La grève générale est déclarée en Guyane française

A quelques semaines des présidentielles en France, la Guyane est paralysée par une grève générale. Depuis une semaine, de larges grèves et des blocages touchent ce département d'outre mer français en Amérique du sud, voisin du Brésil, pour dénoncer globalement les problèmes en matière de santé, d’éducation, d'économie, de sécurité et de logement.

Des manifestations qui regroupent des salariés des secteurs de la santé, des transports et de l'énergie revendiquent des augmentations de salaire, plus d'emplois, et une amélioration des services publics. Après une semaine de grèves et de manifestations déclenchées pour la plupart indépendemment de leur action, les 37 syndicats réunis au sein de l'appareil de l'Union des travailleurs guyanais (UTG) ont voté une grève générale à commencer aujourd'hui.

La Guyane assiste en même temps à d'importants mouvements sociaux mobilisant des agriculteurs, qui manifestent en solidarité avec les travailleurs. Depuis quelques jours, ils ont érigé une dizaine de barrages qui bloquent des ronds-points stratégiques dans plusieurs villes, notamment les entrées de Cayenne, Kourou, Rémire-Montjoly et Saint-Laurent du Maroni.

Une dizaine de barrages et la grève de personnels paralysent l’aéroport de Cayenne. Un vol Paris-Cayenne d'Air France a dû faire demi-tour après quatre heures de vol, quand la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) l'a averti du manque de pompiers à l'aéroport de Cayenne.

Les grévistes d’EDF Guyane, de l’hôpital de Kourou et de la société Endel ont installé un barrage à l'entrée du Centre spatial guyanais à Kourou. Ainsi, ils ont pu paralyser le lancement de la fusée Ariane 5, clé économique de la Guyane, prévu pour le 21 mars,. « En raison d'un mouvement social, la réalisation des opérations de transfert du lanceur du Bâtiment d'assemblage final (BAF) vers la zone de lancement prévue ce jour n'a pas pu se dérouler », a indiqué Arianespace dans un communiqué.

Des grévistes bloquent également le Grand Port Maritime, la collectivité territoriale, la préfecture et les axes routiers ; des agriculteurs bloquent des locaux de la Direction de l’agriculture. Le recteur de Guyane a annoncé la fermeture des écoles, collèges et lycées « jusqu’à nouvel ordre ». Des étudiants auraient aussi rejoint le mouvement.

La grève est l'expression d'une profonde colère sociale qui se développe parmi les travailleurs et les classes laborieuses après cinq années d'austérité sous le gouvernement PS de François Hollande. Dans ce département, qui compte plus de 200.000 habitants, le taux de chômage était de 22 pour cent, soit 18,000 personnes, en 2015 ; les jeunes de 15-24 ans (46 pour cent des chômeurs) sont les plus touchés.

Interrogé par France Info, le sénateur de Guyane Antoine Karam a évoqué « une insécurité plus importante que dans les grandes métropoles au niveau hexagonal ». Selon lui, « près de 30 pour cent de la population n'a pas accès à l'eau potable ni à l'énergie électrique, alors que l'on a une base spatiale ».

Il a également signalé « des meurtres, des braquages ».en Guyane : « On tue quelqu'un pour 20 euros, pour un bijou ou un portable ».

Les Guyanais soulignent leur vaste déception vis-à-vis des promesses de Hollande : il a promis de mettre en place un Pacte pour l’Avenir de la Guyane, qui n’a pas toujours été signé.

Maud, 29 ans, enseignante à Saint-Laurent-du-Maroni, a dit à RMC : « Le ras-le-bol est général. Ils ont l'impression que l'on ne parle jamais d'eux, alors que la situation est catastrophique. Les Guyanais ont l'impression d'être délaissés par la France métropolitaine. Ils ne sentent pas considérés d'égal à égal avec un autre département ».

A quelque semaines des présidentielles, qui se déroulent sur fond de mécontentement social explosif, Paris veut rapidement mettre fin la grève dans son département d'outre mer, avant que la grève ne provoque des luttes et des grèves par solidarité plus larges en métropole.

Le samedi, le gouvernement a envoyé une mission interministérielle composée de plusieurs haut fonctionnaires connaissant bien la Guyane, pour tenter de trouver un compromis.

« J'appelle à l'apaisement, j'appelle au calme, j'appelle au dialogue, parce que rien ne se construit dans le désordre et l'affrontement » a déclaré le Premier ministre Bernard Cazeneuve. « Nous avons pris des dispositions de manière à ce que le dialogue puisse s'engager en Guyane, que nous puissions prendre des mesures le plus rapidement possible qui doivent être prises ».

La ministre de l'Outre-mer Ericka Bareigts a confié à AFP un appel à lever les barrages : « La situation est toujours tendue. Nous n'avons plus de barrages sauvages, mais ça reste compliqué ». Elle a dit que la mission interministérielle devait examiner les revendications à « court et moyen terme ».

Les travailleurs en lutte ne peuvent accorder aucune confiance ni aux ministres de Hollande ni aux appareils syndicaux qui négocieront avec eux. Un gouffre de classe sépare les syndicats des travailleurs. Loin d'agir en avant garde, les syndicats ont appelé à la grève une semaine après l'éruption du mouvement, tentant d'accompagner la lutte pour mieux l'étrangler. Les syndicats craignent tous un affrontement entre le gouvernement PS profondément impopulaire, qu'ils défendent, et les travailleurs en Guyane et à travers la France.

La délégation envoyée par Paris essaiera de donner le moins possible afin de mettre fin aux grèves avec quelques promesses administratives. En même temps, les forces de l'ordre tenteront de pénétrer et d'intervenir dans ce mouvement afin de semer la démoralisation et la division, et éventuellement de faire éclater des bagarres.

Depuis le début des manifestations, les membres du collectif des « 500 Frères » récemment créé défilent vêtus de noir et cagoulés dans les rues de Cayenne. Ce collectif, dont l’identité n’est pas connue, se revendique de la lutte contre la délinquance et prône notamment « l'éradication des squats » et « le maintien d'un escadron de gendarmes mobiles affecté en renfort ».

Leur porte-parole est Mickaël Mancée, un « policier actuellement en disponibilité », selon de nombreuses sources de presse. « Si on n'était pas choquants, personne n'entendrait parler de nous », a-t-il répondu à des journalistes qui comparaient son collectif à une milice. Interrogé par Vice News, Mancée a estimé qu' « un voleur mort, c'est un voleur qui ne vole plus » et menacé que « si les voyous veulent la guerre, on la fera ».

Visant à mettre fin le mouvement, le gouvernement compte bien sur les syndicats pour faire le nécessaire pour isoler et étouffer la grève, éventuellement après des négociations. Malgré la colère sociale énorme contre l’austérité et l'état d'urgence, les syndicats guyanais n'appellent pas la solidarité des travailleurs en métropole. Ils font tout pour isoler les grévistes en Guyane, bloquer une lutte politique contre Hollande, et ainsi forcer les travailleurs à accepter le résultat de leurs négociations avec le PS.

Ceci n'offre rien aux travailleurs en lutte. Le chômage et la misère ne sont pas des maux temporaires à caractère administratif; ils sont le produit de la faillite du capitalisme, après une décennie d'une profonde crise mondiale, et du PS. Le seul moyen de développer la lutte est de tourner sur une perspectives socialiste et révolutionnaire vers la classe ouvrière, française et aussi latino américaine, et ainsi de réaliser l'unité des travailleurs par une lutte plus large.

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