Des syndicats ontariens tiennent une fausse «journée d'action» en réponse aux récupérations de salaires chez Tim Hortons

Le 19 janvier, des syndicats et des groupes prosyndicaux ont organisé une «journée d'action» à travers le Canada pour protester contre les tentatives de la chaîne de cafés Tim Hortons de récupérer les salaires et les avantages sociaux de ses employés, après l'augmentation du salaire minimum en Ontario à 14 $ l'heure.

Le caractère des protestations a clairement montré que la Fédération du travail de l'Ontario (FTO) et les groupes comme «Fight for $ 15 and Fairness» tentent d'exploiter cette question pour augmenter les chances de réélection du gouvernement libéral de l'Ontario au scrutin provincial du 7 juin.

Lorsque le salaire minimum provincial est passé à 14 $ l'heure le 1er janvier, plusieurs propriétaires de franchises Tim Hortons et de nombreuses autres entreprises de la province ont réagi avec une hostilité à peine dissimulée. Ils ont annoncé la fin des pauses rémunérées pour leurs employés, ont supprimé d'autres avantages liés au milieu de travail ou ont institué une ponction sur les pourboires. Dans de nombreux cas, ces mesures ont non seulement compensé l'augmentation des salaires, mais ont même laissé les travailleurs avec moins d'argent qu'avant l'augmentation du salaire minimum.

Le gouvernement provincial libéral de Kathleen Wynne, qui a adopté la nouvelle loi sur les normes d'emploi en vue des prochaines élections après avoir imposé des années d'austérité, a réagi en voulant se faire passer pour une amie des travailleurs. Wynne a dénoncé Tim Hortons le qualifiant «d'intimidateur» et le ministre du Travail Kevin Flynn a fait une visite très médiatisée dans un café indépendant à Toronto pour critiquer l'action de la plus grande chaîne de cafés au Canada.

Alors que l'indignation à l'égard des actions scandaleuses de Tim Hortons et d'autres entreprises comme Sunset Grill et Rainbow Foods est répandue parmi les travailleurs, les événements orchestrés par les syndicats n'ont rien à voir avec une mobilisation populaire contre les emplois peu rémunérés, les contrats temporaires et les inégalités sociales. Au lieu de cela, les bureaucrates syndicaux qui ont pris la parole lors des rassemblements, dont certains comptaient un peu plus de dix personnes, ont tenté de faire croire que les problèmes étaient causés par les actions répréhensibles d'un seul employeur. Ils ont intentionnellement dissimulé le rôle de leurs alliés au sein du gouvernement libéral, qui a rédigé sa loi sur les normes d'emploi de manière à ce que les entreprises puissent légalement contourner la hausse du salaire minimum.

Les organisateurs des rassemblements de vendredi, dont la FTO et Lead Now, ont rapporté 42 manifestations en Ontario, dont 20 à Toronto. Onze autres manifestations ont eu lieu à l'extérieur de la province, notamment à Calgary, à Saskatoon, à Regina, à Halifax et à Vancouver.

Le point de vue des organisateurs de la manifestation a été résumé par le président de la FTO, Chris Buckley, qui a adressé une lettre ouverte pathétique au PDG de la société mère de Tim Hortons, Restaurant Brands International, Daniel Schwarz. Buckley a exigé que M. Schwarz «prenne les mesures immédiates nécessaires pour s'assurer que les franchisés de Tim Horton respectent l'esprit des lois du travail de l'Ontario et se conforment à celles-ci» et mettent fin à cette «situation malheureuse».

La répétition mot à mot par Buckley de la ligne adoptée par le gouvernement libéral de Wynne, qui a réprimandé Tim Hortons pour ne pas avoir suivi l’«esprit» de la soi-disant Loi sur l'équité sur le milieu de travail et de meilleurs emplois, n'est pas un hasard. Le président de la FTO et ses collègues bureaucrates syndicaux ont déterminé que la question de Tim Hortons pourrait être utilisée comme un enjeu électoral dans leur campagne visant à faire réélire les libéraux de l'Ontario.

À travers la Working Families Coalition, les syndicats de l'Ontario ont dépensé des millions de dollars pour aider à l'élection des gouvernements libéraux pendant près de deux décennies. Ces gouvernements, sous le premier ministre Dalton McGuinty et plus tard sous Wynne, ont mené une série d'attaques après l'autre sur les travailleurs de l'Ontario. Ils ont pratiquement proscrit les grèves dans le secteur public, privatisé les services publics, donné des subventions massives à l'élite entrepreneuriale et mis en œuvre des coupes sociales dévastatrices.

L'affirmation selon laquelle ce parti de droite des grandes entreprises a soudainement retrouvé sa conscience et voulu aider les travailleurs à bas salaire en augmentant le salaire minimum est une supercherie. Lorsque les groupes de pression des grandes et des petites entreprises ont soulevé la question l'an dernier au sujet du plan des libéraux fédéraux visant à réécrire les règles régissant les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) – que les propriétaires d'entreprise et les professionnels ont massivement utilisés pour esquiver l'impôt – le gouvernement Trudeau a rapidement détruit son plan. Ce qui était initialement présenté comme une mesure visant à rendre le régime fiscal plus «équitable» a ensuite été transformée en une nouvelle réduction d'impôt pour toutes les SPCC et les petites entreprises.

