleurs de Ford et du fabricant du matériel agricole John Deere ont également parlé au Bulletin des travailleurs de l’automobile. Pendant les luttes sur les conventions collectives dans ces entreprises en 2015, il y avait des accusations répétées que l’UAW aurait fraudé sur les votes pour faire passer en force des accords pourris contre la volonté des ouvriers.

Brian, un travailleur de John Deere dans l’Iowa, a déclaré : « Pendant le vote chez Deere en 2015, toutes les personnes avec qui j’ai parlé ont refusé l’accord, et pourtant, il est passé quand même. Il y a tellement de corruption. Les syndicats sont tellement de mèche avec le gouvernement et les sociétés. Je veux dire, il suffit d’écouter la façon dont les supérieurs parlent. « Vous n’avez pas à vous mettre en grève, nous l’avons fait il y a 30 ans !" »

« Eh bien, regardez où nous en sommes maintenant. Nous en sommes encore aux salaires à deux niveaux. Il y a quelque chose qui cloche clairement ici. Des entreprises comme Deere et Caterpillar font beaucoup d’argent, même avec les problèmes financiers de Caterpillar avec le gouvernement. Ils vont bien. Surtout avec Trump au pouvoir, ils vont les laisser faire ce qu’ils veulent. »

« La direction de Deere essaie toujours de nous convaincre que Caterpillar est notre concurrent, mais cela n’a rien à voir avec nous. Les travailleurs de Caterpillar ne sont pas mes concurrents. Qui profite le plus ? Les actionnaires et les cadres supérieurs, pas les travailleurs. »

Frank, un travailleur de Ford à l’usine de montage de Dearborn aux abords de Detroit, a déclaré : « Cela semble certainement familier. Tout le monde devrait se lever et dire que nous voulons un recomptage et un observateur indépendant. Il faut qu’ils montrent les listes de vérification des membres qu’ils ont utilisées pour distribuer et recueillir les bulletins de vote pour s’assurer que les deux chiffres correspondent. »

« C’est fou que l’UAW a annoncé qu’il a été voté sans publier aucun des chiffres. Le fait que cela soit arrivé à Ford, Deere et maintenant Caterpillar montre le décalage entre l’agenda de la fédération UAW et les membres. »

(Article paru en anglais le 28 mars 2017)

 

 

 

 

 

 

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