Facebook expose son plan pour censurer les fils de nouvelles et manipuler l'opinion publique

Au cours des deux dernières semaines, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé son intention de réduire la quantité de nouvelles présentées aux utilisateurs de Facebook et de s'assurer que les nouvelles proviennent de sources contrôlées, afin de censurer le plus grand réseau social au monde.

Alors même qu'il déploie progressivement de nouvelles «fonctionnalités» sur son produit afin d'empêcher les utilisateurs de communiquer librement, Facebook plaide publiquement en faveur de la limitation de la liberté d'expression en ligne.

Les derniers exemples sont donnés par deux articles sur le blogue d'entreprise de Facebook par Samidh Chakrabarti, responsable produit pour l'engagement civique, et Cass R. Sunstein, professeure à la Harvard Law School et ancienne fonctionnaire de l'administration Obama. Dans un langage mielleux et orwellien devenu courant dans les excuses officielles couvrant la censure, les messages expliquent comment l'entreprise prévoit mettre en pratique les plans de Zuckerberg visant à limiter la liberté d'expression sur Internet.

Dans son article, Samidh Chakrabarti tente d'expliquer comment Facebook combat les «inconvénients» qu'ont les médias sociaux «pour la démocratie».

«En 2011, lorsque les médias sociaux ont joué un rôle crucial dans le printemps arabe dans des pays comme la Tunisie, ils ont été considérés comme une technologie de libération», écrit M. Chakrabarti. «Beaucoup de choses ont changé depuis.» Maintenant, lui et ses collègues de Facebook sont arrivés à la conclusion inverse: les médias sociaux «permettent aux gens de répandre de la désinformation et d'affaiblir la démocratie».

Ce changement d'avis s'est produit à la suite de la dernière élection présidentielle, qui a «mise en évidence les risques d'ingérence étrangère, de ''fausses nouvelles'' et de polarisation politique», écrit-il.

Le problème qui a émergé lors des élections de 2016 est la «polarisation». Qu'est-ce que cela signifie exactement? Ce n'est pas la prétendue «polarisation» entre démocrates et républicains, qui représentent tous deux l'oligarchie corporatiste et financière (y compris Zuckerberg, qui a une valeur nette de 75 milliards de dollars). Au contraire, il est préoccupé par la montée de l'opposition sociale, alimentée par les nouvelles sur les médias sociaux sur la croissance des inégalités sociales, la brutalité de l'État, la criminalité de ses guerres et la corruption des élus.

Parmi les différentes formes de «fausses nouvelles» qui ont conduit à sa défaite électorale en 2016, Hillary Clinton a cité en premier lieu les transcriptions de ses discours devant Goldman Sachs. En d'autres termes, les «fausses nouvelles» dénoncées par le Parti démocrate et les géants des médias sociaux sont, en fait, de «vraies nouvelles».

C'est précisément pour empêcher la diffusion de «vraies nouvelles» que Facebook utilise, en utilisant le langage orwellien, des «vérificateurs de faits» pour signaler les histoires et les opinions à supprimer. «Une fois qu'elles sont identifiées, écrit Chakrabarti, nous nous efforçons de limiter la distribution de ces histoires sur Facebook».

Ces vérificateurs de faits tiers comprendront des organes de presse contrôlés par la CIA comme le New York Times, travaillant de concert avec les agences de renseignement américaines et leur armée de groupes de réflexion.

Dans sa publication sur le blogue, Cass R. Sunstein déclare que la pire chose que les entreprises de médias sociaux peuvent faire est de permettre à leurs utilisateurs de trouver l'information qu'ils recherchent. Il écrit:

«Il y a un peu plus d'un an, un article important de Facebook disait: "Le but du fil de nouvelles est de montrer aux gens les histoires qui les concernent le plus". Il a attiré l'attention sur les «valeurs fondamentales» de Facebook, qui nécessitent de mettre l'accent sur «quel contenu est le plus important pour vous».

«Vraiment? J'espère que non, du point de vue de la démocratie, c'est un cauchemar».

Sunstein met en garde contre le «dangereux» problème de la «polarisation de groupe – qui s'installe lorsque des gens partageant les mêmes idées se parlent et finissent par penser à une version extrême de ce qu'ils pensaient avant de commencer à parler.»

Il prévient: «Sans expériences partagées ... Les gens pourraient se voir comme des ... ennemis». Pour éviter cela, «les expériences communes rendues possibles par les médias sociaux fournissent une forme de lien social».

En d'autres termes, si les 150 millions de personnes qui ont autant de richesses que les trois plus riches personnes des États-Unis se réunissent et commencent à parler, ils pourraient conclure qu'ils ont un intérêt social commun et commencer à voir ces trois personnes comme leurs «ennemis».

Afin d'empêcher cette réalisation parfaitement naturelle, les entreprises technologiques doivent travailler à façonner l'opinion, mais en secret. «Quand vous montrez aux gens des points de vue qui confrontent les leurs et que vous les étiquetez comme étant du côté opposé, cela fait en sorte que les gens creusent encore plus», conclut-il. Sunstein fait valoir que Facebook devrait travailler à orienter les opinions politiques de ses utilisateurs, sans toutefois les informer.

Le régime de censure de Facebook fait partie d'une campagne menée par toutes les grandes entreprises technologiques, y compris Twitter et Google, pour limiter la liberté d'expression.

Dépouillé du terme à la mode de «médias sociaux», ce que Chakrabarti et Sunstein attaquent vraiment, c'est la liberté d'expression. Au milieu des plus grandes inégalités sociales depuis plus d'un siècle, alors que les États-Unis se préparent à entrer en guerre contre de «grandes puissances», impliquant potentiellement des armes nucléaires, l'élite dirigeante cherche à utiliser le monopole des géants des médias sociaux pour créer une société totalitaire, dans laquelle «l'unité nationale» est créée de force par la suppression de la liberté de parole et par efforts manifestes pour disséminer la propagande d'État.

Le World Socialist Web Site cherche à combattre cette poussée vers la dictature. Nous incitons nos lecteurs à visionner notre webinaire, «Organiser la résistance à la censure d'Internet (en anglais)», à lire la lettre ouverte du comité éditorial international du WSWS, «Pour une coalition internationale contre la censure d'Internet», et à nous contacter pour joindre cette lutte.

(Article paru en anglais le 24 janvier 2018)

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