Canada: Les libéraux d'Ontario imposent l'emploi à deux vitesses aux travailleurs de l'auto

Les travailleurs de l'automobile dans la province canadienne de l'Ontario ont réagi avec colère aux nouvelles normes d'emploi introduites par le gouvernement libéral de la première ministre Kathleen Wynne, qui les prive des normes minimales en vigueur pour les congés de maladie, de deuil ou les urgences.

Le 1er janvier, la Loi pour l'équité en milieu de travail et de meilleurs emplois est entrée en vigueur, ce qui donne aux travailleurs en Ontario 10 jours de congé d’urgence personnelle, dont deux sont payés. Dans une clause gardée secrète par le gouvernement avant son entrée en vigueur, la loi exclut tous les travailleurs du secteur de l'auto du droit aux mêmes protections minimales. Au lieu de cela, les travailleurs de l'automobile auront droit à sept jours de congé de maladie ou d'urgence et trois jours de congé de deuil, tous non payés. Il y a environ 150.000 travailleurs syndiqués et non syndiqués dans le secteur de l'automobile.

Les cadres de l'industrie de l'auto ont mis beaucoup de pression pour l'exemption. Peu après que Ray Tanguay, un ancien cadre de Toyota Canada, a été désigné conseiller provincial gouvernemental de l'auto, des clauses ont été développées pour exclure les travailleurs de l'auto de la norme générale de la nouvelle loi.

En défendant cette norme à deux vitesses, Daniel Bitonti, un porte-parole du ministère provincial du Développement économique et du Commerce a admis que la clause d'exemption était motivée par un désir d'augmenter les profits déjà importants des entreprises de l'automobile. «En termes du secteur de l'auto, a-t-il dit, notre approche est d'équilibrer les droits et les besoins des travailleurs tout en assurant que le secteur de l'auto en Ontario demeure compétitif dans une économie qui commence à changer rapidement.»

La nouvelle loi est un élément clé des efforts des libéraux pour assurer leur réélection dans les élections provinciales de juin. Depuis leur arrivée au pouvoir dans la province la plus peuplée de la province en 2003, les libéraux ont collaboré étroitement avec la bureaucratie syndicale afin de draper leur politique de droite anti-ouvrière d'un voile «progressiste». Des gouvernements menés par Dalton McGuinty et Wynne ont sabré les dépenses publiques, interdit les grèves et autres mouvements de revendication des travailleurs, privatisé des services publics et assuré des taux d'imposition peu élevés pour les super-riches.

Les syndicats ont investi des millions de dollars dans des campagnes de réélections libérales sur la base de l'argument que c'était la seule façon de stopper les conservateurs. Ils ont applaudi avec enthousiasme leur intégration dans plusieurs comités et groupes consultatifs établis par le gouvernement, incluant leur implication étroite dans le processus de consultation pour la loi au nom trompeur pour l'équité en milieu de travail et de meilleurs emplois.

Les libéraux, avec l'aide utile de la bureaucratie syndicale et ses promoteurs de la pseudo-gauche, ont mis l'accent sur l'élément le plus publicisé de la Loi pour l'équité en milieu de travail et de meilleurs emplois afin de soutenir la lutte difficile de la première ministre Wynne pour se faire réélire. Le salaire minimum précédemment fixé à 11,60$ a été augmenté à 14$ le premier janvier, et doit augmenter à 15$ l'année prochaine.

D'autres clauses pour les nouvelles normes de l'emploi sont tellement faibles que les petites entreprises s'apprêtent déjà à contrer l'augmentation des salaires. Les heures pour les travailleurs au salaire minimum sont réduites ou des emplois sont simplement éliminés.

Une mesure particulièrement scandaleuse fut celle entreprise par Ron Joyce Jr et Jeri-Lynn Horton-Joyce, les propriétaires de deux franchises Tim Horton et des héritiers du milliardaire Ron Joyce Sr, le cofondateur de l'empire des cafés Tim Horton's, qui ont obligé leurs employés à signer un document admettant qu'ils acceptaient la perte de pauses payées, d'avantages et d'autres incitatifs monétaires. Des travailleurs de ces franchises ont calculé que les réductions – tout à fait légales sous les nouvelles normes de Wynne, coûtera à un travailleur d'expérience à temps plein 51$ par paye ce qui, malgré l'augmentation du salaire minimum, signifie en fait une réduction de salaire.

Avec effronterie et hypocrisie, des dirigeants d'Unifor, le syndicat qui organise une partie de l'assemblage d'automobiles et de la production de pièces d'auto de la province, ont dénoncé le gouvernement libéral pour les normes à deux vitesses dans la nouvelle loi qui ont un impact non seulement sur des travailleurs syndiqués, mais également des dizaines de milliers d'employés non syndiqués dans le secteur de l'auto. Mais Unifor n'a pas seulement aidé à appuyer le gouvernement libéral pendant 15 ans, mais a également travaillé main dans la main avec le patronat de l'auto pendant une décennie en négociant et imposant des contrats à deux et trois vitesses pour les travailleurs de l'auto.

