Macron et le Medef discutent la casse de l’assurance-chômage avec les syndicats

Les organisations syndicales sont entrées jeudi 11 janvier dans des négociations avec le gouvernement et le Medef sur une « refonte » de l‘assurance chômage, qui représentent clairement un attaque fondamentale contre les droits des chômeurs.

Les mesures du gouvernement Macron s‘inscrivent dans une attaque générale de l'aristocratie financière contre l’assurance-chômage dans toute l‘Europe, avec l‘objectif de la détruire. Sous prétexte de la « réformer », on sape ses bases légales et financières afin de l'éliminer dans sa forme existante.

Parmi les sujets discutés lors de la première journée de négociation, retenus par une «feuille de route» du gouvernement, que les syndicats et le patronat ont depuis la mi-décembre, il y avait surtout la refonte du financement et de la «gouvernance» de l‘assurance-chômage.

Le gouvernement entend asseoir, en partie d‘abord, sur l’impôt, le financement de l‘assurance à travers une hausse de la CSG, en échange provisoirement d‘une suspension des cotisations chômage des salariés. Un financement et un contrôle de l'assurance-chômage directement par l‘État lui permettraient de contrôler le niveau des indemnités et leur distribution.

Le remplacement des cotisations des salariés par une somme unique dictée par l’État signifie que l‘indemnité de chômage n‘est plus indexée sur le salaire, mais déterminée arbitrairement par l’État. Le salarié perd le droit de recevoir, pendant une période lui permettant de trouver un travail équivalent, un revenu de remplacement et est condamné à recevoir une pitance de l’État.

Une réaction des syndicats montre qu'il s‘agit bien de cela: «Instaurer une indemnité forfaitaire, c’est transformer un vrai revenu de remplacement en un minimum social»a dit Véronique Descacq, de la CFDT. Elle ajoute: «Il faut conserver le caractère assurentiel [de l’Unédic]. Pour cela, il faut garder une cotisation chômage».

Selon le site Huffington Post, syndicats et patronat ont «envoyé mardi un texte revendiquant des positions communes, à commencer par leur souhait de maintenir le régime paritaire adopté depuis 1958». Si les syndicats s’en inquiètent, c’est parce qu’ils craignent d'y perdre la gestion des milliards d'euros de l‘Unedic.

L‘introduction de nouvelles catégories comme les indépendants et les démissionnaires dans le système d‘assurance-chômage va dans le même sens: il justifie l‘introduction de la CSG. «Une extension qui doit s'accompagner d'une réforme du financement et de la gouvernance de l'Unédic», écrit le journal d‘affaires Les Echos.

Le gouvernement, qui a fait la promesse de réduire le chômage à 7% d‘ici 2022 pense sans aucun doute à pousser une partie des chômeurs à devenir des « indépendants », sans contrat de travail et revenus réguliers. Une vieille recette libérale déjà lancée par un Raymond Barre à la fin des années 1970, alors que sa politique faisait monter le chômage à deux millions en quelques mois. Cette proposition fut ridiculisée à l‘époque par les syndicats.

Les démissionnaires qui bénéficieraient de l‘assurance chômage ne seraient qu‘une minorité qui aura fait la preuve qu‘elle a bien démissionné en vue d‘une «évolution professionnelle». Ceux qui ont dû quitter une entreprise les faisant travailler sans fin pour un salaire de misère, écœurés par le climat ou indésirables parce que pas assez « corvéables », resteront sans rien.

Autre thème principal, le contrôle draconien des chômeurs, des contrôles qui peuvent leur faire perdre leurs allocations sur une longue période ou les faire radier s‘ils ne sont pas prêts à accepter n‘importe quel emploi au rabais, signifiant des pertes massives ou la privation du revenu. Un système similaire à celui visé par le gouvernement a été instauré, avec l‘aide des syndicats, en Allemagne. L’État y exige que le chômeur réduit au minimum social ait dépensé son dernier sou pour lui verser son allocation.

Marie Lacoste, secrétaire nationale du MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires) souligne que les sanctions actuelles sont déjà très lourdes «s'il s'avère qu'une personne est jugée pas assez active dans sa recherche, elle risque de perdre 15 jours de chômage. C'est déjà beaucoup. Un projet supplémentaire voudrait qu'on arrive à deux mois de suppression de chômage.» Une solution qu'elle juge «catastrophique».

Elle souligne aussi qu‘on impose au chômeur la responsabilité personnelle de se trouver sans emploi, «alors que nos gouvernants savent pertinemment qu'il n'y a pas d'emplois pour tout le monde. Aujourd'hui, à Pôle emploi, sont inscrits en catégorie 1 plus de 3 millions de personnes et les offres d'emplois disponibles sur le marché tournent autour de 300 000». La responsabilité personnelle implique la punition. «Qui dit punition dit perte de revenu » dit-t-elle, ajoutant: «si vous n'acceptez pas le moindre petit boulot qui se présente à vous fût-ce à temps partiel, très précaire, saisonnier – vous serez puni». Ce contrôle draconien des chômeurs complète la privation du droit à une véritable allocation chômage.

La recherche par le gouvernement d‘une «réduction des contrats à durée déterminée», soi-disant pour faire «progresser l‘emploi stable» est surtout due au fait que, comme il le dit lui-même, «cette situation a un impact notable sur la situation de l'assurance chômage». Un des buts principaux avoués de la réforme est de réduire massivement la dette de l'Unedic, qui atteindrait 37,5 milliards d'euros d'ici 2018.

Macron entreprend pour la France ce que l‘aristocratie financière européenne envisage pour tous les travailleurs en Europe. Ce qu‘on fait subir aux travailleurs grecs depuis plusieurs années, depuis 2015 sous le gouvernement pseudo de gauche de Syriza, l‘allié politique de Mélenchon, avec l‘appui des syndicats, est un exemple effrayant. Le chômage implique en Grèce la privation de la sécurité sociale, les hôpitaux y voient arriver des gens le corps déformé par le cancer parce qu‘ils n‘ont pas vu de médecin pendant des années.

La loi travail II, imposée par ordonnance, dont la refonte de l‘assurance chômage est une prolongation, est, comme la loi travail de Hollande, directement inspirée des réformes Hartz en Allemagne. Celles-ci ont causé une extension massive du travail précaire et à très bas salaire. Peter Hartz, qui a donné son nom à ces lois, est un ex-bureaucrate syndical de Volkswagen. Comme en Allemagne, les appareils syndicaux français, qui gèrent l‘assurance chômage avec le patronat, sont un rouage essentiel des attaques de l‘aristocratie financière.

« C’était un climat d’écoute, où nous avons mis des propositions sur la table. Les discussions ont porté sur quatre points: la question du contrôle des chômeurs, les contrats courts, les démissionnaires et les indépendants, » a dit de la première journée de négociations Philippe Martinez de la CGT. Il a ajouté que la CGT n’était pas dans la contestation.

La première condition d‘une véritable lutte pour défendre des droits chèrement acquis et nécessaires aux travailleurs est de rompre avec ces organisations et leur programme qui consiste a défendre les intérêts de « leurs capitalistes » pour les rendre « compétitifs sur les marchés », en réduisant les travailleurs à des conditions de misère. Cette lutte doit être internationale, indépendante des appareils syndicaux, et se faire sur un programme révolutionnaire et socialiste.

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