Conscient de l'opposition substantielle de l'élite patronale à l'augmentation du salaire minimum, et au milieu du tollé suscité par les changements proposés par ses alliés fédéraux pour l'imposition des SPCC, le gouvernement libéral de Wynne a réduit le taux d'imposition du premier 500.000 $ de bénéfices à seulement 3,5% dans la période précédant l'augmentation du salaire minimum provincial.

Pourtant, lorsque les employeurs profitent de la législation libérale pour récupérer l'argent sur le dos des travailleurs à bas salaire, les ministres de Wynne se limitent à des réactions d'indignation purement verbales et hypocrites.

Dans la mesure où cette comédie a de la crédibilité, c'est uniquement à cause du rôle joué par les syndicats et leurs défenseurs inconditionnels de la pseudo-gauche dans le renforcement de l'étiquette «progressiste» des libéraux.

Les syndicats ont été pleinement intégrés dans le processus de consultation de deux ans qui a été organisé pendant la rédaction de la Loi pour l'équité en milieu de travail et de meilleurs emplois. L'un des principaux objectifs de la loi est de faciliter l'accès des syndicats à une nouvelle base de cotisations chez les travailleurs à bas salaire et non syndiqués. La loi accorde également des exceptions strictes aux protections extrêmement modestes pour les travailleurs qu'elle contient, y compris une disposition qui empêche les quelque 150.000 travailleurs de l'industrie automobile de la province d'obtenir un congé d'urgence payé.

En novembre 2017, lorsque les libéraux et le Nouveau Parti démocratique ont voté à l'Assemblée législative pour la loi sur les normes du travail, également connu sous le nom de projet de loi 148, le Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario (SEFPO) a pompeusement déclaré dans un communiqué que «cela montre que les travailleurs de l'Ontario établissent une fois de plus le programme en ce qui a trait à l'équité en milieu de travail».

Le président du SEFPO, Warren Thomas, s'est dit enthousiaste: «Si je retiens une chose du projet de loi 148, c'est que lorsque les travailleurs se réunissent et disent ce dont ils ont besoin, ils ont le pouvoir de l'obtenir. Le projet de loi 148 est un pas en avant important pour les droits des travailleurs, et je pense que tous les syndicats, groupes communautaires et individus qui ont contribué à ce que cela se produise devraient le saluer.»

L'envolée éhontée de Thomas en faveur des libéraux propatronaux est survenue seulement quelques jours après qu'ils aient rendu illégale la grève de quatre semaines de 12.000 professeurs d'université, membres de son propre syndicat, une grève que Thomas a presque publiquement appuyée.

Au nom du «blocage des conservateurs», les syndicats fournissent aux libéraux des étiquettes «progressistes» et subordonnent systématiquement la classe ouvrière à ce parti de droite, proaustérité. En même temps, dans une minorité de circonscriptions fortement ouvrières, ils soutiennent le NPD, prétendant que les travailleurs peuvent faire avancer leurs intérêts à travers cette organisation sociale-démocrate de droite, discréditée depuis longtemps.

Le NPD, qui a généralement du mal à se distinguer des libéraux, a évité toute critique du gouvernement Wynne au sujet du salaire minimum. Le NPD a soutenu un gouvernement libéral minoritaire ontarien de 2012 à 2014, ce qui a permis à ce dernier d'adopter une série de budgets d'austérité et d'utiliser une loi antigrève pour réduire les salaires des enseignants.

Le caractère prolibéral de la «journée d'action» des syndicats a été davantage illustré par le rôle joué par le groupe Lead Now dans l'orchestration de certains événements de protestation. Lead Now a été le groupe derrière une grande campagne de promotion en 2015 qui, en collaboration avec la campagne «N'importe qui sauf Harper» des syndicats, a aidé à faire élire Justin Trudeau et ses libéraux au niveau fédéral.

Lead Now a avancé la fausse affirmation selon laquelle un vote «stratégique» pour un candidat libéral offrait une solution aux conservateurs de Stephen Harper. Depuis son arrivée au pouvoir, le cabinet «progressiste» et équilibré en nombre d'hommes et de femmes de Trudeau a promis des milliards de dollars supplémentaires pour les Forces armées canadiennes, a élargi la participation du Canada aux interventions militaires américaines dans le monde, a lancé un vaste programme de privatisation visant à vendre les infrastructures publiques du pays et a continué les politiques d'austérité, comme les transferts en santé inférieurs à l'inflation des provinces.

Cela souligne que si les travailleurs veulent réussir dans leur lutte pour obtenir des augmentations salariales et l'amélioration de leurs conditions de travail, ils doivent immédiatement prendre des mesures pour ôter la conduite de la lutte aux mains de la FTO et des syndicats. Les travailleurs devraient former leurs propres organisations de lutte indépendantes pour faire avancer leurs propres revendications, y compris un revenu d'au moins 20 $ l'heure, le plein rétablissement de tous les avantages dont bénéficiaient les travailleurs de Tim Hortons et d'autres entreprises avant les récentes représailles des employeurs et la fin des pratiques d'exploitation telles que le travail intérimaire en agence.

De telles exigences ne peuvent être obtenues que dans une lutte politique irréconciliable contre les libéraux propatronaux, les néo-démocrates et leurs complices syndicalistes procapitalistes. Cela nécessite l'adoption d'un programme socialiste et internationaliste pour lutter pour la mise en place d'un gouvernement ouvrier qui s'engage à placer les besoins de la grande majorité des gens pour des emplois décents et sûrs au-dessus des intérêts de profitabilité de l'élite capitaliste.

(Article paru en anglais le 25 janvier 2018)

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