Malgré une résistance intense à la normalisation des contrats à plusieurs vitesses de la part de travailleurs syndiqués, Unifor (et son prédécesseur les Travailleurs unis de l'automobile) a imposé des contrats qui donnent à de nouveaux employés une fraction du salaire des travailleurs anciens, mettent fin aux régimes de retraite à prestations définies pour ces mêmes nouveaux employés, réduit d'autres avantages de base et acceptent la croissance d'un troisième secteur d'employés à temps partiel (ETP) qui doivent payer des cotisations syndicales, mais n'ont presque pas de protection contractuelle, voire aucune. La collaboration entre Unifor et les patrons de l'auto a été telle que des tentatives de syndiquer d'importantes usines de Honda et Toyota ont toujours échoué puisque les travailleurs non syndiqués ne voient pas l'intérêt de payer des cotisations syndicales en échange d'incessantes concessions contractuelles.

Les termes du contrat aux usines des Trois Grands de Detroit au Canada sont tellement misérables que même les travailleurs anciens n'ont pas droit aux congés de maladie payés.

Unifor, malgré qu'il proteste en ce moment, a pavé la voie parmi les syndicats canadiens pour faire appel à ses membres pour qu'ils appuient des candidats libéraux dans la plupart des circonscriptions fédérales et provinciales dans les périodes électorales. Le président d'Unifor, Jerry Dias, se vante de son accès au gouvernement fédéral libéral de Justin Trudeau et est le premier à attiser le nationalisme canadien pour diviser les travailleurs canadiens des travailleurs aux États-Unis et au Mexique durant les négociations sur le traité de libre-échange (ALÉNA) en cours.

Le gouvernement Chrétien-Martin libéral a mis en oeuvre les plus grandes réductions des dépenses sociales dans l'histoire canadienne entre 1995 et 1997, puis a offert les plus grandes baisses d'impôt aux riches en 2000. En 2008-09 les libéraux d'Ontario ont collaboré avec le gouvernement fédéral conservateur pour extorquer des baisses de salaire et d'avantages sociaux sans précédent des travailleurs de l'auto des Trois Grands, déclarant que tout sauvetage de l'industrie dépendait de concessions, de l'ordre de 19$ par travailleur par heure et un programme de «restructurations» éliminant des milliers d'emplois.

L'appui offert à ce parti de droite bourgeois par Unifor et la bureaucratie syndicale démontre l'hostilité organique de ces organisations envers toute mobilisation de la classe ouvrière pour augmenter les salaires et assurer de meilleures conditions de travail.

Comme l'écrivait le Parti de l'égalité socialiste dans une déclaration récente sur la lutte contre Trudeau et Trump et l'alliance Canada-États-Unis, «Le partenariat des syndicats avec ce qui a traditionnellement été le gouvernement préféré de la bourgeoisie canadienne est le résultat d’une longue évolution de plusieurs décennies vers la droite de la part des syndicats et de leurs alliés dans le Nouveau Parti démocratique (NPD) social-démocrate. Les syndicats ont repoussé toutes les traditions de lutte ouvrière indépendante, se sont intégrés au patronat et à des structures tripartites syndicales-gouvernementales-patronales, et ont développé des sources de revenus qui leur donnent un intérêt direct dans l’exploitation de la classe ouvrière.»

Chaque fois que les travailleurs de l'auto ont tenté de résister à l'alliance des entreprises, des partis de la grande entreprise et de la bureaucratie syndicale contre eux, Unifor s'est toujours efforcé de trahir leurs luttes. En automne dernier, quand des travailleurs de l'auto de CAMI à Ingersoll en Ontario ont mené une grève déterminée d'un mois pour des augmentations de salaire, exprimant leur profonde hostilité aux contrats à plusieurs vitesses, Unifor a saboté la grève et l'a subordonné à sa campagne concernant la renégociation de l'ALÉNA afin de supposément assurer «les emplois canadiens».

Cette ligne nationaliste réactionnaire a isolé les travailleurs de CAMI de leurs frères et soeurs de classe au Mexique, les laissant sans défense quand la multinationale GM a annoncé qu'elle déplacerait la production vers le Mexique si la grève n'était pas immédiatement terminée. Unifor s'est plié, concluant la grève et imposant un autre contrat pourri qui ne satisfait aucune des demandes des travailleurs.

L'attaque sur les salaires et conditions des travailleurs est internationale, comme le démontrent les événements récents en France, où un syndicat représentant des travailleurs de l'industrie chimique a donné son accord à des salaires en dessous du salaire minimum, et en Allemagne, où les syndicats tentent désespérément de prévenir une explosion de la colère de la classe ouvrière contre la stagnation des salaires et l'inégalité sociale.

Les travailleurs en Ontario et à travers le Canada doivent rejeter le poison nationaliste des syndicats et leurs tentatives de subordonner les travailleurs aux partis de la grande entreprise. Afin de mener une contre-offensive pour des emplois sûrs et bien rémunérés, des services publics bien financés et une bonne pension, les travailleurs canadiens doivent adopter un programme internationaliste et socialiste et unir leurs luttes avec leurs frères et soeurs de classe à travers l'Amérique du Nord et le monde pour mettre fin au système de profit capitaliste.

(Article paru en anglais le 10 janvier 2018)

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