Avec une opposition symbolique des démocrates

Le Congrès américain accorde un immense cadeau fiscal aux entreprises et aux riches

Le passage au Congrès de la réduction d’impôts de l’administration Trump de 1500 milliards de dollars pour les entreprises et les riches marque une nouvelle étape dans la contre-révolution longue de plusieurs décennies aux États-Unis. Cela rendra les États-Unis, déjà l’économie avancée la plus inégale dans le monde, encore plus inégale, solidifiant le règne d’une oligarchie financière qui n'est redevable envers personne.

Le Sénat a passé la loi suivant la division des partis, soit 51 à 48 dans les premières heures du matin du 20 décembre, suivant un débat écourté et superficiel. La Chambre a suivi le pas plus tard la même journée, passant la loi 224 voix contre 203, et où 12 républicains ont rejoint les 191 démocrates pour s’opposer à la mesure. La plupart des votes du «non» des républicains sont venus des États à forte imposition de la Californie, de New York et du New Jersey, lesquels seront durement touchés par les dispositions limitant les déductions d'impôt sur le revenu pour l'impôt municipal et d'État.

La législation est conçue pour transférer massivement les richesses de la classe ouvrière à la classe dirigeante. Au même moment, elle va rapidement augmenter les déficits budgétaires et la dette nationale, fournissant le prétexte pour une attaque sur les programmes domestiques, surtout sur les programmes sociaux de base: Medicare, Medicaid et la sécurité sociale.

Les républicains au Congrès se sont empressés de passer la législation devant de multiples sondages montrant qu’une majorité de la population américaine s’oppose à la loi et que l’opposition populaire a grandi au courant des derniers mois. Une série d’analyses non partisanes de la mesure, incluant par des agences du Congrès, ont conclu que les baisses d'impôt iront massivement au 10% les plus riches, et que d’ici la fin de la décennie, la majorité des Américains verront leurs taxes augmenter.

La pièce maîtresse de la loi est une coupe permanente dans le taux d’imposition des entreprises, qui passe de 35 à 21%. Il est estimé que cela augmentera les revenus corporatifs par plus de 6000 milliards durant la prochaine décennie.

D’autres dispositions favorables aux entreprises incluent l’élimination de l’impôt minimal de remplacement et une réduction d’impôt de 20% pour les propriétaires d’entreprise «intermédiaire» tels des partenariats et des entreprises S (S corporations). À la dernière minute, les promoteurs immobiliers commerciaux ont été ajoutés à la liste des entreprises «intermédiaires» couvertes, ce qui a grandement et personnellement profité à Trump.

Du côté individuel, la loi coupe le taux d’imposition sur le revenu fédéral maximal de 39,6% à 37%, réduit l’impôt minimum personnel de remplacement et double l’exemption pour les taxes foncières à 22 millions $ pour les couples mariés.

Elle inclut deux dispositions pour modestement réduire les impôts pour plusieurs ménages à revenu moyen: un doublement de déduction standard et du crédit d’impôt pour enfant. Toutefois, celles-ci sont largement contrées par d’autres dispositions qui éliminent ou réduisent les déductions d’impôt actuelles, comme sur les intérêts hypothécaires et les taxes municipales et d'État.

Elle remplace l’Indice des prix à la consommation par un soi-disant IPC «en chaîne», qui sous-estime le taux d’inflation. Résultat, les contribuables monteront plus rapidement dans des tranches d’imposition plus élevée et de nombreux ménages à faible revenu deviendront inéligibles pour le crédit d’impôt sur le revenu.

La loi met également fin à l’exigence de l’Obamacare selon laquelle les individus non autrement couverts achètent des assurances maladies de fournisseurs privés, dans plusieurs cas avec l’aide de subventions gouvernementales. Selon le Bureau du budget du Congrès américain, 13 millions de personnes de plus seront ainsi sans assurance maladie d’ici 2027 et il y aura une augmentation annuelle de 10% des cotisations pour des polices achetées sur le marché individuel.

Toutes ces exemptions fiscales individuelles incluses dans la loi expirent à la fin de 2025, ce qui signifie que des millions de personnes feront soudainement face à des augmentations d’impôt en 2026.

Dans la première année de la «réforme» fiscale, les contribuables à revenu moyen verront une réduction moyenne de moins de 1000$, tandis qu'une personne moyenne membre du 1% recevra 51.140 $.

Selon diverses analyses non partisanes, d’ici 2027 83% des avantages fiscaux iront 1% supérieur des salariés, pendant que 53% de la population, incluant tous ceux qui font moins de 75.000 $, paieront plus d’impôts.

Cette législation lourde de conséquences qui affectera chaque section de la société américaine a été passée en vitesse au Congrès en aussi peu que sept semaines, sans la moindre audience au Congrès. Trump et les républicains ont cherché à la vendre à un public septique sur la base de mensonges flagrants, soutenant qu’ils baissent les taxes aux entreprises afin d’aider la «classe moyenne qui travaille fort».

