Les nationalistes de la diaspora tamoule cherchent un accord avec Trump à l’ONU

Des groupes de la diaspora tamoule ont envoyé des délégations à Genève lors des récentes sessions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour implorer Washington et les autres grandes puissances impérialistes de relancer les enquêtes internationales sur les crimes de guerre du gouvernement sri-lankais.

Le Forum mondial tamoul (GTF), le Conseil national des Tamouls du Canada (NCCT), l’Organisation de la jeunesse tamoule au Canada (TYOC), le Comité de coordination tamoul (TCC) et le Gouvernement de transition de Tamil Eelam (TGTE) ont participé au lobbying. En même temps, malgré l’arrivée au pouvoir du gouvernement d’extrême droite de Trump à Washington, ces groupes accentuent leur alignement sur le « Pivot vers l’Asie » des États-Unis, qui vise à intimider et préparer la guerre contre la Chine.

Cependant, ils n’ont pas pu cacher le fait que Washington a abandonné toute tentative d’enquêter sur les crimes de guerre sri-lankais et ont exprimé des vœux pieux que l’élection de Trump les aiderait. Dimanche dernier, un responsable du Forum mondial tamoul (GTF) a déclaré aux médias à Genève : « Lors de notre rencontre avec eux, l’Amérique a dit que le gouvernement sri-lankais pourrait avoir besoin de temps. Les changements politiques en Amérique pourraient se révéler en notre faveur. Pour l’instant nous ne pouvons rien dire clairement, dans une certaine mesure, nous devons rester dans l’expectative. »

L’effondrement de l’autorité de ces groupes parmi les travailleurs et les jeunes tamouls en Amérique du Nord et en Europe est révélé par la faible participation à leur manifestation du 6 mars à Genève. Malgré une campagne du Comité de coordination tamoul d’un mois, seule une poignée de personnes ont assisté à la manifestation qui, au cours des années précédentes, a été suivie par des Tamouls de toute l’Europe qui s’y rendaient par dizaines de bus et de trains affrétés.

Leurs prétentions que l’administration Trump sera émue par le sort des Tamouls au Sri Lanka sont une fraude méprisable. Les travaux des dernières sessions des Nations Unies indiquent qu’elle adoptera bientôt une résolution, coécrite par les États-Unis et la Grande-Bretagne en consultation avec le Sri Lanka, qui prolongerait de deux ans la date limite pour se conformer aux recommandations de la résolution précédente du HCR (Agence de l’ONU pour les réfugiés) d’octobre 2015.

De façon plus générale, l’enquête internationale sur les crimes de guerre, que les groupes nationalistes tamouls ont continué à promouvoir longtemps après que Washington a effectivement abandonné la question, était une manœuvre cynique pour faire avancer les intérêts impérialistes américains dans l’Océan Indien. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres puissances impérialistes, ainsi que l’Inde, avaient soutenu militairement et diplomatiquement la remise en marche par le gouvernement sri-lankais de la guerre civile en 2006 jusqu’à l’assaut final de 2009 qui a entraîné le massacre massif des milliers de civils tamouls.

De plus, Washington a systématiquement foulé au pied le droit international en lançant et en menant des guerres d’agression qui ont entraîné des millions de morts au Moyen-Orient, en Afghanistan et en Afrique.

En 2012, cependant, Washington a parrainé une résolution de l’ONU demandant une enquête internationale sur les crimes de guerre pendant la guerre civile au Sri Lanka. Les groupes nationalistes tamouls, tant au Sri Lanka que dans la diaspora, ont salué l’enquête de Washington à l’ONU comme une défense des droits de l’homme et un moyen d’assurer la « justice » pour les Tamouls.

À l’époque, le World Socialist Web Site a averti que ce fut un stratagème cynique : Washington menaçait de faire la lumière sur certains des crimes perpétrés par le régime de Colombo afin de faire pression sur le président d’alors Mahinda Rajapaksa pour qu’il aligne son gouvernement sur le « Pivot vers l’Asie » qui venait d’être lancé par les États-Unis, et réduise les liens économiques du Sri Lanka avec la Chine.

Rajapakse ne s’étant finalement pas aligné sur cette politique, Washington décida de le renverser. Les nationalistes tamouls ont soutenu l’opération de changement de régime menée par les États-Unis en janvier 2015 qui a chassé Rajapaksa du pouvoir et installé Maithiripala Sirisena comme président, plaçant le Sri Lanka dans l’orbite de la politique étrangère américaine.

Une fois que les responsables politiques et militaires qui ont dirigé l’offensive de 2009 et supervisé les tueries massives des Tamouls ne travaillaient plus sous Rajapakse, mais dans un gouvernement pro-américain sous Sirisena et le Premier ministre Ranil Wickremesinghe, Washington a perdu tout intérêt à enquêter sur ces crimes. En septembre 2015, il a proposé une résolution abandonnant l’enquête internationale, blanchissant les atrocités du gouvernement sri-lankais et des militaires, les exécutions sommaires et les détentions illégales.