Les démocrates, pour leur part, n’ont rien fait pour s’opposer sérieusement à cette mesure qui favorise ouvertement à la classe dirigeante. Ils prônent eux-mêmes une profonde réduction d’impôt pour les entreprises et ont consacré le gros de leurs efforts à supplier les républicains d’être inclus dans les pourparlers sur le plan.

L’ensemble du processus est une parodie de procédures démocratiques, exposant la fraude de la démocratie américaine et soulignant le fait que les États-Unis sont dirigés par une oligarchie qui contrôle le système politique et les deux partis principaux. Elle voulait l’argent et était prête à tout pour l’avoir.

Suivant le passage de la loi, Trump a dit à des journalistes à la Maison-Blanche, «Ce projet de loi signifie un plus gros salaire net. Ce sera un cadeau de Noël incroyable pour les Américains qui travaillent fort.»

Plus tard, lors d'un rassemblement festif avec des législateurs républicains à l’extérieur de la Maison-Blanche, il a déclaré que la loi «signifie des jobs, des jobs, des jobs!»

Cela, en fait, ne fournira pas plus d’emplois à salaire décents ou de meilleurs salaires que les précédentes «réformes» fiscales menées au cours des trois dernières décennies et demie. Les réductions d’impôt de Reagan de 1981 et 1986, la réduction d’impôt sur les gains de capital de Bill Clinton en 1997 et la «réforme» fiscale de 2001 de George W. Bush ont toutes fait partie de l’offensive de la classe dirigeante contre la classe ouvrière, soit de vastes attaques sur les salaires, les emplois, les pensions, l’éducation, les soins de santé, le logement et d’autres avantages sociaux

Les changements fiscaux régressifs ont joué un rôle majeur en concevant une redistribution des richesses du bas vers le haut qui a apporté l’inégalité sociale aux États-Unis à son plus haut niveau depuis les années 20. Le Rapport mondial sur l’inégalité (World Inequality Report) publié en décembre par une équipe d’économistes dirigé par Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman a noté que depuis 1980, le 1% supérieur et la moitié inférieure des salariés aux États-Unis ont essentiellement changé de position. Pendant que les 50% inférieurs recevaient 20% des revenus nationaux en 1980, ce chiffre a décliné pour atteindre 13% en 2016. Inversement, le 1% supérieur a constamment augmenté sa part du revenu national et l'a fait passer de 10 à 20%.

Le rapport a averti que le plan de réduction fiscal républicain allait suralimenter une augmentation accrue des inégalités en Amérique.

Le Parti démocrate n’a pas été moins complice dans cette contre-révolution sociale que les républicains. Les réductions fiscales de Reagan avaient été réalisées sur une base bipartite, et la réduction d’impôt de Bush de 2001 avait gagné l'appui d’une section importante des législateurs démocrates.

Maintenant, les démocrates utilisent des dénonciations verbales de la loi fiscale et vote selon la ligne de parti en opposition pour obscurcir leur appui tacite à des changements fiscaux qui profitent aux entreprises et aux mieux nantis. Ils attaquent largement la loi républicaine de la droite, sur la base de la responsabilité fiscale et du nationalisme économique.

La chef de la minorité à la Chambre Nancy Pelosi, tout en avertissant de la «ploutocratie» (malgré sa fortune personnelle estimée à près de 200 millions), a dénoncé la loi qui allait faire «exploser le déficit». Le chroniqueur au New York Times Frank Bruni a publié un commentaire en décembre faisant la promotion des démocrates comme les «nouveaux républicains», c’est-à-dire, le vrai parti de la «responsabilité fiscale», avec les valeurs familiales, le patriotisme, la loi et ordre, la sécurité nationale et la décence.

Bernie Sanders, interviewé le 20 décembre sur CNN, a dénoncé la loi parce qu'elle allait encourager les entreprises américaines à investir à l’étranger et expédier les emplois «américains» au Mexique et en Chine.

Les démocrates et leurs alliés dans la direction syndicale n’ont pas appelé à la moindre manifestation contre la loi fiscale, malgré la vaste opposition populaire. Leurs priorités sont ailleurs: promouvoir des campagnes antidémocratiques comme l’hystérie sur les allégations d’inconduite sexuelle, le bellicisme contre la Russie et la croisade qui l'accompagne contre les «fausses nouvelles». Toutes celles-ci sont conçues pour mobiliser la base de la classe moyenne aisée démocrate autour d’un programme pour se préparer à la guerre, criminaliser l’opposition politique et censurer Internet.

Tandis que les démocrates ne veulent aucunement être associés à une mobilisation de la colère populaire contre le cadeau fiscal fait aux riches, la menace envers le Programme d’assurance maladie pour les enfants (CHIP) ou la rafle de masse imminente contre les jeunes immigrants qui sont actuellement protégés sous le programme DACA, il a été rapporté que les démocrates se préparent à des manifestations à l’échelle du pays contre quelconque manœuvre par Trump de licencier le conseiller spécial Robert Mueller.

Ils sont les plus fidèles défenseurs de l’armée et de la police secrète américaines, lesquelles sont en train d’être préparées à réprimer violemment l’opposition de la classe ouvrière au système capitaliste et à toutes ses déprédations.

(Article paru en anglais le 21 décembre 2017)

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