La marche arrière de Washington pour une enquête internationale et son soutien à une résolution recommandant des mécanismes locaux pour l’enquête sur les crimes de guerre ont mis en lumière la faillite des nationalistes tamouls. Au Sri Lanka, l’Alliance nationale tamoule (TNA) a cautionné officiellement les appels à donner au gouvernement Sirisena-Wickremesinghe deux ans de plus pour mettre en œuvre les recommandations de la dernière résolution de l’ONU. Cependant, le gouvernement sri-lankais n’a respecté aucune des recommandations à mettre en œuvre.

Les affirmations des groupes tamouls de la diaspora selon lesquelles leur pèlerinage annuel à Genève obtiendrait justice sont des paroles creuses. Ces groupes, fondés après le massacre des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (LTTE) en 2009, s’appuient sur des couches sociales d’universitaires et d’hommes d’affaires hostiles à la classe ouvrière, y compris aux travailleurs tamouls. Dans la tradition politique des LTTE, ils s’opposent avec véhémence à une lutte commune des travailleurs tamouls et cinghalais contre la bourgeoisie sri-lankaise et à l’unification des travailleurs tamouls de la diaspora avec leurs frères et sœurs de classe dans les pays où ils vivent.

Ils manipulent la sympathie des travailleurs et des étudiants envers les Tamouls au Sri Lanka pour leurs propres fins politiques, celles d’obtenir un « règlement politique » donnant à l’élite tamoule une plus grande part des profits tirés des travailleurs et des opprimés de l’île et une influence politique dans leurs pays de résidence.

Leurs dirigeants sont profondément intégrés dans les élites dirigeantes des puissances impérialistes où ils vivent, et à travers lesquels ils poursuivent leurs affaires commerciales et intérêts professionnels. Ils sont les organisateurs d’innombrables groupes pour la promotion de politiciens impérialistes réactionnaires, tels que les « Tamouls pour Trump », « Tamouls pour Obama », « Tamouls pour Clinton » et « Tamouls pour Corbyn ».

Ils sont indifférents aux crimes de guerre commis par Washington et ses alliés européens. Ils sont prêts à tout pour servir l’impérialisme et le gouvernement de Sirisena, et ils sont complices de la dissimulation des crimes de guerre non seulement en Syrie, en Irak, en Afghanistan et en Libye, mais aussi au Sri Lanka – ceux du régime de Colombo qui avait initié la guerre civile qui dura trois décennies après des années de discrimination croissante contre les Tamouls, et ceux des LTTE.

Les groupes nationalistes tamouls de la diaspora ont fait campagne et manifesté pour une intervention militaire américaine au Sri Lanka à la fin de la guerre civile et ont soutenu de manière téméraire le « Pivot vers l’Asie » d’Obama contre la Chine. À mesure que le gouvernement Trump leur accorde une place pour faire des affaires et défendre leurs intérêts politiques, ils se tiennent prêts à soutenir la stratégie de Trump de « l’Amérique d’abord » qui intensifie la menace de guerre contre la Chine et va de pair avec des déportations de masse et d’autres atteintes drastiques aux droits des immigrés aux États-Unis.

Ils ne cherchent pas à cacher leur alignement sur les impérialismes américain, canadien et européen. Le chef du GTF, SJ Emmanuel, s’est vanté à Genève : « Je me rendais souvent au Département d’État américain. L’an dernier, j’y suis allé également et j’ai parlé à la secrétaire d’État Nisha Biswal. Elle a dit que le Sri Lanka serait inscrit à leur ordre du jour. Maintenant, le gouvernement a changé. Cependant, nous ne pouvons généralement rien faire sans l’aide des pays importants sur la scène internationale – la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie, l’Amérique et l’Europe. »

De même, V. Uruthirakumaran, le dirigeant de la TGTE basée à Philadelphie, se vantait que « Au 21 siècle, l’Océan Indien serait la colonne vertébrale » du commerce mondial. Il a expliqué que la TGTE espère donc se vendre aux puissances impérialistes comme un serviteur bien placé.

« Dans cette partie stratégiquement importante de l’Océan Indien, vivent les Tamouls d’Eelam et les Tamouls du Tamil Nadu », a-t-il déclaré. « Le défi auquel nous sommes confrontés est de savoir comment transformer cet axe stratégiquement et géographiquement important en force politique. La TGTE est actuellement impliquée dans ce travail. À cet égard, nous avons mis en place un centre de recherche et certains cours sont assurés par des professeurs. »

Le NCCT, basé au Canada, travaille de concert avec les partis conservateurs, libéraux et les néo-démocrates. Dans une interview à la radio Sri Lanka à l’ONU, son représentant Mohan Ramakrishnan a déclaré que, après l’élection de Trump, « Il y a des discussions qui se tiennent au plus haut niveau. De bons temps viendront. » Il a ajouté : « L’Amérique est très consciente, elle ne permettra pas à la Chine de mettre les pieds au Sri Lanka. »

(Article paru en anglais le 16 mars 2017)

 

 

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